Israël - Palestine : mon témoignage, mes sentiments, mon espérance.
Je suis un citoyen français, citoyen du monde, Palestinien de cœur et homme de paix. La vision même du sang m'effraie, et toute vie humaine m'est précieuse. Quand j'apprends que des civils ont été tués, et parmi eux des enfants, je me sens meurtri, touché dans ma chair. Quelle que soit la couleur de leur peau, de leurs yeux ou de leurs cheveux, leur nationalité ou encore la religion ancestrale de leur famille, je penserai toujours que ces enfants sont comme les miens. Quand de telles horreurs arrivent, je ne pourrai jamais approuver cela, jamais relativiser ou minimiser ce que représente la perte d'une seule vie humaine, française, israélienne, palestinienne, ou de tout autre pays du monde. Quelle que soit notre histoire, notre sensibilité, notre position, notre parti pris, ou encore nos liens personnels : une vie est une vie et il n'y a pas de vies qui valent plus que d'autres.
J'aimerais être sûr que nos dirigeants et nos médias partagent cette même vision : qu'ils ne considèrent pas que des crimes pourraient être plus acceptables ou plus légitimes que d'autres suivant qui les aurait commis, qu'aucunes vies ne seraient moins précieuses que d'autres suivant de quel côté du mur elles auraient été perdues. J'ai un très gros doute à ce sujet, je ne peux pas le cacher. Mais que nos médias et nos dirigeants me prouvent dans les jours qui viennent que j'ai tort, c'est tout ce que je demande.
D'ici, en France, aujourd'hui, je crois qu'il n'y a qu'une seule chose que nous puissions et devons essayer de faire : continuer inlassablement, même quand plus personne ne semble vouloir entendre ce mot, à œuvrer pour la paix : une paix juste, réelle et durable, en respect du droit international humanitaire et civil, de la dignité humaine, sans occupation et sans colonisation. Parce qu'il n'y a pas d'autre voie, pas d'autre issue possible, pas d'autre chemin souhaitable.
Cette conclusion qui est la mienne, est le fruit d'une expérience personnelle qui m'a amené par le passé à me rendre plusieurs fois en Palestine et en Israël.
Concernant la Palestine : ce pays et ces gens sont entrés dans mon cœur il y a plus de quinze ans maintenant lors de mon premier voyage là-bas pour une tournée de concerts lors la fête de la musique 2007. Après la France, la Palestine est le pays où je me suis le plus produit en concert, lors de différentes tournées entre 2007 et 2017, dont un concert à Gaza en 2008. Je peux en témoigner sans avoir besoin d'en rajouter, c'est juste la vérité de ce que j'ai vu et vécu les deux jours où j'y suis resté : Gaza est, au sens propre, une prison à ciel ouvert où les conditions de vie sont tout simplement inhumaines. J'ai aussi chanté dans des camps de réfugiés à Naplouse, à Ramallah et à Bethléem. J'ai compris alors que ces moments de chants, de danse et de sourires partagés, s'ils ne pouvaient pas changer la réalité, étaient précieux : ils représentaient pour ces gens à la fois une respiration, un moment de joie, d'évasion, et l'espoir d'un autre demain où ils auraient peut-être enfin, une vie normale.
Les gens que j'ai connus et fréquenté en Palestine ressemblaient en tous points aux gens de n'importe quel autre pays : des étudiants, des marchands, des artistes, une jeunesse pleine d'espoir en la vie malgré leur réalité quotidienne : ils étaient l'incarnation vivante de ce vers de Mahmoud Darwich : " Nous aussi nous aimons la vie quand on le peut". J'ai vu des choses dures là-bas, mais celle qui m'a le plus marquée et que je trouve symbolique : c'est cette petite fille de 12 ans, qui apprenait le violon dans une école de musique, et qui pleurait parce que des soldats avaient cassé son instrument...
Je suis aussi allé en Israël, et c'est la vérité là encore : j'y ai aussi rencontré des gens qui étaient, comme moi, contre la colonisation, véritable cancer, et pour la fin de l'occupation. Des gens qui comme le chantaient le groupe IAM rêvaient encore "de deux frères jumeaux, Israël et Palestine en harmonie, souverains et égaux".
Rêve irréaliste ? délirant ? fou ? impossible ? Ils étaient minoritaires dans leur pays, c'est un fait, comme je le suis moi-même en France sur bien des sujets, mais ils existaient et représentaient pour moi l'espoir que tout n'était pas perdu. C'était il y a longtemps, j'aimerais tant que cet espoir existe encore.
De France, je le redis, nous devons œuvrer, non pas pour une guerre sans fin, mais de toute évidence pour une paix juste, réelle et durable. Il me semblait que c'était la ligne diplomatique historique de la France, j'aimerais que nos dirigeants et nos médias y reviennent, ce serait juste, raisonnable et utile.
Il n'y a pas d'autre alternative, ce sera la paix ou le chaos sans fin pour tout le monde là-bas, et par extension pour nous-mêmes ici. Car nous vivons une époque d'interdépendance globale. On le sait aujourd'hui : nos destins sont liés, le malheur des uns sera le malheur des autres, mais inversement le bonheur des uns pourrait aussi être le bonheur des autres. Qu'on le veuille ou non, ces millions de gens qui habitent là-bas, Palestiniens et Israéliens, ne disparaîtront pas demain. Ils sont condamnés à vivre, si pas ensemble, du moins côte à côte, de façon libre, égale et souveraine, sans occupation et sans colonisation.
Kaddour Hadadi (HK)