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Billet de blog 16 août 2025

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Le bistrot des âmes flottantes

Une méditation sur l’écriture solitaire et la rencontre silencieuse entre l’écrivain et le lecteur. Quand les mots deviennent refuge, miroir et compagnon, et qu’une trace mystérieuse persiste au-delà des pagz

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Il écrit pour lui-même. Il n’y a ni auditoire ni combat à mener, aucune cause extérieure à défendre. La pièce est silencieuse, presque sacrée, et chaque mot qu’il pose est un geste précis, nécessaire, intime. La virgule, le point, le point d’exclamation : tout a déjà son sens avant même d’être tracé.

La migraine le parcourt comme un vent sourd, et la nausée danse doucement, rappel que tout geste, même intérieur, est incarné. Il ne crie pas, il ne cherche pas à être entendu : il sait déjà ce que chaque mot contient. Dans ce dialogue entre corps et lettres, il se retrouve intact, fragile et entier à la fois. Le malaise n’est pas ennemi ; il est compagnon, nuance et accent de son écriture.

Peu à peu, son corps s’efface. La migraine et la nausée deviennent souvenirs, échos d’un passage qui n’a plus d’importance. Ce qui persiste, c’est l’âme de l’écrivain, flottante, détachée, capable de se déposer sur la page et de circuler librement entre les lignes.

Le lecteur entre dans ce souffle et découvre, sans l’ombre d’une intrusion, une présence qui pourrait être sienne. Le livre devient un refuge silencieux, un compagnon fidèle, capable d’accueillir n’importe quelle âme solitaire et d’y semer un peu de compagnie. Dans ce silence partagé, l’écriture trouve sa véritable puissance : elle n’est plus geste solitaire ou cri intérieur ; elle est présence réciproque.

Comme dans un bistrot du rituel, le lecteur s’installe, observe l’espace et ses gestes familiers. Il lève les yeux et, dans le miroir derrière le bar, aperçoit un visage qui n’est pas le sien. Il fronce les sourcils, intrigué, car ce reflet semble pourtant familier : il porte quelque chose de lui, de sa solitude, de ses questions silencieuses. C’est l’âme de l’écrivain, détachée de son corps, qui se tient là, discrète et immobile, comme si elle l’attendait depuis toujours.

Les mots flottent entre eux comme des verres sur le comptoir : clairs, précieux, accueillants. Le lecteur peut poser ses migraines et sa nausée, tout comme l’écrivain les avait déposées sur la page. Et dans ce miroir, ce reflet insolite, chacun trouve un écho, une présence muette mais infiniment vraie, qui fait disparaître la solitude.

Les pages se tournent, doucement, comme si le temps lui-même suivait le rythme de la lecture. Les phrases s’effacent derrière les yeux du lecteur, les souvenirs de l’écriture s’évanouissent derrière ceux de l’auteur. Tout semble disparaître, se dissoudre dans l’air silencieux du bistrot du rituel.

Et puis, au moment de la conclusion, quelque chose subsiste. Une trace imperceptible, fragile, que ni l’auteur ni le lecteur ne peuvent nommer ni comprendre. Ils la sentent pourtant, l’un en déposant son dernier mot, l’autre en posant le livre sur la table. Un frisson subtil, un léger trouble dans le miroir, comme si l’âme de l’écrivain et celle du lecteur s’étaient croisées et avaient laissé un petit écho derrière elles.

Tous deux restent un instant intrigués, attentifs à ce mystère muet. Ni le corps, ni le visage, ni les phrases ne peuvent l’expliquer, mais il est là, réel et intangible. Et dans cette hésitation, dans ce souffle suspendu, réside l’essence de ce qui a été partagé : un lien silencieux, une présence qui persiste même quand tout semble s’effacer.

Mots-clés (séparés par des virgules) :

Écriture, solitude, poésie, lecture, reflet, bistrot, méditation, introspection, rencontre, âme, mystère

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