Monsieur le Président du G20,Les ingrédients d’une crise économique, sociale et politique sans précédent sont tous réunis. Le prix du pétrole connait une hausse vertigineuse et les spéculations d’une contagion des événements qui ont touché la Tunisie, l’Egypte et la Lybie des autres pays arabes dont l’Arabie Saoudite amorce une spirale haussière sans précédent. Les matières premières agricoles flambent suite à la spéculation et au report des placements des investisseurs vers des actifs « moins corrélés » aux marchés financiers pour réduire les risques des autres actifs tels que la dette des Etats. La famine dans plusieurs pays du sud nous guette.L’endettement des pays occidentaux atteint des niveaux stratosphériques. Les déficits budgétaires se creusent sous l’effet de l’exigence des investisseurs de rentabilité supplémentaire face aux risques croissants de défaut.Les institutions bancaires sont encore fragiles suite à la crise financière de 2008 et les nouvelles normes Bâle III augmente l’interconnexion entre le marché obligataire et les comptes des banques (les banques devront pour respecter les critères de liquidité acquérir plus de dette souveraine).Les compagnies d’assurance et les fonds de pension font face à des régulations plus restrictives pour le risque et à des pertes potentielles liées à la dégradation de la solvabilité des Etats (placements qui constituent l’essentiel des actifs de ces institutions qui gèrent l’épargne des ménages, le financement de la retraite et qui finance par ailleurs la majorité des secteurs économiques en tant que pourvoyeurs de liquidité à long-terme).Le scénario catastrophe peut se mettre en branle à n’importe quel moment. Il suffit d’un enlisement du conflit en Lybie, de l’accélération des soulèvements dans les pays du golfe, ou du défaut de la Grèce (ou la renégociation de la dette Grecque) pour que nous assistions à une réaction en chaîne aussi violente que destructrice.L’inflation partirait alors à la hausse, les taux d’intérêts exigés pour le financement des Etats augmenteront et les marges de manœuvre de relance de la croissance à travers un programme Keynésien seront réduites (voir annulées compte tenu du niveau tellement élevé de la dette des pays occidentaux).Les épargnants perdront leurs avoirs, les institutions financières se mettront en faillite puisqu’elles ne seront plus capables de faire face aux pertes directes (liées à la faillite de l’Etat) ou indirectes (liées aux effets de ricochet de cette faillite sur d’autres institutions avec lesquelles elles sont connectées ou sur l’économie en générale qui subirait une récession suite à la mise en place de plans d’austérités drastiques).Le chômage partirait alors à la hausse et atteindrait des niveaux que l’on a jamais connus dans les 40-50 dernières années, compte tenu de la surcapacité de nos économies suite à la bulle de l’endettement que nous avons constitué depuis 20 ans maintenant.Aucun pays ne pourra se sera épargné. La globalisation des échanges financiers et économiques induit une contagion rapide à tous les secteurs d’activité, à toutes les zones géographiques et à tous les agents économiques. Nous assisterons, alors, à la même destruction de valeur que celle que nous avons expérimentée à faible échelle avec la faillite des institutions financières Lehman Brothers et AIG, mais cette fois aucun pays n’aura suffisamment de surface financière pour absorber les pertes et faire face aux conséquences désastreuses.Est-ce un scénario catastrophique inspiré d’un film hollywoodien ? La réponse est oui, si les membres du G20 prennent conscience d’urgence des risques qui nous guettent et mettent en œuvre les solutions réelles. Il pourrait constituer une catastrophe économique, politique et sociale dans le cas où aucune réforme n’est entreprise.La principale interrogation réside dans les réformes. Faut-il commencer par désendetter l’Etat en privatisant encore plus les missions d’intérêts publics ? Ou devons-nous modifier le paradigme politico-économique qui nous a conduis aux risques actuels ?La science nous apprend que les mêmes causes, dans des conditions similaires, conduisent aux mêmes conséquences. Ceci s’appelle l’invariabilité de l’expérience.Lorsque les pays occidentaux ont pris conscience de l’ampleur des problèmes de la crise bancaire en 2008, sachant que celle-ci était en gestation depuis l’été 2007 et commençait à enfler, les politiciens ont décidé de reprendre les mêmes solutions que celles qui ont conduit à la construction de la bulle immobilière. Ces solutions étaient une réduction des taux d’intérêt, un financement direct de l’immobilier à travers la « quasi-nationalisation » des agences de financement des crédits hypothécaires, la création d’un marché étatique (dont les prix étaient gonflés) pour permettre aux banques de ce défaire des actifs toxiques.En mettant en œuvre ce type de solution, les politiciens ont réussi à relancer de nouvelles bulles spéculatives, à reporter dans le temps la reconnaissance du surplus d’endettement et de capacité et à contaminer les comptes publics (la poche du contribuable) par les actifs de l’économie virtuelle. Cette contamination s’est mise en œuvre notamment à travers l’acquisition les programmes de financement et d’externalisation des actifs toxiques.Il est maintenant urgent que des actions préventives soient entreprises. Trois actions urgentes devront être actées et mise en action dès la réunion de novembre 2011 :1- Création d’un club de renégociation des dettes pour effectuer un moratoire organisé des dettes. Ce moratoire aurait pour objectif de réduire la bulle de l’endettement des Etats et des secteurs privés tout en s’assurant des conséquences négatives sur les épargnants et sur les Etats créditeurs. Il devra définir un niveau de levier cohérent par rapport à la croissance économique et à la capacité de remboursement des nations. Les agents privés devront, à l’inverse de ce qui a été entrepris lors du sauvetage bancaire, prendre des pertes à hauteur de leur capacité et participer à renflouer les caisses des Etats qui les ont aidé à revenir à meilleure fortune ;2- Création d’un espace d’échange sur les droits de l’homme et sur la démocratie. Cet espace aurait pour objectif d’accompagner les aspirations de liberté et de démocratie qui s’expriment actuellement dans le monde arabe. Il devra aussi avoir la légitimité de s’opposer aux dictateurs qui sont prêts à tuer leurs peuples pour se maintenir au pouvoir ;3- Création de seuils mondiaux d’inégalité. Ces seuils devront être respectés par toutes les économies afin d’éviter de faire naitre de nouvelles fragilités économiques, sociales ou politiques. La hausse des inégalités est devenue insoutenable, la tendance devra s’inverser pour re-crédibiliser l’économie, la politique et donner aux citoyens l’espoir d’une vie meilleure.J’espère que ces propositions ne resteront pas lettre morte et que nous éviterons la catastrophe qui se profile. B.D.L
Billet de blog 8 mars 2011
Lettre ouverte au Président du G20
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