Les révoltes arabescontinuent à faire tâche d’huile. La Syrie vient de rejoindre le Yemen, leBahrein, et bien entendu la Lybie, la Tunisie et l’Egypte dans le soulèvementcontre les systèmes politiques en place. Ces événements politiques ont commeorigine l’immolation par le feu de Mohammed Bouazizi le 17 décembre 2010.L’immolation de Bouazizi constitue un battement de papillon qui génère unetornade au sein des systèmes politiques arabes.
En effet, comme ledécrivait le météorologue Edward Lorenz en 1972, en énonçant sa théorie sur lelien entre le battement des ailes d’un papillon au Brésil qui provoquerait unetornade au Texas, l’événement initial peut être à l’origine des conséquencesqui se suivent ou juste contributeur à la modification d’une situation d’oreset déjà précaire. La tornade aurait la quasi-totalité des conditions pour sedévelopper, il lui suffisait les battements d’ailes du papillon pour catalyserle déclenchement.
L’exemple des révolutionsarabes est intéressant d’un point de vue de la théorie du Chaos. Le déroulementde la situation économique vécue par les Etats européens présente de fortessimilitudes.
La hausse des tauxaméricain (le battement d’ailes d’un papillon) a montré la fragilité de l’économieaméricaine et mondiale. Les ménages qui ont souscrit des prêts hypothécaires àtaux variables sont devenus insolvables, les hypothécaires se sont accrues,poussant à la baisse le prix de l’immobilier américain. La mondialisation etl’interconnexion des économies (sectoriellement et régionalement) ont contribuéà fragiliser les institutions financières, les compagnies d’assurance, lesactifs financiers etc. La financiarisation des entreprises (cotation en bourse,dette obligataire, ou dette bancaire traitée sur les marchés financiers àtravers les produits de titrisation) a contribué à la contagion d’une crisefinancière à une crise économique puisqu’il était nécessaire de réajuster lesoutils de production ce qui contribue à augmenter le chômage.
La contagion a touchétoutes les catégories d’actifs financiers et toutes les économies. Pour arrêterl’effet domino et le risque systémique, les banques centrales ont injecté énormémentde liquidité –et sous différentes formes-, et les Etats se sont endettés pourmettre en œuvre une politique économique Keynésienne, à travers le renforcementdu secteur financier. Le secteur financier a été considéré comme la meilleurecourroie de transmission des subventions économiques vers les différents agentscompte tenu de l’effet de levier offert par ce secteur.
Mais les actions menéespar les différents gouvernements et les différentes banques centrales n’ontcontribué qu’à retarder la chute en déplaçant les problèmes vers d’autresopérateurs.
La fragilité des institutionsfinancières a été transférée aux Etats. Nous assistons, de façon similaire à lacontagion des révoltes dans les pays arabes, à la déconfiture des dettes despays souverains.
D’ailleurs, l’économie demarché se retrouve orpheline d’un concept fortement important, celui de l’actifsans risque (ou du taux sans risque). Cet actif, qui était auparavantreprésenté par la dette de l’Etat, est important pour valoriser les autresactifs, évaluer les risques qu’ils constituent pour les investisseurs et pourétablir les valeurs des dettes. La disparition de la notion « sansrisque » constitue un effet accumulateur de la fuite vers de nouveauxactifs (matières premières, l’or etc.) et contribue alors à déplacer la bullespéculative obligataire (déconnexion du taux d’intérêt de la situationéconomique et financière des états) vers les matières premières (qui contribued’ailleurs à catalyser la grogne dans certains pays compte tenu de l’effetinflationniste issue de la hausse des prix des matières premières et des prixde l’énergie).
Nous avons assisté d’abordaux difficultés de l’Islande, puis la Grèce, qui a précédé l’Ireland, hier cefut le tour du Portugal, en attendant l’Espagne puis l’Italie, avant de toucherles pays dits « core » pour la monnaie unique que sont la France etl’Allemagne.
La contagion aux paysforts de l’Euro-zone est un risque bien réel, compte tenu notamment desengagements des établissements financiers (banques, compagnies d’assurance,fonds de retraite etc.) vis-à-vis des débiteurs portugais, espagnoles, grecquesetc. Le défaut de l’un de ses Etats constituerait des pertes que lesétablissements financiers devraient éponger (ce qui se traduirait bien entendupar la fragilisation de leur solvabilité qui devrait là encore être renforcerpar les Etats). De plus les conséquences indirectes comme l’effet de récessionéconomique qui se traduirait par un ralentissement de la consommation desproduits manufacturés allemands et par conséquent par le ralentissement del’économie allemande.
Ces exemplesd’enchaînement nous montrent que la théorie du Chaos (qui rejoint la théoriefractale à laquelle Benoît Mandelbrot a consacré une majeure partie de sa viede chercheur) s’applique sous nos yeux.
La théorie fractalesuppose la répétition de figures géométriques. La courbe de Von Koch permet dedessiner un flocon de neige à partir d’un triangle en répétant la même figure àl’infini. Lorsque cette approche est appliquée à la finance, à l’économie ou àla politique, nous pouvons nous rendre compte que, les crises et événementsrécents relèvent d’une approche très similaire.
Les révoltes arabes ontdes dynamiques quasi-similaires (comme dans le cas de la courbe de Von Koch).Celles-ci se caractérisent toutes par : 1° des manifestations contre unesituation économique précaire (inflation insupportable et conditions précaires),2° la répression des manifestants radicalise les demandes jusqu’à 3° la demandedu départ du dirigeant (voir la déclaration d’une guerre civile ou la scissioncomme nous le connaissons pour la Lybie).
La dynamique de ladégradation de la dette de l’Etat connait une fractale qui peut se décrirecomme suit : 1° la vulnérabilité du système bancaire devient tropimportante pour être absorbée par l’économie du pays (« too big to be bailedout »), 2° l’Etat augmente son endettement fortement, 3° les investisseurscommencent à douter de la capacité de l’Etat à faire face à ses engagements età endiguer la dégradation de la solvabilité des établissements financiers et 4°les opérateurs réduisent le flux de capitaux et exigent des plans de rigueur encontrepartie de nouveaux crédits, les agences de notations dégradent à cemoment les notes de deux crans ou plus, ce qui fragilise encore plus les Etats.
La dynamique fractale desévénements que nous subissons depuis le début de 2011 et qui est pour partiedes répliques de la crise financière de 2008 ; appel à une refonte enprofondeur du modèle économique et politique. Les figures fractales (qui l’ontpeut identifier aussi bien dans le choux romanesco que dans les cotesbritanniques ou dans les cours des actifs financiers) sont infinies, tant quela dynamique de répétition n’est pas rompue.
La prise en compte del’effet répétitif des événements qui peuvent, à prime abord, n’avoir aucun liende cause à effet -le battement d’ailes d’un papillon au Brésil et la tornade auTexas-, permet d’une part d’identifier des dynamiques qui dépassent l’approcheclassique économique et politique. Elle permet aussi d’identifier des rupturespréventives qui permettent d’arrêter réellement les effets de contagion et ladynamique de spirale vicieuse que constitue la crise dans laquelle nous nous continuonsà vivre (même si celle-ci a changé de nature et de forme d’expression).
Pour cela il estnécessaire de remettre en question le modèle économique actuelle, de se reposerla question sur la mondialisation et sur sa dynamique. Il est aussi nécessairede s’interroger sur les limites « naturelles » qui existent à laconsommation, à l’inégalité des richesses et des chances.
Amitié et fraternité chers lecteurs