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Billet de blog 5 août 2025

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Testament de Résistance – Lettre à mes Enfants

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mes enfants,

Un jour, mes mains ne tiendront plus le trait, ni la parole. Un jour, il faudra que vous décidiez, chacun à votre façon, si cette torche que je porte encore vaut la peine d’être tenue.

Je ne vous laisse ni fortune, ni empire. Je vous laisse un combat. Un combat que j’ai reçu de mon père, et qu’il avait lui-même reçu de ses aînés. Il n’est pas glorieux. Il est fait de fatigue, de doutes, et parfois d’un désespoir que seul l’amour peut sauver. Mais c’est ce combat qui donne un sens aux pierres qu’on empile, aux mots qu’on prononce, aux gestes qu’on ose malgré la peur.

Ceci ne doit jamais vous empêcher d’aimer. D’aimer la vie, d’en croquer chaque instant à pleines dents. Ne soyez pas de ces tristes justiciers qui oublient de vivre sous prétexte de lutter. Le bonheur ne se transmet pas par des discours amers. On ne peut donner le bonheur que si l’on est, soi-même, profondément heureux d’exister.

Je vous demande même plus : ne soyez pas imbéciles. N’essayez pas de me ressembler. Ce serait la pire des trahisons. Je ne suis qu’un repère, une borne sur votre chemin. Mon devoir est d’être dépassé.

Je vous ordonne d’être riches. Pas en argent – il finira toujours par manquer –, mais riches d’humanité, de rêves, de colères et d’élans.

Et surtout, n’oubliez jamais ceci : sur une question de principe, il ne peut y avoir deux vérités. On transige sur les méthodes, pas sur les valeurs. La vérité est nue et elle ne négocie pas.

Je n’ai pas le droit de vous imposer ce que vous devez croire. Mais je vous demande de croire en un Dieu, si ce Dieu est miséricorde. Un Dieu qui pardonne, qui comprend, qui relève. Pas celui des dogmes figés, des peurs et des interdits fabriqués pour dominer.

Souvenez-vous de ceci : votre Dieu, s’il est miséricorde, il est la Révolution. Pas la révolution des slogans, mais celle qui commence dans le cœur, celle qui refuse que l’injustice soit appelée “ordre”.

Je préfère mille fois que vous vous trompiez en cherchant sincèrement, que de vous égarer en suivant aveuglément ce qu’on vous présentera comme vérité officielle. La foi, quand elle est vraie, n’a pas besoin de soldats ni de bourreaux. Elle a besoin d’hommes et de femmes debout, lucides, et capables d’aimer sans calcul.

Je vous ai appris, quand vous étiez jeunes, que votre corps vous appartient. Qu’aucune main, aucun regard, aucune autorité n’a le droit d’en disposer sans votre consentement.

Aujourd’hui, j’espère que vous saurez faire plus difficile encore : mettre à nu votre âme. Ne pas tricher avec vous-mêmes. Être capables de vous regarder en face, sans fard, sans posture, sans mensonge.

Car on ne construit rien de propre avec une âme déguisée. Ce que vous serez intérieurement, finira toujours par se lire dans ce que vous bâtirez dehors. L’honnêteté n’est pas un discours, c’est une façon d’exister.

Vous appartenez à une terre, et cette terre vous appartient. Ce n’est pas un drapeau, ce n’est pas une carte. C’est ce sol qui vous nourrit, ces murs que vous relevez, ces voix qui vous parlent à travers le vent.

Et là, permettez à votre père une grossièreté, juste une fois : la modernité, mon cul, si elle n’amène pas l’émancipation. Je ne vous ai pas élevés pour courir après les modes, les écrans, ou les illusions de ceux qui veulent que vous soyez “à la page”. Je vous ai élevés pour être libres. Et la vraie modernité, c’est celle qui libère, pas celle qui déguise les chaînes sous des néons.

Le jour où je ne serai plus là pour parler à votre place, souvenez-vous de ceci : Ne laissez personne vous dicter ce qui vaut d’être bâti. Faites de votre nom quelque chose de propre, même s’il ne brille pas sur les plaques dorées. Et si vous tombez, tombez en sachant que vous n’aurez jamais rampé.

Je vous laisse cette torche. Faites-en ce que votre conscience vous dictera. Mais sachez que tant qu’elle brûle, je serai vivant en vous.

Votre père,
Ilyes

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