Les nouvelles sur le front de l’inflation sont nombreuses, concernent quasiment tous les pays et sont inquiétantes. Le niveau d’inflation en GB est le double de l’objectif de la banque centrale BoE. L’inflation est de retour en Chine, en France…Cette inflation est d’autant plus inquiétante que les outils pour la jugulée sont des ralentisseurs de relance et de stabilité à la situation économique actuelle. Une hausse des taux, ou un arrêt des mécanismes de Quantitative Easing (acquisition des actifs obligataires par la Banque Centrale pour mettre sous pression les taux long termes) auraient pour conséquence le renchérissement du coût de financement et le ralentissement de l’investissement et de la consommation.La « quasi-stabilité » du marché immobilier britannique et américain n’est obtenue aujourd’hui que grâce au financement, étatique, à travers la garantie d’agences de prêts hypothécaires (Fannie Mae ou Freddie Mac, aux Etats-Unis) ou au maintien à un niveau « artificiellement » bas des taux hypothécaires. L’acquisition par les banques centrales d’actifs hypothécaire contribue à la hausse de la valeur de ces émissions obligataires (ce qui se traduit mécaniquement par la baisse du taux d’intérêt ou du taux de financement des prêts immobiliers hypothécaires).La hausse des marchés financiers (actions, obligations, et matières premières) est une conséquence de la politique monétaire accommodante en place depuis l’éclatement de la bulle immobilière et le vacillement de la planète financiaro-bancaire avec la faillite de Bearn Sterns, Lehman Brothers, les rapprochements de Merryll Lynch etc.Cependant, il est intéressant de s’interroger sur les facteurs sous-jacents à cette inflation. L’un des principaux éléments déclencheur de l’envolé des prix vient de l’évolution récente des prix des matières premières. Cette évolution récente s’explique par : 1° l’attrait des investisseurs vis-à-vis de cette classe d’actifs (les investisseurs recherchant du rendement se placent sur des actifs « décorrélés » par rapport aux actifs obligataires ou actions qui subissent des craintes liées à la situation d’endettement des Etats), 2° une situation géopolitique en pleine effervescence (révolutions Tunisienne et Egyptienne avec un risque fort de contagion à d’autres pays dont notamment les pays du Golfe), 3° une analyse fondamentale qui s’appuie sur la pénurie de produits pétroliers (« pick oil »), de produits alimentaires en raison des perspective d’accroissement de la population mondiale et de la réduction des terres arables, et des minerais ferreux compte tenu de l’accroissement de la production dans les pays émergents, enfin 4° la demande pour des métaux précieux (or, platine etc.) comme remplacement d’actifs dans les réserves de change des banques centrales émergentes compte tenu des risques qui pèsent sur les obligations d’Etats.Toutes ces raisons expliquent la hausse, mais indiquent en même temps qu’il existe un risque de « bulle spéculative » importante sur les matières premières. En effet, le risque de pénurie (« Pick Oil », alimentaire ou de produits ferreux) constitue une situation connue, d’ores et déjà, par la majorité des opérateurs financiers depuis plusieurs années et a justifié la première envolée des prix début 2008.Cependant, cette analyse ne tient pas compte des innovations qui pourraient venir remplacer les énergies fossiles ou la teneur en produits ferreux dans la production industrielle. De plus, les habitudes alimentaires connaissent de fortes variations sur les cycles longs. Il est donc illusoire de pouvoir projeter les modes de consommation sur 50 ans en partant de l’hypothèse que ceux-ci ne subiront aucune modification. Il est d’ailleurs important de prendre en considération les évolutions sociétales comme la responsabilité écologique qui prend de plus en plus d’ampleur surtout dans les pays occidentaux (ex : réduction de la consommation de viande, attrait pour les produits « locaux » etc.).En ce qui concerne les autres facteurs explicatifs comme la diversification des réserves de changes des pays émergents (acquisition par les banques centrales émergentes des matières premières en lieu et place des obligations d’Etat) ou l’attrait des investisseurs pour cette classe d’actifs, ceux-ci sont sources de déséquilibre de l’offre et de la demande.Pour ne prendre qu’un seul exemple, le développement des produits d’investissement indexés sur les matières premières constitue un volume plus important que celui des industriels. A ce sujet, nous pouvons citer la communication de l’organisation mondiale du sucre qui attaquent les financiers (ou spéculateurs) parce qu’ils créent une distorsion de l’offre et de la demande par des transactions fréquentes et dans des volumes importants (high frequency trading). Cette volatilité devrait, selon toujours l’organisation mondiale du sucre, se traduire par de nouvelles crises dans le futur.L’action des banques centrales vis-à-vis de l’inflation doit être responsable. Il est nécessaire de s’attaquer à la source du mal au lieu de s’attarder sur ses conséquences. Il semble plus efficace de limiter les volumes financiers qui tirent les prix des matières premières à la hausse que de resserrer les politiques monétaires. Un tel resserrement de la politique monétaire aurait des conséquences qui dépasseraient la simple limitation de l’envolée des prix des matières premières puisqu’il tuerait dans l’œuf une quelconque relance économique.Les actions « non conventionnelles » telles que le Quantitative Easing doivent aussi être repensées. Celles-ci offrent des opportunités d’arbitrage et de spéculations aux opérateurs financiers sans apporter des solutions durables pour la relance économique. Le soutient du marché de l’immobilier ne permet pas de résorber les difficultés fondamentales comme la déconnexion flagrante entre les revenus des ménages (des acquéreurs), le prix des biens et l’endettement nécessaire pour faire face à l’acquisition.La liquidité apportée par les programmes de politiques monétaires ont permis aux banques de réaliser de nouvelles opérations profitables sur les marchés financiers et de renforcer leur solvabilité. Cette amélioration de la situation financière des banques ne s’est malheureusement pas traduite par le financement de l’économie ou par l’absorption des actifs « à risque » ou la réforme des activités complexes qui poseraient des difficultés dans le futur (ex : les prêts pour l’acquisition d’entreprises avec effet de levier, les crédits hypothécaires titrisés, les crédits adossés aux cartes de crédit etc.).L’irresponsabilité de la stratégie bancaire et sa non-coordination avec les banques centrales sont dangereuses pour les années à venir. L’amélioration de la situation financière des banques est le pendant d’un endettement grandissant des Etats et une fragilisation des bilans des banques centrales (principales pourvoyeuses de liquidités et principaux agents d’acquisition des actifs financiers). [Rappelons que les pertes générées sur le bilan d’une banque centrale se traduisent directement par une dégradation du déficit budgétaire pour éponger les pertes et un endettement plus fort].Le sauvetage du système bancaire se doit être repensé à l’aune des évolutions actuelles.L’inflation doit être jugulée par une plus forte régulation des marchés des matières premières (réduction de l’effet de levier et des volumes issus de l’investissement financier) et les politiques monétaires se doivent être repensées en termes d’efficacité sur l’économie, l’emploi et l’investissement.Ces réflexions ne sont pas sur la place publique puisque opérateurs, banquiers, banquiers centraux et politiques continuent à utiliser les « boites à outils » anciennes pour appréhender les problématiques et mettre en œuvre des solutions.L’exemple du « ratage » dans la gestion du dégonflement de la bulle immobilière au Japon doit être utilisé comme la démarche à ne pas suivre. Les banquiers centraux doivent revoir les modèles économiques utilisés et acceptés. Ils doivent contrôler la libéralisation et la globalisation pour ne pas créer des bulles spéculatives dont les dégonflements créent des inégalités sociales et de la pauvreté.Les mois à venir montreront si les politiques et les banquiers centraux prendront en considération le fait que le monde à changer et que les solutions doivent par conséquent être adaptées. Cependant, nous risquons de voir les erreurs actuelles se poursuivre. Malheureusement, la continuité des mêmes actions se traduiraient par des conséquences négatives pour la majorité en augmentant le banc des laissés-pour-compte dans la plus part des économies occidentales et émergentes.Les inégalités actuelles sont tellement importantes que nous risquons de voir un soulèvement des majorités, le jour où éclatera la prochaine crise économique et financière, pour dénoncer le déni de démocratie que constitue la gestion actuelle des crises et la mono-perception des solutions économiques. Les événements en Tunisie et en Egypte doivent rester dans nos esprits puisqu’ils constituent un soulèvement contre un système qui n’a pas réussi à offrir des perspectives économiques viables à ses citoyens.Amitié et fraternité chers lecteurs.
Billet de blog 15 février 2011
Le retour de l'inflation: attention à ne pas utiliser les mauvaises solutions
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