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Billet de blog 14 septembre 2025

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« Pourquoi pas » : de l’hésitation à la corruption éthique

Le « pourquoi pas », souvent perçu comme une simple formule d’ouverture ou d’hésitation, révèle en Tunisie une dimension politique inquiétante : neutralisation des institutions, érosion de la Constitution, impossibilité de créer une opposition. Sous couvert de prudence, il devient un instrument subtil de corruption éthique et de contrôle par le flou.

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Certaines expressions du langage quotidien semblent anodines, mais révèlent, à l’examen, une profondeur insoupçonnée. Parmi elles, le « pourquoi pas » occupe une place singulière. À première vue, il traduit un consentement timide ou une curiosité polie. Mais en politique, et singulièrement en Tunisie, il devient un instrument de neutralisation, un moyen de prendre des décisions dans le flou, d’écarter les institutions, de paralyser la Constitution et de bloquer l’opposition. Le « pourquoi pas » n’est plus simple hésitation : c’est une non-idéologie dogmatique, plus pernicieuse que le « fait du prince » autoritaire.

Sur le plan sémantique et philosophique, « pourquoi pas » se situe entre le oui et le non, suspendant le jugement et ménageant un espace de liberté. Il n’affirme rien, mais ouvre la possibilité, reflétant un doute fécond et une prudence active. Chez Montaigne, Socrate ou Kierkegaard, le questionnement et la suspension du jugement sont des moyens de tester le possible sans se perdre.

Dans les décisions existentielles ou stratégiques – qu’il s’agisse de lancer une réforme, de s’engager ou de changer de trajectoire –, le « pourquoi pas » marque la limite du réfléchis. Il ouvre vers l’inconnu, vers l’action, mais de manière mesurée. Il incite à l’initiative sans précipitation, permettant d’oser sans se perdre et conservant une conscience aiguë des risques.

En Tunisie, le « pourquoi pas » a acquis une dimension stratégique et perverse : il reporte des décisions cruciales, écarte la Constitution et fragilise les institutions, tout en neutralisant l’opposition. Ce flottement, sous couvert de prudence, devient un dogme officiel, transformant la non-action et l’indécision en méthode de gouvernement.

Cette posture corrompt la politique à un niveau éthique et structurel : elle vide les institutions de leur substance, neutralise l’opposition avant même qu’elle puisse émerger et transforme l’inaction en instrument de domination. C’est une corruption morale, où le pouvoir se maintient non par la force, mais par l’indécision et l’ambiguïté.

Le « pourquoi pas » dépasse ainsi la simple expression linguistique. Il est un marqueur de l’indécision politique, un seuil entre réflexion et action, ouverture et retrait. En Tunisie, il est devenu un instrument de neutralisation, érodant la Constitution, paralysant les institutions et empêchant la constitution d’une opposition. Dire « pourquoi pas », c’est suspendre la décision tout en imposant l’ordre de l’indécision : une stratégie insidieuse où l’ambiguïté devient pouvoir et la non-action devient idéologie.

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