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Billet de blog 14 août 2025

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Architectes : quand la formation oublie la complexité

En Tunisie, la culture populaire et la culture institutionnelle s’affrontent, révélant une fracture profonde sur ce qui est légitime. L’architecture, reflet de cette tension, devient un terrain de résistance ou de compromission, tandis que les institutions et l’Ordre des architectes ferment les yeux sur la médiocrité ambiante.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

1. L’illusion de la formation complète

L’architecte est censé être un créateur multidimensionnel : artiste, technicien, sociologue, urbaniste. Les écoles affichent cette ambition de transversalité. Mais en pratique, les matières restent cloisonnées, l’évaluation se fait par cases, et la pression du marché impose souvent des compromis au détriment de la réflexion globale. Le résultat ? Des diplômés brillants sur le papier, mais fragilisés pour affronter la complexité réelle du terrain.

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2. Penser avec l’approche de la complexité

Edgar Morin propose de penser le réel dans sa complexité. Pour l’architecture, cela signifie :

Dialogique : accepter les tensions entre opposés — esthétique et fonctionnalité, marché et éthique.

Récursif : la formation influence la pratique et vice-versa.

Hologrammatique : chaque projet reflète la société qui l’a produit.

Appliquer ces principes est essentiel si l’architecte veut être un véritable tisseur de sens, et pas seulement un exécutant de cahiers des charges.

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3. Du chantier à la ville : la simplification destructrice

Sur le terrain, la complexité devient un obstacle. Pression financière, normes et délais dictent les choix. En Tunisie, comme ailleurs, de nombreux projets sacrifient la qualité d’usage et le lien au contexte au profit de la rentabilité ou de l’image. Le jeune architecte, formé pour penser globalement, se retrouve contraint de réduire son horizon, et la ville s’appauvrit culturellement et socialement.

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4. L’architecte : acteur culturel et citoyen

L’architecte façonne la ville, donc la société. Là où la pensée complexe disparaît, la ville se standardise et se privatise. La neutralité technique prétendue devient complice d’un appauvrissement collectif. La question dépasse le cadre professionnel : c’est un enjeu culturel et politique, qui touche à l’identité des espaces et des communautés.

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5. Réintroduire la complexité

Dans la formation : ateliers interdisciplinaires réels, lien avec sciences sociales, immersion citoyenne.

Dans la pratique : concours d’idées, laboratoires expérimentaux, intégration de l’usager dès la conception.

Dans la société : reconnaître l’architecte comme médiateur culturel, et non simple prestataire.

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6. Conclusion : reconstruire le lien entre pensée et action

Réhabiliter la complexité n’est pas un luxe : c’est une urgence pour nos villes et notre culture. L’architecte ne peut se contenter d’appliquer des normes ou de respecter des budgets. Il doit relier, dialoguer, complexifier, et ainsi contribuer à des espaces vivants, intelligents et porteurs de sens.

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