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Billet de blog 18 mai 2011

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Le « story telling » ou comment éviter les sujets de fond?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Quelle semaine ! ». Depuis une semaine, chaque jour apporte son lot de rebondissements : déclaration d’un Ministre mettant à l’indexe les allocataires du RSA, révélations sur le patrimoine d’un candidat potentiel à la Présidence de la République, ouverture d’une enquête sur les agissements d’un Ministre des Finances, et enfin pour clôturer le tout, une affaire de mœurs. Le comble du romanesque est atteint lorsque la mort médiatique d’un homme est concomitante avec une nouvelle naissance, pour nous prouver que la vie continue.

Tous ces sujets abondent l’argument des extrêmes quant à l’éloignement des femmes et des hommes politiques des problèmes des français. Ces affaires contribuent à renforcer la colère de certain de nos concitoyens vis-à-vis du monde politique. Nous avons constaté la hausse de l’abstentionnisme lors des dernières élections cantonales. Cet abstentionnisme pourrait être interprété comme le synonyme d’un lâché prise de la part des citoyens qui sont lassés par « les affaires » (« tous pourris disait Coluche dans son Sketch »).

Nous assistons à une bataille rangée dans laquelle les déclarations sur la moralité fusent pour éviter de parler des sujets de fonds et des choix de société lorsque les problèmes économiques et sociaux sont importants : chômage structurel, déficit publique, endettement abyssal, risque de faillite d’états membres de l’Euro, problème de refinancement de la dette américaine et son impact sur l’équilibre de l’offre et de la demande…

Il est, en effet, beaucoup plus facile de pointer du doigt les étrangers, même ceux en situation régulière, comme la principal raison des difficultés économiques. Il est aisé d’expliquer que les déficits des comptes publics sont dus aux prestations versés aux assistés qui profitent du système. Il encore plus facile de considérer tous les hommes et femmes politiques comme des profiteurs à la solde de leur intérêt personnel (ou certains intérêts particuliers), que d’ouvrir un grand débat sur l’avenir de la France, sur les choix économiques, ou sur les règles de fonctionnement des marchés financiers etc.

Le traitement par les médias de la triste affaire de Dominique Strauss-Kahn constitue aussi une forme de légèreté. Nous assistons à la présentation du profil pervers d’un homme qui a tant apporté au FMI. Nous oublions que celui-ci a été l’un des moteurs de la construction d’une régulation mondiale. Nous avons rapidement oublié que DSK fut aux premières loges pour assurer la survie du système capitaliste lorsque les faillites bancaires risquaient de créer un séisme économique d’une grande ampleur. Nous occultons ses réformes au sein du FMI, pour ne retenir que l’affaire Pirorska Nagy du passage de Dominique Strauss-Kahn dans cette institution.

Nous ne pouvons que nous attrister de constater que certains journalistes et hommes politiques promettent des « révélations » sur la perversité de l’homme politique une fois qu’ils se sont assurés que l’acte de décès politique a été délivré. Il s’agit ici d’une forme de lâcheté.

Mais la recherche de la facilité semble être un mal de notre société. Ces leaders d’opinion préfèrent s’attaquer à un homme affaibli, au lieu de s’attaquer à l’homme politique lorsqu’il était capable de répondre aux attaques. Quelle image de la démocratie donnons-nous lorsque l’on se permet de condamner une personne sans lui laisser le droit de réponse et la possibilité de se défendre ?

C’est rageant de voir que la plus part des articles s’attardent sur des images chocs sans intérêts (en dehors du voyeurisme malsain) au lieu de s’attarder sur l’investigation de l’affaire. Il semble que certaines incohérences nécessitent d’être creuser afin de démêler le vrai du faux.

Personne ne sait ce que sera la conclusion de l’affaire DSK. M. Strauss-Kahn est peut être coupable, mais il peut aussi être innocent. Il semble que notre tradition républicaine appel à la mesure et à la présomption d’innocence aussi bien qu’à la présomption de victime.

Quel intérêt pouvons nous trouver à juger une affaire, à travers une certaine présentation des faits, avant même que le droit ne se soit prononcé et sans laisser à l’accusé le droit de se défendre ?

Combien de femmes et d’hommes libres ont donné leur vie pour la liberté d’expression, pour une justice pour tous, et pour l’égalité dans le traitement ? Ne sommes nous pas tous redevables vis-à-vis d’eux, vis-à-vis de leur mémoire, pour respecter la présomption d’innocence et atténuer nos pulsions de voyeurisme ?

Il semble que nous continuons une tendance que nous avons commencée depuis bien longtemps. Nous nous concentrons sur la forme et nous laissons de coté le fonds. Nous préférons voir les failles d’un homme au lieu d’affronter la faillite de nos systèmes économiques et politiques.

Il est peut être temps de se réveiller, de laisser la justice faire son travail et d’avoir un peu de respect pour la famille de M. Strauss-Kahn et pour DSK. Si nous imaginons un seul instant son innocence, nous pouvons ressentir la douleur de cet homme.

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