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Billet de blog 21 mars 2011

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La schizophrènie de la Ligue Arabe

«Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais». La volte-face de la Ligue Arabe sur l'attaque de la Lybie montre combien les dirigeants arabes sont schizophrènes. La veille du début de l'attaque de la Lybie, la Ligue Arabe a soutenu la mise en œuvre de tous les moyens possibles pour assurer la sécurité des civils en Libye et éviter le bain de sang promis par le Colonel Khadafi à Belghazi aux «drogués de la liberté et de la démocratie».

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«Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais». La volte-face de la Ligue Arabe sur l'attaque de la Lybie montre combien les dirigeants arabes sont schizophrènes. La veille du début de l'attaque de la Lybie, la Ligue Arabe a soutenu la mise en œuvre de tous les moyens possibles pour assurer la sécurité des civils en Libye et éviter le bain de sang promis par le Colonel Khadafi à Belghazi aux «drogués de la liberté et de la démocratie».

Ce changement d'attitude peut trouver son explication à quelques milliers de kilomètres : à Sanaa et à Manama. Hamad Ben Issa Al-Khalifa, Roi du Bahreïn, et Ali Abdellah Saleh, le Président Yéménite, font vivre à leur population les mêmes sévices que ceux qu'à fait vivre le Colonel Khadafi à son peuple au début des révoltes. La principale différence entre ces événements réside dans le fait que l'armée Saoudienne prête main forte au Bahreïn et pourrait être mise à contribution contre tous les soulèvements au Moyen-Orient afin de tuer dans l'œuf les velléités de liberté et de partage du pouvoir. La famille Al-Saoud a intérêt au maintien des dirigeants actuels pour continuer à s'accaparer les richesses de la manne pétrolière.

Nous pouvons d'ailleurs noter que les appels aux manifestations contre le Roi Abdellah, d'Arabie Saoudite, ont été faiblement relayés dans la presse. La réponse musclée contre les manifestants lors des événements du 11 mars 2011 n'a pas été condamnée par les différents diplomates.

La schizophrénie de la Ligue Arabe n'est plus ni moins qu'un exemple du modèle de deux poids deux mesures qui sévit dans nos pays. Nous attaquons Khadafi pour aider son peuple à se libérer mais nous ne condamnons pas le Roi Abdellah pour son action contre son peuple et son assistance à un roitelet qui s'accapare le pouvoir et les richesses sans partage.

Ce modèle se retrouve aussi dans les actions de communication qui cherchent à amoindrir les conséquences des événements liés à l'accident nucléaire de Fukushima au nom de notre indépendance énergétique. Nous essayons de maintenir un système politique et économique qui tombe en ruine, du moins encore pour quelque temps. Nous essayons de maintenir des bonnes relations avec les producteurs de pétrole jusqu'à ce que la situation devienne intenable ou plus avantageuse si une attaque militaire était mise en œuvre.

Il a fallu attendre que Kadhafi soit totalement fragilisé pour aider les opposants à se libérer. Il a fallu des milliers de victimes avant que le conseil de l'ONU ne prenne une décision pour arrêter le massacre.

Combien faudra-t-il de morts avant que l'ONU et le monde occidental ne condamne le Bahreïn et le Yémen ? Combien encore de victime avant de décider d'envoyer des militaires pour combattre l'armée Saoudienne ?

Le choix du nucléaire a été justifié par une indépendance énergétique. Nous pouvons nous interroger sur cette indépendance qui musèle les dirigeants politiques pour critiquer les autres pays du Moyen-Orient et qui les pousse à tourner la tête pour ne pas voir les massacres dans d'autres pays arabes. Nous acceptons de prendre le risque nucléaire sans avoir la contrepartie en terme de libérer et d'indépendance. Il serait alors utile de s'interroger sur la validation de ce choix : risque nucléaire versus indépendance énergétique, lorsque nous sommes pied et poing lié aux producteurs de pétrole.

La révolution du Jasmin est révélatrice de l'incohérence de nos politiques. Elle est révélatrice des fractures et des vulnérabilités de nos économies et de nos systèmes politiques. Nous risquons de perdre notre crédibilité si la décision de l'ONU ne fait pas jurisprudence.

Même si nous gagnons la guerre contre la Lybie, nous risquons d'avoir choisi entre les peuples à libérer. Le troisième pouvoir - les médias - devraient faire le nécessaire pour éveiller les consciences et expliquer cette schizophrénie de la Ligue Arabe au lieu d'attiser les peurs d'une désolidarisation des peuples arabes des attaques contre la Lybie et de souffler sur les braises des peurs de réactions « terroristes » contre les populations occidentales en représailles à cette désolidarisation.

Les peuples arabes aspirent à la liberté et ne veulent plus vivre dans la peur et la crainte de leurs dirigeants. Ils souhaitent de la justice sociale, de la liberté et une répartition équitable des richesses. Ils veulent se débarrasser de la corruption et de l'accaparation des richesses à des petites élites. Nous pouvons d'ailleurs noter les manifestations au Maroc, malgré les déclarations du Roi Mohamed VI jugé suffisante par les pays occidentaux pour « stabiliser » le pays.

Il semble invraisemblable que les peuples -et non leurs dirigeants- critiquent les attaques contre le Colonel Kadhafi. Il semble improbable, sauf si la manipulation actuelle des dirigeants arabes atteint son objectif, que ces peuples s'offusquent que les pays occidentaux utilisent la force pour déloger un tirant et qu'ils libèrent la Libye des mains d'un dictateur et de sa famille (ou sa mafia).

Les représentants de la Ligue Arabe chercheront au maximum à s'accrocher à leurs fauteuils. Les images retransmises par les médias du monde entier leurs montrent que leur tour risque d'arriver s'ils ne laissent pas la liberté de leurs peuples s'exprimer.

Soyons courageux et accompagnons, du moins en éveillant les esprits, les aspirations de liberté des peuples. Condamnons les manipulateurs (dirigeants, certains médias etc.) qui cherchent à stopper le processus de démocratisation des peuples. Arrêtons d'attiser les peurs et les haines, puisque la démocratisation et la libéralisation des pays arabes et musulmans est le seul gage d'une stabilité politique, du recul du terrorisme, de l'islamisme et de l'obscurantisme.

Amitié et fraternité chers lecteurs

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