Vandalisme urbain, racisme d’État et fuite des responsabilités : chronique d’un désastre maquillé.
Des années d’aveuglement, de bétonnage imbécile, d’abandon des périphéries, de mépris des citoyens devenus figurants dans leur propre ville… Et un jour, la ville se venge.
Ce que certains appellent « vandalisme » ou « incivilité » n’est que la facture logique d’un modèle qui pourrit de l’intérieur. On désigne les jeunes des quartiers populaires comme des dangers, des bêtes à encadrer, à dresser. On propose le service militaire comme punition – quelle insulte faite à l’honneur de nos forces armées ! On appelle à la peine capitale pour une insulte ou un vol – comme si nous étions revenus à l’époque des têtes coupées en place publique.
Et pour couronner le tout, on s’invente des ennemis : les migrants subsahariens, transformés en boucs émissaires d’un échec bien tunisien. Comme si la violence urbaine, le chômage, la délinquance, l’humiliation quotidienne des jeunes étaient importés d’ailleurs. Comme si les coupables ne portaient pas cravate ou ne dessinaient pas des plans.
Car au cœur de cette faillite, il y a aussi les « faiseurs de ville », ceux qui se réclament urbanistes, aménageurs, décideurs. Et tout en haut de la pyramide de la lâcheté : les architectes. Ces éternels absents, bien contents de n’être plus que des bureaux. Pas des penseurs, pas des éveilleurs. Des fournisseurs de plans. Des sous-traitants de l’injustice. Ils se planquent derrière leur titre d’« ingénieur », comme pour se disculper de toute responsabilité culturelle, sociale, politique. Leur silence est une forme de complicité. Et cette complicité, elle est bavarde.
Ce pays construit sans âme, sans projet, sans conscience. Il défigure à coups de permis. Il empile les briques comme on empile les offenses à la dignité. Il bétonne la rage. Et quand la rage éclate, il s’étonne.
Mais il faut dire les choses comme elles sont : cette architecture-là est complice. Cette ville-là est violente car pensée avec violence. Et cette jeunesse qui casse ? Elle ne fait que répondre à ce qu’on lui inflige.
Le pire, c’est qu’on sait. On sait où sont les responsabilités. On sait qui a autorisé, qui a planifié, qui a fermé les yeux. On les croise dans les cocktails, dans les commissions, dans les salons culturels sponsorisés par des mafias immobilières. On les applaudit. Et on pleure ensuite sur l’état de nos villes. Quelle hypocrisie.
Alors oui, YOOPI, ON A NOTRE BRONX. Mais ne venez pas pleurer. Vous l’avez fabriqué.
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Ilyes Bellagha
Architecte – Auteur engagé
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