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Billet de blog 19 août 2025

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Quand l’audit devient impossible : le cas des agences d’architecture

On pourrait croire que l’opacité des agences d’architecture cache des intentions frauduleuses. En réalité, elle résulte surtout de deux facteurs : un déficit de culture managériale et la singularité intrinsèque du métier, qui rendent la gestion illisible et tout audit quasi impossible, posant un vrai défi à la transparence professionnelle.

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On pourrait croire que l’opacité dans la gestion des agences d’architecture cache des intentions frauduleuses. C’est un cliché commode, mais trompeur. La réalité est plus subtile, et sans doute plus inquiétante : les agences ne sont pas opaques parce qu’elles veulent se cacher, mais parce que leur fonctionnement rend toute transparence structurellement difficile.

Deux raisons expliquent ce paradoxe.

La première est le déficit de culture managériale.

Les architectes sont formés à concevoir des espaces, pas à gérer des structures. L’administratif, la comptabilité, la planification interne : tout cela reste périphérique, secondaire, voire vécu comme une contrainte extérieure. Résultat : la gestion des agences se fait par fragments, au coup par coup, selon l’urgence du moment. Les pièces existent, mais elles ne s’emboîtent jamais dans un système global. L’auditeur se retrouve face à une mosaïque de documents sans fil conducteur.

La seconde est la singularité même du métier.

Une agence d’architecture n’est pas une usine où les processus se répètent et se standardisent. Chaque projet est une aventure unique, avec ses délais, ses imprévus, ses contraintes juridiques, ses paiements différés. Cette variabilité permanente rend illusoire toute tentative de normalisation stricte. La gestion devient mouvante, adaptative, et par conséquent, illisible pour un œil extérieur.

Ainsi, l’impossible audit des agences ne relève pas d’un stratagème frauduleux, mais d’une opacité systémique. Tout existe, mais rien n’est structuré. Tout est enregistré, mais rien n’est accessible.

Cette situation pose pourtant une question cruciale : peut-on continuer à accepter que des structures professionnelles qui participent à la fabrication de la ville échappent à toute véritable lecture critique ?

Si l’on veut sortir de ce labyrinthe, il faut cesser de voir les architectes seulement comme des créateurs et les doter aussi des moyens – intellectuels, institutionnels et pédagogiques – d’assumer une gestion transparente et responsable.

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