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Billet de blog 31 janvier 2011

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Démocratie et notation financière (Downgrade Egypte)

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Les événements en Egypte s’accélèrent. Moody’s dégrade la notation financière du pays, en le considérant plus risqué. Cette dégradation intervient avant le départ de Hosni Moubarak, qui n’est plus qu’une question de temps, afin d’éviter la critique qu’on pouvait légitimement lui faire à l’agence de notation à la suite de son action après départ de Ben Ali en Tunisie.L’analyse financière de la solidité financière des souverains devrait s’appuyer sur plusieurs axes. Elle nécessite de s’interroger sur la capacité du gouvernement à tenir le déficit budgétaire et à rembourser la dette en levant des impôts. Les gouvernements Tunisiens et Egyptiens (au même titre que plusieurs autres pays arabes) présentent des similitudes. Ces pays disposent d’atouts économiques mais le secteur public et le secteur privé connaissent des relations incestueuses où quelques élites profitent sans partage de mannes des matières premières ou de richesses issues du tourisme etc.La grande majorité des économies arabes n’a pas connu de réforme structurelle depuis la décolonisation. Les infrastructures sont détenues par des entreprises de BTP internationales et l’exploitation minière est détenue par des sociétés pétrolières internationales. Ces entreprises s’octroient les marchés en acceptant des « us et coutumes » locales. L’enrichissement est accaparé par une minorité, et l’endettement est supporté par la majorité du peuple. Lorsque les 5% des élites (généralement ceux qui détiennent aussi le pouvoir politique) s’accaparent les richesses, les 95% autres connaissent des difficultés importantes, qui s’accentuent au gré des fluctuations des marchés de matières premières agricoles.Le taux d’alphabétisation, les libertés et le jeu démocratique ne sont pas pris en compte dans l’analyse financière de la solvabilité des souverains. Il s’agit là d’une erreur fondamentale. Il est nécessaire de tenir compte de la capacité du peuple à disposer de son avenir et de faire face à ses engagements. Une situation instable politiquement (même sans que cela ne se traduise par des milliers de personne dans les rues ou des centaines de morts suite à la répression de manifestation) constitue pour l’investisseur (le créancier) un risque important puisqu’un jour le peuple peut se révolter et peut remettre en cause les engagements pris par des hommes politiques dont la seule légitimité réside dans la répression qu’ils exerçaient sur leurs compatriotes.Nous sommes dans une situation équivalente à celle des produits structurés (ou toxiques). Ceux-ci avaient des notations financières élevées tout en portant un risque important de défaut compte tenu d’un cadre juridique était instable. Comme les créanciers subprimes les peuples des pays non démocratiques peuvent ne plus rembourser leurs dettes puisqu’elles ont été contractées dans des conditions frauduleuses même si les pays ont la capacité financière de payer les dettes.L’emprunteur subprime n’avait pas conscience des risques financiers qu’il prenait en s’engagent sur l’acquisition de bien immobilier avec un effet de levier important. Le citoyen des pays non-démocratique s’engageait dans une dette qui servait des intérêts particuliers et dont il n’avait aucun moyen d’agir. Celui-ci ne pouvait pas s’exprimer librement (à travers un vote libre et respecté) pour dire non à l’endettement ou pour limiter l’endettement qui ne sert que la famille ou les amis de la famille au pouvoir.Nous assistons donc à la recrudescence (même si le risque existait depuis toujours) de la répudiation de la dette des pays non démocratique ou de la renationalisation des outils industriels (ou miniers) du pays dont la concession a été donné avec l’aval d’un gouvernement illégitime.Il est donc nécessaire que les agences de notation fassent convenablement, dorénavant, leur travail en s’exprimant sur une notation de « démocratisation » qui est le seul garant que la dette restera légitime lorsqu’un leader politique disparaît ou qu’un régime est renversé.Les pays non-démocratiques devront se plier à la liberté chérie par les marchés financiers puisqu’il en va de la sauvegarde des intérêts des investisseurs. Ceux-ci seront assurés du remboursement de leurs créances si les gouvernements sont légitimes, la question des équilibres financiers et de la comptabilité devient alors une affaire secondaire.La mondialisation financière pourrait, si elle venait à appliquer réellement ses principes, aider à la démocratisation de tous les pays de façon pacifique. La ségrégation de la solvabilité financière selon le niveau de démocratisation (et par le coût de la dette) pourrait aussi donner les moyens aux pays en voix de démocratisation pour améliorer leurs institutions et contribuer à aider leurs citoyens (à travers des projets de développement qui profitent à la majorité ou à tous en opposition avec les projets qui ne profitent qu’à une certaine minorité).La mondialisation financière pourrait remettre la démocratie au centre de son objectif. Cela permettra une meilleure acceptation du jeu capitaliste et réduirait les critiques des anti-capitalistes / anti-mondialisation. Pour cela tous les opérateurs de marché et les agences de notation en premier chef doivent jouer leurs rôles en analysant effectivement les risques et en profitant de la liberté d’expression qu’elles ont vis-à-vis de la censure.Les événements en Egypte (ou en Tunisie) constitue des effets de « Black-Swans » comme les avaient décrits Nicholas Taleb, dans son ouvrage du même titre. Il s’agit de risques dont nous n’avons plus ou moins conscience mais que les opérateurs ne prennent pas suffisamment en considération jusqu’au jour où il est trop tard puisque le risque se matérialise. A moins de 3 ans du pic de la crise financière, il semble que les financiers (agences de notation y compris) n’aient pas pris la pleine conscience de l’effet de ce type de risque et qu’il a fallu attendre aussi longtemps pour que l’agence Moody’s agisse et prenne conscience que les économies Tunisienne et Egyptienne présentaient des risques puisqu’elles étaient bâties sur des fondamentaux non-démocratiques. Les exemples ne manquent pas pour le downgrade d’autres économies en utilisant les mêmes arguments : Arabie Saoudite, Emirat Arabes Unies, ou le Maroc pour citer les pays arabes ou la Chine pour citer un pays en plein essor économique pour lequel la démocratie est très en retard.Amitié et Fraternité chers lecteurs.

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