Le marché des obligations municipales aux Etats-Unis offre aux Etats, Mairies et Communes l’opportunité de lever des capitaux sur les marchés financiers pour financer leurs projets ou pour boucler leur budget. Ce marché fut, avant la faillite de la banque Lehman Brothers, très lucratif. Il permettait aux compagnies d’assurance (rehausseurs de crédit) d’offrir leur garanti. La compagnie d’assurance (qui disposait d’une notation AAA) se portait garante en cas de défaut de l’Etat sur une émission obligataire en contrepartie du paiement d’une prime d’assurance. La facilitation de l’accès au crédit a permis aux municipalités de lever des capitaux pour financer des projets et de reporter des réformes structurelles des finances publiques puisque le déficit budgétaire arrivait à chaque fois à être bouclé, par l’émission de nouvelles dettes. Ces municipalités remboursaient en quelque sorte leur découvert par de la dette !Cependant, dès que les taux d’intérêts ont commencé à baisser en 2001, l’intérêt économique des compagnies d’assurance qui assuraient les obligations municipales s’est porté vers la protection des investisseurs contre le défaut des produits structurés (jugés plus rémunérateur pour l’assureur et tout aussi sût que les émissions des municipalités). Mais, la fragilisation de ces compagnies, à la suite de la tourmente des produits dits « toxiques », s’est traduite par une réduction de la capacité de couverture et par conséquent par la nécessité pour les municipalités américaines d’aller sur les marchés en direct sans passer par les intermédiaires assureurs.Ce passage en direct s’est traduit par le renchérissement des conditions de crédit, ce qui grève encore plus un déficit budgétaire et des comptes publiques d’ores et déjà dégradés par un fort taux d’endettement, des ressources fiscales qui se tarissent (compte tenu du chômage et du ralentissement économique) et des besoins importants pour relancer les économies locales.La spirale d’endettement qui touche aujourd’hui des Etats des US aussi important que la Californie devrait avoir comme conséquence dans les prochaines années un risque de défaut en chaîne. En effet, il suffirait que les municipalités les plus importantes (NY ou Californie) ne puissent plus repousser l’échéance de leur dette (i.e. remplacement de dettes anciennes par de nouvelles émissions obligataires) pour que nous assistions à un besoin de renégociation des conditions ou de défaut. Ce type de débâcle dégradera encore plus les compagnies d’assurance (qui sont d’ores et déjà dans une situation de zombie suite aux pertes attendues sur les produits structurés), les banques (prêteuses en direct ou à travers les compagnies d’assurance) et les fonds de pension qui acquièrent ce type d’investissement…D’ailleurs plusieurs opérateurs de marché (dont les fonds spéculatifs) cherchent des moyens de vendre court ces émissions obligataires afin de profiter du jour où celles-ci se devront renégocier leurs créances. Le marché des CDS n’étant pas assez représentatif, des solutions alternatives sont à l’étude pour que les spéculateurs puissent accélérer le défaut des émissions obligataires municipales.Ce défaut devrait se traduire par une réduction des dépenses pour l’éduction, la santé, les infrastructures etc. Il ira à l’encontre du programme du Président Obama présenté lors de du discours sur l’Etat de l’Union. Ce programme cherche à financer à travers de la dette publique les enjeux économiques de demain : l’éducation, la recherche, les infrastructures, la santé, l’économie verte etc.Nous assistons une nouvelle fois à une problématique Cornélienne : les marchés financiers chercheront à profiter de la faillite future des municipalités (faillite due à un endettement effréné qui a d’abord profité à la communauté financière) tout en préparant les fondements de difficultés économiques futures (i.e. incapacité d’investissement dans les domaines de croissances pérennes qui généreront des profits dans le moyen-terme).La vue court terme des marchés financiers prépare plusieurs catastrophes dans le futur. La faillite des obligations municipales et des Etats des US, n’est qu’une partie de ces catastrophes.L’envolé des prix de matières premières agricole (dont le sucre) prépare un risque de famine mondiale. D’ailleurs, nous pouvons citer la lettre adressée par le Président du World Sugar Committee (qui représente les principaux industriels et commerciaux sur le marché du sucre) au Président du marché ICE Future Exchange, dans laquelle il pointe du doigt la responsabilité des spéculateurs et des modèles algorithmiques dans la création d’une volatilité excessive. Il explique de ces mécanismes financiers à fort effet de levier contribue à augmenter les risques de bulles spéculatives. Le Président du World Sugar Committee parle alors des « Traders parasites ».Ce constat est partagé par les miniers qui commencent à profiter des conditions de marché « exubérantes » pour couvrir leurs productions futures. La plus part des industriels commencent à fixer le prix de leurs productions (extractions) à travers des produits dérivés qui leurs permettent de garantir le prix actuel pendant une certaine période et de garantir par conséquent leurs marges futures. Ils estiment à travers cette décision que les conditions n’ont aucun fondement économique et qu’elles devraient être corrigées dans le futur proche, par le dégonflement de la bulle des prix.Les moyens d’endiguer ce type de bulle spéculative existent et sont faciles à mettre en œuvre. Il suffirait d’exiger des montants de dépôts de plus en plus importants pour les opérateurs sur les marchés des matières premières. En effet, lorsqu’un opérateur souhaite intervenir sur un marché à termes (et notamment les marchés des matières premières) le marché ou la « bourse » exige qu’il dispose d’un montant de dépôt donné. Ce montant de dépôt est fonction du volume de transaction que l’intervenant souhaite réaliser. L’augmentation du dépôt réduit mécaniquement les volumes de transactions et limites les envolés des prix.Cette mise en œuvre doit cependant être acceptée par les opérateurs financiers.Mais, pendant ce temps les banquiers et les financiers préparent leurs réponses à la proposition de réforme bancaire en se concentrant sur les failles que sont des définitions trop vagues, des recommandations disparates et non coordonnées et des zones entières de non régulation telles que la gestion alternative (où ce que l’appelle depuis peu le « shadow banking ») pour faire échouer une quelconque modification du fonctionnement actuel des marchés.Nous assistons en quelques sortes aux dernières heures avant une catastrophe d’ampleur mondiale. De plus, ceux qui bénéficient aujourd’hui de ces bulles spéculatives seront moins impactés par les plans de rigueur et par les coupes budgétaires futures qui seront nécessaires pour rembourser la masse de dette.Nous ne pouvons que nous indigner que peu d’hommes et de femmes politiques tirent la sonnette d’alarme pour réformer en profondeur et faire porter les risques à ceux qui profitent de la spéculation et non aux contribuables. Pour cela il faudra que l’on ait pris conscience des erreurs du sauvetage bancaire de l’année 2008. L’avons-nous fait ? Rien n’est moins sûr !Amitié et fraternité chers lecteurs.
Billet de blog 9 février 2011
Indignons-nous contre le manque de courage pour réformer les marchés financiers!
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