Jean-Luc,
Nous nous étions croisés en janvier 2012. J'étais secrétaire départemental de Loire-Atlantique et je t'avais accueilli sur le quai de la gare, la veille du meeting au Zénith. Le soir, au restaurant, la propriétaire t'avait remercié pour tes propos tenus sur l'Algérie à la télévision et le meeting du lendemain avait été un succès (quelques jours après, Hollande était obligé de développer un discours de gauche sur son soi disant ennemi : "la finance"). Le lendemain nous avions seul à seul discuté de Cuba et de Chavez sur le chemin qui menait de l'hôtel à la gare. Je garde de cette discussion un agréable souvenir malgré nos désaccords.
En 2014 j'ai quitté le PG en raison de l'évolution stratégique proposée au congrès de Bordeaux (http://www.liberation.fr/france/2013/03/23/le-parti-de-gauche-travaille-par-le-changement-d-euro_890800) mais aussi en raison des pratiques militantes au sein du PG 44.
Dimanche, j'ai voté pour le programme social et écologique que tu portais alors et malgré des désaccords profonds sur la Syrie, les travailleurs détachés , Poutine mais aussi sur l'Europe. En 2012 tu expliquais que ce n'était pas l'Europe le problème mais ce que l'on en faisait. Tu ne défends plus le même point de vue. Malgré Trump et le Brexit, la dérive en partie nationaliste de tes discours est assumée. Des discours qui laissent sous-entendre que l'on serait mieux dans l'entre-soi et qui nous laissent nus face à l'extrême droite qui ne rêve que de Frexit.
Si je t'écris, c'est parce que dimanche soir, j'ai été pris de stupeur en t'entendant. Pas un mot de satisfaction malgré les 19 % obtenus. Pas un geste politique en rapport avec les combats futurs. Pas un mot sur le risque induit par la présence au second tour de l'extrême droite malgré le petit triangle rouge accroché à ta veste. Tu avais la possibilité de devenir le leader incontesté de la gauche (même si France Insoumise récuse ce terme). Au lieu de cela, tu as développé un discours complotiste, niant presque la réalité des résultats. Depuis face à l'extrême droite tu déclares ne pas vouloir donner de consigne de vote, en espérant que d'autres "feront le boulot" car je sais que tu connais le danger que représenterait l'arrivée du FN au pouvoir.
Tu fais même prendre le risque à France Insoumise de n'être qu'un bateau ivre avant les législatives alors que pointe le risque de voir plus d'une centaine de députés frontistes arriver au Parlement. Au lieu de faire de l'éducation populaire, comme seul tu sais le faire, au lieu d'aller voir les ouvriers de Whirlpool pour leur expliquer que Le Pen est la fille d'un millionnaire, qui ne défendra pas la retraite à 60 ans ni l'augmentation du SMIC, tu es resté je ne sais où. Devant le mur des fédérés ?
Ce n'est pas à toi, Jean-Luc, que l'on va apprendre - comme tu le disais fort bien en 2002 du reste - qu'il n'y a pas pire que l'extrême droite. Les propos négationnistes révélés du nouveau président du FN le prouvent.
Mais alors, face à ce vide sidéral, je me sens dépouillé de mon bulletin de vote. Aurais-je voté pour une coquille vide idéologiqquement via la France Insoumise ? Un mouvement avec un leader sans personne derrière? Un mouvement qui ne vivrait qu'à travers ta chaîne Youtube?
Bien sûr que Macron est de droite. Bien sûr qu'avec lui, dès le lundi, il faudra se mobiliser pour combattre sa politique libérale. Mais il vaut mieux, pour les combats sociaux que nous auront à mener, "le marché" avec Macron que "le marché et l'absence de démocratie" avec Le Pen.
Par ton silence, tu nous mets tous en danger.
Ton silence me fais déjà regretter mon vote.
No passaran ?
Je te salue,
Christophe Batardy