Les élections présidentielles de 2012 se présentent dans un environnement compliqué. La situation économique est tellement dégradée que les hommes et les femmes politiques se trouvent face à des choix difficiles.
Nous pouvons rappeler le diagnostic qui ne peut qu’être partagé par toutes les tendances politiques. L’endettement est à son paroxysme avec une tendance à l’aggravation dans les prochaines années. Le déficit public est à un niveau extrêmement élevé et devrait augmenter sous l’effet combiné d’une hausse de l’endettement, d’une dégradation du taux d’intérêt payé par la France pour financer sa dette et des besoins de politique de relance économique. Notons que la hausse récente des taux d’intérêt à éliminé quasiment la totalité de l’effet positif du rabot des niches fiscales. Le chômage se détériore mois après mois. La compétitivité est en baisse. La France connaît un déclassement important dans le savoir : les élèves français de 15 ans se placent dans le second tiers du test réalisé par l’OCDE (mathématique 22ème, Sciences 27ème, compréhension de l’écrit 21ème sur 65pays) et les universités et écoles françaises sont déclassées par rapport à leurs homologues étrangères. L’insécurité et l’incivilité sont en hausse. Cette liste « à la Prévert » n’est bien entendu nullement exhaustive de la situation dans laquelle se trouve la France aujourd’hui.
Face à de tels enjeux, les hommes et femmes politiques doivent apporter des réponses pragmatiques, réalistes et surtout partagées avec les électeurs. Malheureusement, le Président de la République et le gouvernement n’apportent que des réponses partielles à une situation globale.
L’opposition, quant à elle, se positionne dans la critique sans apporter des solutions réelles. Le débat sur la candidature de DSK présente, en soit, un constat d’échec de la gauche. DSK est un homme de gauche qui peut conduire des programmes de droite. Les réformes qu’ils pourraient mener ressembleraient, alors, à ceux déjà conduit dans tous les pays où le FMI est intervenu : libéralisation et privatisation des services publics, réduction des prestations sociales, libéralisation du marché du travail à travers de la mise en œuvre d’un contrat de travail unique etc.
Nous assistons en réalité à une unicité dans les solutions proposées face au diagnostic que nous avons dressé. Ces solutions consistent à mettre en œuvre d’un programme économique équivalent à celui appliqué par les pays qui ont été les moteurs de la mondialisation : les pays anglo-saxon. La comparaison de l’évolution historique de la croissance aux Etats-Unis d’Amérique, en Grande Bretagne ou dans les pays émergents (BRIC) laisse penser que la privatisation des outils de production, des services publics et la privatisation des couvertures sociales garantissent une forte croissance et une éradication du chômage.
Cependant, cette croissance est faussée par les bulles spéculatives qui se sont constituées durant la période 1980 – 2008. Ces bulles spéculatives se sont succédées parce que le nouveau modèle économique crée une relation incestueuse entre marchés financiers et économie réelle.
De tout temps, la santé de l’économie réelle était reflétée par l’évolution de la bourse. Mais depuis la mise en œuvre d’une économie mondiale-financière ce lien s’est inversé. L’économie financière crée la croissance réelle ou sa dépression.
Le financement de l’économie réelle par les marchés financiers (actions, obligations, fonds de pensions etc.) s’est fortement accru avec la mise en place de l’économie libérale. A titre d’exemple, le transfert de la compétence de la couverture sociale du public vers le privé à travers les fonds d’investissement ou fonds de pension, a créé un mode de financement long terme pour les entreprises. Ce mode de financement est extrêmement lié à la performance des actifs détenus par ces fonds d’investissement. Lorsque la performance des actifs est positive, les fonds de pension nécessitent moins de cotisations et par conséquent permettent aux entreprises de réduire le coût de financement de cette dette. Inversement, le coût de financement devient important lorsque les marchés financiers sont déprimés.
La hausse de l’appétit pour le risque (qui se matérialise par des marchés financiers haussiers) se traduit par une baisse de l’exigence de rentabilité demandée par les actionnaires et par conséquent rend plusieurs investissements réalisables. Elle offre aussi des conditions de financement de plus en plus faibles pour les autres agents économiques (Etats, Localités, Entreprises, Consommateurs etc.).
La hausse de la liquidité (qui accompagne des investisseurs souhaitant prendre des risques) se traduit par la hausse de l’effet de levier (de la dette) qui décuple les avoirs disponibles pour l’investissement et la consommation et à termes la croissance et la création d’emploi.
Le modèle économique mondialo-libéral constitue un système auto-entretenu dont les phases haussières (bulles spéculatives) créent de la croissance et les phases baissières (dégonflement de ces mêmes bulles) se traduisent en récession, hausse du chômage, hausse de la pauvreté et des inégalités.
Ce système économique permet alors de créer des amplitudes de croissance et de décroissance plus fortes que celles obtenues par des systèmes dont la contagion avec les marchés financiers est moins forte, et où l’Etat (le public) a un rôle plus important.
Le modèle mondialo-libéral a le privilège d’être compris par tous les opérateurs de marché dont notamment les agences de notation qui ont une forte prépondérance dans la définition du coût de financement de l’endettement des Etats.
Tout nouveau modèle nécessitera d’être expliqué et justifié aussi bien auprès des électeurs que des financeurs. Mais le plan d’action entrepris par le Président Obama (cf. discours de l’Etat de l’Union de Janvier dernier) présente une source d’innovation importante. La mise en œuvre d’une économie du savoir, le transfert des efforts de recherche et développement vers les nouveaux secteurs créateurs d’emploi dans le futur et l’investissement dans les nouvelles sources d’énergie présentent des pistes intéressantes à exploiter. Par ailleurs, le programme américain propose de reporter le rééquilibrage des comptes publics en privilégiant la croissance, l’emploi et la création d’un socle de sécurité social minimum (réforme de la santé).
L’élection présidentielle de 2012 devra être l’occasion de proposer un nouveau modèle économique et social dans lequel les vrais sujets sont abordés et les priorités sont clairement définies. Les idées proposées devront affirmer un socle de valeur et non une liste de mesures technocrates qui cherchent à reporter dans le futur les choix structurants. Il semble que la population française tienne à plusieurs valeurs sociales et que le filet de protection ait bien fonctionné pendant la crise. Il serait dommage que ce système ne soit pas repensé en trouvant des financements pérennes, équitables et justes (taxation du patrimoine non industriel, réforme des aides aux entreprises en fonction de l’efficacité de celles-ci par rapport à l’emploi et la compétitivité mondiale, réforme de la fiscalité de l’impôt sur le revenu…).
Pour ce faire, il est urgent que la classe dirigeante (politique et économique) montre l’exemple par une conduite sans équivoque et responsable.
Des solutions existent pour résoudre la situation difficile actuelle. Encore faut-il vouloir les mettre en œuvre en dehors des stéréotypes et des solutions simples et inefficaces.
Amitié et fraternité chers lecteurs.