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Billet de blog 24 janvier 2011

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La régulation financière n'est pas pour demain...

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Alors que la France présente les objectifs de sa présidence du G20, il semble judicieux de revenir sur la régulation, les corrections apportées suite à la crise de 2007-2008 et sur le chemin restant à parcourir pour a minima éviter la répétition à l’identique de la crise financière et bancaire précédente.Tout le monde s’accorde sur la cause de la crise financière et bancaire. Celle-ci est le fruit d’une prise de risque importante, d’un endettement (effet de levier) trop important, et de la contagion entre les activités de banque de financement et celles de banques d’investissement (ou de marché de capitaux).Les récents résultats des banques d’affaires américaines montrent qu’il y a eu très peu d’évolution depuis la crise. Celles-ci continuent à profiter de l’effet de levier. Ce bénéfice est réalisé avec la bénédiction des Etats puisque les banques centrales soutiennent le levier des banques à travers notamment des taux d’intérêts quasi-nuls ou des programmes d’achats d’actifs. Les banques d’investissement ont ainsi la certitude de pouvoir emprunter avec un coût quasi-nul et investir dans des actifs qui seront acquis par les banques centrales pour soutenir l’économie – tout en générant des profits confortables pour les spéculateurs au passage - .La hausse des prix des matières premières n’a pas été contrée. Ce problème avait été identifié bien avant la dégradation de la crise bancaire de 2008, puisque le plus haut atteint par le prix du blé a été enregistré au cours du 1er trimestre 2008 (soit 6 mois environ avant la chute de Lehman Brothers et les plans de sauvetage des banques). Rappelons-nous que cette hausse des prix des denrées alimentaires a été la source de soulèvements partout dans le monde. Les solutions préconisées comme l’accroissement du dépôt de garanti nécessaire pour spéculer sur ces marchés n’ont pas été adoptés compte tenu du rejet par les lobbys des industriels, financiers et spéculateurs.La réticence des financiers vis-à-vis de la réforme des marchés des matières premières se justifie par le développement important des investissements indexés sur les matières premières (or, pétrole, ou matières premières agricole). Ces produits d’investissement cherchent à profiter de la future pénurie des denrées alimentaires (horizon 2050), du pick-oil, ou de la crainte d’une catastrophe économique future etc. La rentabilité enregistrée par ces investissements est d’autant plus importante que les institutions financières utilisent des effets de levier pour décupler les montants investis – et par conséquent la hausse des prix - .La volatilité des marchés de change, source conséquente de rentabilité pour les spéculateurs et banques d’investissement, a aussi constitué un sujet de taille dès le premier G-20. Il est la conséquence des déséquilibres des balances entre les pays émergeants et les pays industrialisés. A titre d’exemple, la Chine soutient (à travers les réserves de changes) les Etats-Unis pour que l’économie américaine continue à s’endetter et à acheter ses produits. Cette relation incestueuse rend toute réforme du système monétaire illusoire, sans un moratoire sur les dettes américaines (ou une forte réévaluation du Yuan).Mais ce moratoire aurait des conséquences importantes sur la Chine qui se trouverait alors dans une situation équivalente à celle du Japon après les accords de Plazza en 85. La dévaluation du dollar s’était traduite par une bulle spéculative au Japon qui a mis le Japon dans 20 ans de marasme économique. Cette perspective ne pourrait être supportée ou envisagée par la Chine pour des raisons politiques.Les spéculateurs savent que les Etats attendront le dernier moment (ballonnement trop important de la dette d’une des pays, confiance qui s’effrite etc.) avant de corriger ce déséquilibre. Ils en profitent.Les conséquences néfastes de l’agilité des flux de capitaux sont connues depuis la crise asiatique (1998). Cependant les atténuateurs de risque n’ont jamais été mis en œuvre puisqu’ils viendraient contrecarrer les mécanismes dits de carry trade qui font une part non négligeable de la profitabilité des Hedges Funds et de certaines activités des banques d’investissement. Le carry trade correspond à l’emprunt de liquidités sur un marché où les taux sont bas pour les investir dans les pays à fort taux d’intérêts. En règle générale cela correspond respectivement à un pays industrialisé et un pays émergeants. Lorsque la situation économique du pays émergeant devient vulnérable, les opérateurs débouclent les opérations et retirent les capitaux investis en même temps ce qui augmente la fragilité du pays jusqu’au risque de faillite.La mise en œuvre d’une régulation cross-nationale aurait permis de réduire ces risques, mais celles-ci auraient eu pour effet de réduire les profits des banques et des fonds alternatifs. Les lobbys se sont levés contre ce type d’idées.Les plans de sauvetage de l’industrie financière étaient certes nécessaires. Mais, ceux-ci ont été menés dans une trop grande précipitation. Les actionnaires ont pu bénéficiés pendant plusieurs années des bénéfices issus des risques pris par ces institutions, ils n’ont cependant pas payé le prix les conséquences négatives de ces risques.Le sauvetage d’AIG n’a pas permis aux banques d’investissement d’assumer la conséquence de leurs décisions (à savoir la prise de risque importante vis-à-vis d’une institution financière sous le seul prétexte que celle-ci était noté AAA). Il est évident que les banques ne pouvaient pas supporter la totalité des pertes qu’auraient générée la faillite d’AIG, mais elles auraient dû néanmoins absorber une partie de la conséquence de leurs actes.Les gouvernements en sauvant les banques auraient dû exiger le remboursement de la totalité de l’effort de sauvetage lorsque ces institutions auront retrouvé une meilleure santé financière. En effet, aux prêts octroyés par les banques pour renforcer leurs fonds propres, s’ajoute plusieurs actions connexes telles que le transfert direct de liquidité (notamment à travers la garantie des contrats d’assurance d’AIG), la garantie des émissions obligataires des agences hypothécaires, ou le soutient du marché immobilier ou le soutient du prix des titrisations etc.Ces plans de sauvetage ont créé un « moral hazard » (i.e. un aléa moral) qui infantilise les institutions qui savent qu’elles n’auront pas à assumer les conséquences des risques pris, lorsqu’à l’opposé elles peuvent bénéficier des bénéfices.Les institutions se trouvent actuellement sous une camisole chimique, conséquence des efforts de sauvetages. La hausse des taux directeurs ou l’arrêt des programmes d’achats d’actifs se traduiraient par un retour de la peur et des pertes. Ces pertes risqueraient d’être d’autant plus importantes que celles que nous avons connu lors de la crise 2008 puisque les bilans n’ont pas été nettoyés, les banques reprennent leurs politiques de dividendes (ou de rachats d’action) et que les Etats sont trop endettés pour faire face à un second sauvetage.Les réformes de Bâle III n’y ont rien changé. Les propositions de régulations actuelles sont loin d’avoir apportés des réponses satisfaisantes. Les institutions continuent à profiter des arbitrages réglementaires, fiscaux et comptables pour réaliser des profits virtuels, prendre de plus en plus de risques et réduire la consommation de capital.Les régulateurs continuent à prendre le problème dans le mauvais sens : évaluer les risques sur la base de modèles statistiques. Il aurait été plus judicieux de mettre en œuvre des règles de capital en fonction de la rentabilité extraite par l’institution financière. Une banque qui aurait des activités fortement rentables devrait mettre des fonds propres (réserves pour absorber les éventuelles pertes) plus importantes.Ce concept de « satiété » existe dans la nature, pourquoi ne serait-il pas applicable en finance ? Ne permettrait-il pas, par ailleurs, d’apporter des réponses sociales en réduisant la tension sur le marché de l’emploi puisqu’il permettrait de trouver un équilibre entre les relations sociales et la rentabilité financière exigée par l’actionnaire ? Ne permettrait pas d’éviter l’accroissement de la consommation et de l’endettement à des niveaux insupportables ? etc.La relation entre rentabilité et risque constitue d’ailleurs un des fondements même de la théorie financière puisque celle-ci suppose qu’il n’existe pas de possibilité d’arbitrage et par conséquent il n’y a pas de profits sans risques. Cependant, il semble que le chemin soit encore loin de mettre en œuvre ce type de concept, puisque l’industrie financière a déjà montré sa réticence à réduire son train de vie, ses profits et les émoluments de ses employés.Amitié et Fraternité chers lecteurs.

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