On frappe à la coque. Ce ne sont pas des vagues.
Ce sont des vandales. Et leurs rires éclaboussent la honte.
Ils sont mes fils. Mes confrères. Mes semblables.
Fiers d’avoir trahi. Heureux de vendre les ruines.
Et moi, j’étouffe dans le silence que leur orgueil réclame.
J'appelle au secours.
Mais les phares se sont tus. Les gardiens, endormis.
Ou morts.
Je suis seul à crier dans cette tempête programmée,
Seul à me souvenir du temps où l’on me croyait maudit —
Parce que je refusais de tricher,
Parce que je croyais en la beauté nue,
En la pierre qui parle,
En l’enfant qui trace un toit pour rêver.
Aujourd’hui, les temples s’effondrent sans bruit.
Nos écoles sont devenues des foires.
Et l’architecture ?
Une prostituée d’État, fardée de faux discours,
Livrée aux promoteurs,
Consumée par ceux qui devraient la défendre.
Ils consomment.
Et nous, nous nous laissons consumer.
Les dignes se taisent. Les médiocres se multiplient.
On rit, on applaudit.
Même les ruines sont maquillées.
Mais non — je ne reviendrai pas au bon vieux temps,
Ni à ces musées de poussière,
Où l’on conservait les regrets dans du formol.
Moi, je rêve d’une révolution.
Pas une de celles que l’on brandit à la télévision,
Mais une révolution intime, bâtie dans l’ombre,
Pour que mon amour n’ait plus à choisir
Entre l’exil ou la honte,
Pour que mes enfants vivent debout,
Même au bord du gouffre.
Je rêve d’un pays où l’on puisse dire non
Sans perdre son toit.
Je rêve d’une maison qui abrite une idée.
D’une main qui trace un geste libre.
D’un métier qui ne soit pas un sacrifice.
Et si le paradis n’existe pas,
Alors qu’au moins l’enfer cesse de se perfectionner.
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Ilyes Bellagha
Architecte, militant culturel
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