Le mouvement de consolidation des places boursières s’accélère. Quelques heures après l’annonce du rapprochement entre la bourse de Londres (LSE) et celle de Toronto (TMX), Deutsche Börse et NYSE-EURONEXT ont publié les bans. Quelque jours plus tard, les bourses alternatives Chi-X et BATS, respectivement créées en Europe et aux Etats-Unis pour détruire le monopole des bourses, ont annoncé leur fusion.Ces mouvements sont équivalents à ceux qu’ont connus les secteurs régulés comme les télécommunications, l’énergie ou les infrastructures etc. Ils sont issus d’une réflexion politico-économique qui souhaite réduire les monopoles et la présence de l’Etat, comme agent économique, à sa part la plus faible. En effet, sous couvert de réduction des coûts de transaction et de transparence, l’Union Européenne a entrepris les mêmes actions que les US en exigeant la constitution de bourses alternatives pour concurrencer les bourses établies qui disposaient chacune d’un monopole pour les transactions sur les sociétés cotées.Ces nouvelles structures ont été créées par des Banques d’Investissement dans un objectif d’intégration verticale de la chaîne de valeur des transactions financières. Elles ont été créé comme les anciennes bourses locales (ex : SBF qui était détenue par les agents de change, seuls opérateurs qui avaient le droit de réaliser des transactions pour le compte de leurs clients institutions financières, particuliers, banques etc.). Les banques d’investissement ont toujours souhaité internaliser les transactions financières de la même façon que les opérations sur d’autres actifs comme les produits dérivés qui sont traités de gré à gré. Ils ont d’ailleurs fait du lobbying pour détruire la pratique des « agents de change » puis de proche en proche sont arrivés à leurs fins : disposer de la rentabilité des transactions financières depuis l’ordre du client jusqu’à l’exécution finale et l’enregistrement de l’actif dans les comptes de ce dernier (à travers la disposition d’activité de dépositaire).Cependant, la destruction du monopole des bourses ne se fait pas sans conséquence sur l’économie et sur la stabilité financière. Du coté économique, cette compétition entre bourses permet de réduire le coût des transactions et d’augmenter le volume. Elle participe au développement des « high frequency trading » et des gestions algorithmiques dont l’objectif est d’extraire de la rentabilité financière par la recherche d’anomalies de marchés ou par l’amplification des tendances de marché (identification et intensification des comportements moutonniers). En même temps, ces gestions participent à l’augmentation de la volatilité des marchés financiers, tels que nous l’avons observé sur les marchés des matières premières, ces temps-ci.Du coté de la stabilité financière, l’émergence de nouvelles structures détenues par les banques d’investissement avec un rôle conjoint de client (pour les opérations réalisées pour compte propre), d’actionnaire et de fournisseurs (pour les opérations réalisées pour compte de tiers). Cette contagion des genres crée un risque systémique plus important puisque les banques participent, à travers leurs activités de trading (pour compte propre ou compte de tiers), à la hausse de la volatilité des marchés financiers, augmentent les risques de cracks boursiers et fragilisent ainsi le financement de l’économie par action et l’investissement long-terme (comme le financement des fonds de retraite par exemple).Les places boursières se transforment, par l’effet des fusions et de la dérégulation, en des places de spéculations et s’éloignent de leur objectif initial de financement des entreprises en apportant des actions. Le mouvement de concentration des bourses et l’éloignement de celles-ci des implantations locales présentent aussi des inconvénients supplémentaires au même titre que la mondialisation des autres industries. Les investisseurs seront de moins en moins attachés aux sociétés cotées sur les bourses locales. Celles-ci auront moins la capacité de créer une attractivité spécifique, puisque seul le facteur coût restera le moyen de différenciation.Il est nécessaire pour les régulateurs et les représentants du G-20 de s’interroger sur les conséquences des décisions politiques actuelles qui fécondent les risques systémiques de demain : la libéralisation des bourses et par conséquent la réduction des contrôles de la part des régulateurs locaux (délit d’initié, manipulation boursière etc.) constitue un facteur de risque dans le futur aussi important que le financement à outrance des prêts hypothécaires dans les années 2000.Le résultat de la démonopolisation des services tels que l’énergie, les infrastructures, ou les télécommunications aux US et au Royaume-Uni montre que ces secteurs ont subit un faible investissement et offre aujourd’hui des services rendus aux usagers de piètre qualité. Il est, par conséquent, nécessaire que nous soyons tous vigilants afin que l’appel pour rendre les marchés financiers plus responsables ne reste pas vain.Amitié et fraternité chers lecteurs.
Billet de blog 18 février 2011
Démonopolisation des bourses: une mauvaise solution pour rendre les marchés financiers plus sûrs
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