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Billet de blog 18 mai 2012

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Nul ne sait ce que peut un élève, nul n'est censé ignorer ce que doit le système

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les conseils de classe du troisième trimestre s'annoncent tendus.

D'un côté, un chiffre adressé par le Rectorat aux administrations, presque aussi secret (hi hi!) que les sujets du bac: faire en sorte que le taux de redoublement en fin de seconde n'excède pas 15%.

De l'autre, des notes.

Pas un des deux pour racheter le sentiment d'absurdité que l'autre donne à tous les acteurs du système.

15% ... par classe? sur l'ensemble des effectifs de seconde? comment avoir une vue d'ensemble? et pourquoi 15 et pas 0? et pas 30?

10 de moyenne... globale? dans les matières principales? qui sont? et les différences entre enseignants? et 20 centièmes, au fond, qu'est-ce que ça change?

Ces chiffres sont idiots. Toutes les parties n'en sont pas moins prêtes à mourir pour eux. Au nom de l'intérêt supérieur des élèves, bien sûr!

Car, disent les uns, on ne peut pas mentir aux élèves et les laisser passer dans une classe où ils ne suivront pas. Et puis on ne peut pas laisser croire que de toute façon on finira par passer, car alors, comment va-t-on les tenir? et que dire aux bons élèves?

Pour les autres, on ne peut pas laisser 20, 25 ou même 30 élèves sur 100 sur le carreau. (Surtout, n'est-ce pas, qu'on en avait déjà évacué pas mal avant l'entrée en seconde)

De deux idées qui semblent également vraies, il faut choisir la tierce.

La seule chose que commande au XXIème siècle l'intérêt supérieur des élèves c'est qu'ils sachent tous:

- manipuler des probabilités complexes, des logarithmes, des notions assez poussées de géométrie dans l'espace

- rédiger des phrases claires, y compris sur des sujets complexes, comprendre des énoncés très élaborés, interpréter et lire entre les lignes toutes sortes de productions, de l'image au texte en passant par la musique et les langages coprorels

- parler parfaitement une ou plusieurs langues étrangères

- rendre compte du fonctionnement global de l'économie, analyser des résultats d'entreprises

- manipuler parfaitement les outils informatiques, très au-delà des bidouillages intuitifs auxquels ils s'en tiennent souvent

Que personne ne rougisse! La seul chose que commande l'intérêt supérieur des élèves n'est-il pas tout simplement qu'ils en sachent plus que nous?

Dès lors, ce qui s'interroge sur ce dont ils sont capables, qui gère des flux, qui écarte, qui répartit, qui en un mot évalue les élèves pour évaluer les élèves - et les trier ensuite - n'est d'aucune utilité. Ne serait-ce que parce que nul ne sait ce qu'ils peuvent.

Nul n'est censé ignorer en revanche ce que doit le système. Et c'est dès lors lui, et lui seul qui doit être évalué. De ce point de vue, notes et quotas sont des faux-fuyants répondant à une même logique de sélection: qu'ils entendent l'atténuer ou au contraire la fonder objectivement, ils la valident, avec plus ou moins d'hypocrisie. D'une manière ou d'une autre, on donne une justification à une démarche consistant à interdire l'accès de certains - beaucoup - à certains savoirs, au rebours exact de l'intérêt collectif!

Publié pour la première fois sur http://www.soixanteminutes.com

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