Lors de son discours sur l’Etat de la Nation, le Président Obama a présenté un nouveau deal économique. Celui-ci s’articule autour de l’investissement dans les domaines du savoir, des énergies nouvelles et renouvelables et d’une réforme en profondeur de la fiscalité.L’objectif de cette nouvelle stratégie économique est de reporter les aides et subventions actuellement captées par les secteurs économiques de l’ancien modèle [i.e. sociétés pétrolières] ou par les revenus les plus élevés vers les enjeux de l’avenir. Vers ce qui générera la croissance future.La particularité des propositions du Président Obama réside dans les solutions envisagées face à la situation difficile que traversent les Etats-Unis [i.e. un chômage important, un déficit budgétaire de 10.8% en 2011, et endettement qui devrait atteindre à 110% du PIB à horizon 2016]. Les Etats-Unis ne s’attaquent pas uniquement à réduire son endettement ou son déficit, ils préparent en même temps la croissance future et le positionnement du pays en tant que locomotive de l’économie mondiale.Ces propositions sont en dissonance avec les actions annoncées et menées par les gouvernements Européens. Les Etats-Unis d’Obama préparent la croissance future, à travers l’investissement dans le savoir [puisque la moitié des créations d’emploi dans le futur nécessiteront des niveaux d’éducation élevée] et dans les infrastructures tout en se donnant comme objectif de ramener les dépenses américaines au niveau quelles ont connues sous la présidence de Dwight Eisenhower dans les années 50. Pendant ce temps, l’Europe réduit ses dépenses publiques dans des domaines aussi essentiels que l’éducation ou la santé, libéralise les infrastructures voir s’interroge à émettre des dettes [obligations] ayant pour collatéral des actifs publics. L’Europe réduit son déficit par des coupes budgétaires à tout va, mais ne s’attaque pas aux subventions inefficaces. L’Europe n’anticipe que faiblement le futur. La stratégie européenne de réduction des déficits budgétaires et d’endettement est éparpillée : chaque nation construit son plan d’action dans son coin, sans tenir compte des effets induits sur les autres économies partenaires. La stratégie des Eurolandais n’est pas cohérente et n’ambitionne pas de créer les conditions d’un rebond économique. Elle cherche à jouer au pompier [à travers des fonds de soutien tels que l’EFSF], à libéraliser la plus part des domaines économiques pour créer une compétition intra-européenne [au lieu de pousser à l’émergence de champions industriels capable de faire face à la compétition chinoise et américaine], ou à harmoniser par le bas les acquis sociaux [notons à ce titre l’étude sur le coût du travail entre l’Allemagne et la France].Les Etats-Unis a pris conscience que sa croissance viendra de la matière grise, de Google, Apple, Intel … et non de l’industrie consommatrice de main d’œuvre peu cher et peu qualifiée, comme l’industrie automobile. En effet, nous pouvons noter qu’il existe un lien fort entre l’accroissement de l’aspiration des citoyens d’un pays et la cherté de sa main d’œuvre. Nous pouvons d’ailleurs noté qu’en Chine, les industries revoient à la hausse le salaire horaire et les prestations sociales suite aux soulèvements, aux suicides et à la grogne de la main d’œuvre chinoise. Ces protestations sont la conséquence de l’émergence d’une classe moyenne qui aspire à des conditions de vie meilleures [à travers notamment des réévaluations salariales].L’Europe ne pourra pas baser sa croissance sur une stratégie de coût « cost killing » à travers notamment la réduction des charges sociales, des prestations sociales etc. Cette stratégie ne serait pas payante parce que les peuples ont connu un certain confort et certains acquis auxquels il est illusoire de penser qu’ils renonceront. Par contre, l’Europe pourra créer de la croissance durable en mettant en avant l’innovation, l’éducation, et l’investissement dans les secteurs d’avenir notamment tous les secteurs qui seront impactés par les énergies nouvelles comme les transports. Cette stratégie d’innovation et d’éducation s’appuie sur l’investissement dans ces secteurs et sur la création d’un contexte propice à travers la sécurité. Nous pouvons, à titre d’exemple, citer l’investissement important de Google et d’Apple pour créer des conditions stimulantes favorisant l’ingéniosité et la créativité.Au lieu de s’attaquer aux acquis sociaux (pour réduire les déficits publics) ; les Européens devraient s’attaquer aux subventions des secteurs qui vont disparaître ou qui se délocalisent dans les pays émergeants pour privilégier les secteurs qui généreront la croissance future. Ils devraient subventionner les salariés de ces secteurs économiques, pour que ceux-ci se réorientent vers de nouveaux domaines, au lieu de s’acharner à maintenir à bout de bras des industries au nom du chômage.D’ailleurs, un grand nombre de sociétés subventionnées ont dû délocaliser leur production [nous pouvons noter les subventions du secteur sidérurgique qui n’a pas empêché chômage et délocalisation]. Ces subventions auraient été plus profitables si elles avaient été « investies » dans la reconversion des salariés, dans la recherche et développement ou dans d’autres secteurs créateurs d’emploi.Malgré la pression du nouveau congrès [à majorité républicaine] le Président Obama s’attaque aux subventions des sociétés pétrolières pour les reporter sur l’énergie du futur, afin de perpétuer le positionnement américain en tant que leader de l’économie et de l’industrie mondiale. Il souhaite aller de l’avant sur l’assurance maladie. Il souhaite demander l’augmentation du seuil d’endettement de l’Etat Fédéral pour financer le nouveau deal économique.Les Européens devraient suivre l’exemple du nouveau modèle économique américain et tourner le dos aux préconisations du FMI. Les économistes du FMI continuent à préconiser aux pays en difficultés des solutions anciennes : baisse des salaires des fonctionnaires, réduction ou gel des prestations de retraite, privatisation des secteurs économiques etc. Ces solutions ne sont plus efficaces. L’autogestion et l’autorégulation ont montré leurs limites à travers la crise financière et la crise économique.L’exécution de la stratégie économique du Président Obama est semée d’embûches. Le président américain devra faire face à la réticence des républicains qui sont majoritaires au Congrès, faire face à la montée des idées extrémistes [tels que celles portées par les Tea-Parties], réussir à relever le seuil d’endettement de l’Etat fédéral et surtout obtenir l’adhésion de la majorité des américains sur les idées de protection sociale [comme source d’égalité et stimulateur du nouveau modèle politico-économique].La mise en œuvre de cette stratégie économique serait moins difficile pour les Européens puisque les acquis sociaux existent déjà, la « Fédération » Européenne n’est quasiment pas endettée et pourrait donner les moyens de la mise en œuvre d’une telle stratégie. Pour ce faire, il faudra du courage politique pour dire non aux plans d’austérité, de l’ingéniosité pour définir ce nouveau deal, et une dose d’empathie européenne pour créer les Etats-Unis d’Europe.Obama a dit « ce n’est pas en plein vol qu’un avion doit se défaire de ses réacteurs, puisque le vol pourrait continuer mais le choc se fera rapidement ressentir ». Il faut maintenir les stimuli économiques mais en les dirigeants vers les sources de croissance du futur.
Billet de blog 26 janvier 2011
Lorsque les Etats-Unis regardent l’horizon, les Européens conduisent les yeux dans le rétroviseur
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