Le business model des établissements bancaires peut-il être rentable et correctement capitalisé ? Cette question est sous toutes les lèvres des analystes financiers, aux dirigeants d'institutions bancaires ou des régulateurs. L'introduction des nouvelles normes Bâle III, dont les contours définitifs seront arrêtés dans les prochains mois, devrait exiger un niveau de capitalisation des banques plus importante que celle demandée par les normes de solvabilité précédentes. En effet, les banques doivent dorénavant détenir des capitaux plus importants pour prendre la même quantité de risque, à cela s'ajoute la nécessité de mettre de coté des capitaux supplémentaires pour les établissements dit « too-big-to-fail » qui focalisent les risques systémiques. Les résultats publiés par les banques montrent que le retour sur fonds propres (résultat Net rapporté aux capitaux propres apportés par les actionnaires et dont le niveau est évalué à l'aune des exigences réglementaires) se situe autour de 10% au lieu des 25-30% avant crise financière. Le message à l'unisson des dirigeants de ces établissements consiste à critiquer une régulation trop contraignante qui mettra la rentabilité sous pression et par conséquent nécessitera une facturation / tarification des risques vis-à-vis des clients plus élevés. Les banques utilisent le spectre du credit crunch pour justifier leur refus d'accepter de mobiliser plus de fonds propres pour faire face aux risques portés dans leurs bilans. Il est intéressant à ce stade de revenir à des fondamentaux. Toute la théorie financière s'appuie sur le postula de la relation entre le risque et la rentabilité de tout investissement. Plus le risque est élevé (risque de pertes en capital par exemple) et plus l'investisseur exigera des rentabilités élevées et devrait dans certains cas obtenir ces rentabilités, dans d'autres perdre son investissement (puisque dans ce cas le risque se matérialise). Un renforcement de la solvabilité du secteur bancaire réduit le risque aussi bien pour les banques elles-mêmes que pour les autres acteurs de l'économie (Etats, Industriels, Consommateurs etc.). Cette réduction du risque doit donc s'accompagner par une exigence de rentabilité plus faible. Les investisseurs téméraires qui souhaitent prendre des risques plus élevés, ont toujours le choix de réaliser des investissements plus risqués. En effet, nous devrions assister à un déplacement d'un certain nombre d'activité à risques (comme le trading pour compte propre) des banques d'investissement (qui devront appliquer la réforme Volker et clôturer toute activité de trading qui ne soit pas liée à des opérations avec la clientèle) vers de nouvelles structures d'investissement. Nous pouvons alors envisager un renforcement des fonds alternatifs (fonds de private equity, fonds alternatifs etc.) qui devront se concentrer sur ces activités soit à travers l'intermédiaire des banques d'investissement ou directement vis-à-vis des agents économiques. Nous assisterons en quelque sorte à une nouvelle mise en œuvre du Glass Steagal Act (loi de séparation des activités de banque d'affaires et de banque commercial mise en place après la crise de 1929 et abrogée le 12 novembre 1999, pour donner naissance au géant Citigroup). Cette fois-ci les activités de spéculation (à fort effet de levier) seront cantonnées à des fonds spécialisés dont le risque de faillite ne devrait pas avoir de conséquences sur les clients commerciaux et sur le dépôt des ménages. Mais l'efficacité de cette mesure nécessiterait que ces nouvelles structures détentrices des activités à risque, puissent lever de la dette sans passer par les établissements bancaires. En effet, si les banques continuent à prêter à ces structures, le risque de défaut de la structure fortement endettée se traduirait alors par une contagion à la banque et dans un second temps à l'économie en général (à travers tous les mécanismes qui se sont enclenchés au cours de la crise 2008). Les réformes actuelles ne tiennent pas suffisamment compte de ces effets de contagion et des relations incestueuses qui peuvent exister, après l'adoption des réformes Volker ou Bâle III, entre les structures qui se créeront pour récupérer les activités à risque et les banques. Cette relation est d'autant plus occultée qu'aujourd'hui les banques espèrent, malgré que la crise 2008 et ses effets néfastes ne sont pas si éloignées de nous, pouvoir réduire les contraintes et exigences de fonds propres afin d'améliorer la rentabilité, revenir aux chiffres affichés pré-crise et servir leurs actionnaires et salariés d'une manière équivalente à celle des premières années des années 2000. Ce souhait explique la décision de l'industrie bancaire de ne pas évoluer. Nous pouvons envisager que cette industrie connait actuellement les mêmes transformations que celles vécues par les sociétés informatiques au milieu des années 90 début des années 2000. Nous avons assisté au cours de la fin des années 1990 début des années 2000, à la transformation des sources de rentabilités dans le secteur de l'informatique. Lorsque la rentabilité était du coté du « hardware » (machine de plus en plus puissante et de taille réduite) il a vite évolué vers le « soft » et la convergence entre les systèmes d'information et la vie courante. Nous avons vu alors des sociétés comme IBM laisser la place à Microsoft, puis à Google en attendant l'émergence réelle de Facebook. Il est fort à parier que l'industrie bancaire connaît une transformation stratégique de la même ampleur au regard de l'évolution réglementaire, sociétale et politique. La critique de la population vis-à-vis de cette industrie nécessitera une réforme en profondeur. Les banques « classiques » (investissement et commerciales) devraient revenir vers des modèles moins risqués mais plus pérennes, lorsque l'innovation, les risques nouveaux et la spéculation seront transférés vers de nouveaux acteurs. Nous assistons d'ailleurs à une forte demande de la part des investisseurs pour le développement de ce type de structure. Le fonds souverain chinois serait sur le point, par exemple, de reporter une partie importante de ses avoirs des investissements « classiques » (actions et obligations) vers les investissements alternatifs. Les fonds spéculatifs commencent de plus en plus à se forger des équipes de contrôles des risques aussi puissantes que celles des banques d'investissement et cherchent à désintermédier les prises de risques (par soucis d'augmentation de la rentabilité). Mais le transfert vers ces nouveaux acteurs, approches naturelles du Darwinisme économique, devra, cette fois-ci, être anticipé afin de mettre les bons indicateurs en place, améliorer et adapter les systèmes de supervision, afin d'éviter que les erreurs passées se reproduisent à l'identique avec à la clé une nouvelle crise « bancaire », où l'Etat devrait intervenir en urgence pour sauver des fonds spéculatifs, comme il a dû sauver Goldman Sachs, Morgan Stanley en 2008 (les deux brokers étaient à l'époque en dehors de la réglementation et le suivi bancaire assuré par la FED, avant la crise financière) ou le fonds LTCM (en 1998). Il faudrait que tous les intervenants, à l'occasion des différents et nombreux forums sur la régulation financière, se penchent sur les prochains risques au lieu de s'intéresser aux disfonctionnements passés. Il est nécessaire que les régulateurs soient responsables et regardent la lune et non le doigt : comme le dit le proverbe « Lorsque le sage désigne la lune, l'imbécile regarde le doigt ». Amitié et fraternité chers lecteurs.
Billet de blog 16 février 2011
Transformation du modèle d'affaires des banques à attendre
Le business model des établissements bancaires peut-il être rentable et correctement capitalisé ? Cette question est sous toutes les lèvres des analystes financiers, aux dirigeants d'institutions bancaires ou des régulateurs. L'introduction des nouvelles normes Bâle III, dont les contours définitifs seront arrêtés dans les prochains mois, devrait exiger un niveau de capitalisation des banques plus importante que celle demandée par les normes de solvabilité précédentes.
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