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Billet de blog 7 février 2011

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Les banques centrales continuent leurs erreurs...

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La semaine dernière JC. Trichet a décidé de maintenir les taux directeurs et le ton d’une politique monétaire accommodante inchangés. Ce maintien intervient dans un environnement où 1° l’inflation redémarre, avec la hausse des prix de matière première, 2° le chômage continue sur sa lancée débuté lors de l’éclatement de la crise financière (chômage d’autant plus dégradés qu’ils ne tiennent pas compte des personnes cherchant des emplois à temps pleins et qui ne trouvent que des occupations précaires ou à temps partiel), 3° les pays « périphériques » de la zone euro continuent à trouver des difficultés pour leurs refinancements et 4° des marchés financiers soutenus par un afflux massif de liquidité.La politique monétaire accommodante en place depuis 2 ans et demi environ pose les mêmes problématiques que celles rencontrées par la FED en 2003-2004 ou la BoJ durant les deux dernières décennies. L’éclatement de la bulle internet en 2000, l’émergence du risque terroriste (i.e. 11-Sept-01) et le ralentissement économique du 1er trimestre 2001 aux Etats-Unis, avaient contribué à la décision de la FED pour un ajustement important et rapide des taux directeurs. Cette baisse des taux a permis dès le 1er trimestre 2003 (et le début de la guerre en Irak) de relancer les marchés financiers (rappelons que la tendance des marchés action s’est inversée le jour du début de l’attaque de l’Irak par l’armée américaine) et la bulle spéculative immobilière qui se traduiront par une envolée de l’endettement et la crise financière que nous avons connue récemment.Lorsque la politique monétaire est trop accommodante, les banquiers centraux surveillent le « bon timing » pour rétablir les taux. S’ils tardent à remonter les taux, des bulles spéculatives naissent et créent des crises plus importantes lorsque la politique monétaire devient plus contraignante (situation que nous avons connu avec la période 2003-2008). Par contre, dans le cas où la normalisation de la politique est trop rapide, l’économie malade fait une rechute qui nécessite une dose d’ajustement encore plus forte pour redémarrer.L’analyse de la situation japonaise sur la période 1990-2010 montre qu’une politique monétaire seule ne permet pas de résoudre des déséquilibres fondamentaux. En 1985, les accords de Plazza ont décidé la réévaluation du Yen pour rétablir le déséquilibre de la balance commerciale avec les Etats-Unis. A partir de cette date, un flux de liquidité important s’est mis en œuvre et a créé une bulle spéculative immobilière très importante qui éclatera dès 1990. La situation se dégrade encore plus avec le séisme de Kobé (1995).Les institutions financières détentrices d’actifs « douteux » n’avaient plus suffisamment de marge de solvabilité pour supporter une économie « saine ». Pour maintenir le système à bout de bras (i.e. des banques et des compagnies d’assurance Zombies), la BoJ a renfloué les institutions en mettant en place le Quantitative Easing – QE – [opération de rachat d’actifs par la banque centrale qui permet de soutenir « fictivement » le prix des actifs], une politique monétaire de zéro taux d’intérêt. Les banques et les compagnies d’assurance Japonaises ont pu dans ces conditions réaliser des profits mais sans rétablir effectivement leur solvabilité faute de réformes en profondeur.De manière similaire, les insitutions financières bénéficient de soutiens importants de la part des banques centrales. La valorisation des actifs toxiques détenus par les banques depuis 2003 (actifs immobiliers, prêts aux acquisitions à effet de levier, financement d’infrastructure etc.) a connu une amélioration par rapport à la période 2008. Cette amélioration est le résultat de la mise en œuvre du 1° QE par la banque centrale américaine et 2° d’opérations d’arbitrages, où le financement peu cher offert par des taux d’intérêts quasi proches de zéro sert à l’acquisition d’actifs distressed qui offrent au mieux des rentabilités très fortes, et au pire, un besoin de renflouement des banques puisque les opérateurs de marché feraient défaut sur leurs crédits [de financement des acquisitions d’actifs].La conduite du sauvetage bancaire, post faillite de Lehman Brothers, a été une erreur aussi importante que l’action de la BoJ face à l’éclatement de la bulle spéculative de 1990. Les Etats n’ont nullement exigé, à cette occasion, de mettre en place des réformes structurelles telles que le cantonnement des actifs toxiques et l’affectation d’une partie de revenue (prioritairement au paiement de dividende, de rémunération variable, ou de mise en place de programme de rachats d’actions ou de versement de stock-options) à la solvabilisation de ces actifs et des banques. L’acceptation de la réforme réglementaire, n’a pas constitué une contrainte en contrepartie du sauvetage.Le remboursement rapide des « fonds propres » et « garanties » apportées a permis aux banques de reprendre leurs libertés et de se remettre en position de force pour contrecarrer les velléités réformatrices de la régulation bancaire et financière. Les décisions en cours constituent un report de la problématique de solvabilité d’un domaine de la finance vers un autre. D’un pays vers un autre.Il est toujours plus facile de négocier des conditions contraignantes avant l’apport de fonds propres, la négociation post-crise ne peut être effective.Les banques centrales font face à un choix cornélien : 1° remonter les taux tout de suite et risquer la dégradation des marchés financiers et la solvabilité des banques (le taux de chômage se dégradera encore plus) ou 2° laisser la politique accommodante en maintenant le QE tout en prenant le risque de la construction de nouvelles bulles spéculatives qui créeraient une vague supplémentaire de dépréciation et de dégradation de l’économie dans 3 ou 5 ans. Il semblerait que la prépondérance donnée aux marchés financiers dans nos économies, à travers la mondialisation et la mise en œuvre d’un modèle libéral dans la quasi-totalité des économies occidentales et émergentes, nous pousse à devoir composer avec cette force. Cette prépondérance se traduit par l’inversement des rôles : les marchés financiers ne sont plus le reflet de la santé de l’économie, ils se sont transformés en moteur de croissance ou de dépression. Cette transformation est liée notamment à la réduction du rôle de l’Etat et la mise en œuvre de mécanisme auto-entretenue, tel que : le financement des régimes de retraite en investissant les avoirs des futurs retraités dans les marchés actions [la hausse des marchés réduit le besoin de cotisation pour les entreprises, créant plus de richesse et expliquant la hausse des valorisations, à contrario la baisse des marchés augmente les coûts et argumentent pour une baisse de la valorisation des entreprises].Il est donc nécessaire de contrôler les mécanismes sous jacents de ces marchés. Si l’état de santé de l’économie « réelle » ne donne pas d’indication de surchauffe qui nécessite une action rapide aujourd’hui puisque l’inflation reste contenue aux matières premières. Il semble nécessaire de contenir la hausse des matières premières et de suivre le retour des montages structurés.L’évolution des matières premières semble, en effet, être liée à une bulle spéculative soutenue par un report des investisseurs des classes d’actifs classiques pour diversifier leurs avoirs dans les métaux précieux, les matières premières agricoles et les matières premières énergiques au lieu des actions ou des obligations d’états qui commencent à montrer des signes de risques importants avec le fort niveau d’endettement des souverains.Il est donc nécessaire que les banques centrales limitent l’effet de levier sur les matières premières, créer une régulation plus contraignante sur ce type d’investissement. Cette contrainte pourrait limiter la canalisation des flux financiers vers la spéculation sur les matières premières en les reportant sur les activités / investissements réels. Cette idée est contrecarrée par la plus grande majorité des opérateurs financiers qui ne souhaitent pas la réforme des chambres de compensation des matières premières – notamment à Chicago – puisque une telle modification se traduirait par de plus grandes difficultés à maintenir l’activité d’investissement dans les matières premières.Les banques centrales pourraient aussi demander aux banques de limiter les versements de dividendes et leur interdire le rachat d’actions tant que certains actifs toxiques ne sont pas couverts par des réserves suffisamment élevées.A l’inverse de ces actions de réduction des risques que le système financier fait porter à l’économie réelle, la banque Goldman Sachs a indiqué qu’elle allait utilisé 170md$ d’actifs liquides pour les investir dans des actifs à hauts rendements (i.e. distressed assets, immobiliers, etc.) afin de retrouver des rentabilités sur fonds propres plus proches des 20% que les quelques 10% réalisés lors du dernier trimestre (rentabilité faible puisque la banque à tenu à ne pas investir énormément en actifs peu liquides dans l’attente de la réforme bancaire).La mise en œuvre de réformes rapide du système économique et financier est essentielle et pourrait nous éviter une nouvelle crise mondiale. Cette crise créerait de la famine, la faillite des Etats, la mise sous tutelle et la privatisation de certains services publics, la mise en œuvre de plans de rigueur etc. A l’inverse de la situation japonaise, où la dette est principalement détenue par des locaux, la détention des dettes des pays occidentaux par des pays émergeants (dont les réserves de change s’accroissent de jour en jour) devrait créer un impact plus fort sur les relations géopolitiques lorsque la crise interviendra et que les pays occidentaux devront négocier le rééchelonnement de leurs dettes.Qu’elle serait notre crédibilité vis-à-vis de la Chine (de l’Inde ou des autres pays émergeants) sur les questions de démocratie et des droits de l’homme lorsque nous négocierons le rééchelonnement de nos dettes ? Quelle crédibilité aurions-nous pour parler de démocratie [le pouvoir en la main de la majorité], lorsque nous auront fait supporter les erreurs d’une petite élite, qui a profité des bulles spéculatives, à la majorité de la population ? Quelle crédibilité aurions-nous vis-à-vis des régimes autoritaires puisqu’il faudra utiliser la force pour faire supporter des réformes et des plans d’austérité injustes ? Quelle sera notre réaction collective lorsqu’il faudra donner en contrepartie de ce rééchelonnement des actifs détenus par l’Etat ou privatiser nos services publics ? Comment éviterons-nous la montée du nationalisme, du protectionnisme et du racisme ? Comme éviterons-nous de répéter les périodes les plus sombres de l’histoire du XXème siècle ?Ce scénario catastrophe ne doit pas être pris à la légère. C’est une réalité qui pourrait se profiler si nous restons les bras croisés. Nous devons tous nous indigner que nos banquiers centraux et nos dirigeants ne cherchent pas des solutions de sortie de crise plus stable pour la majorité. Notre indignation, nous devons la traduire par une « révolution » permettant de mettre en avant des valeurs humaines et des solutions démocratiques avant que la dégradation de la situation économique ne se traduise par la pire des crises.Amitié et fraternité chers lecteurs

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