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Billet de blog 29 octobre 2017

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Lettre ouverte à France 2

Quelle heure est-elle ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bonjour France 2,

J’ai vu tout à l’heure une publicité annonçant que vous aviez diffusé le 11 octobre dernier une soirée de productions consacrées à la question du harcèlement sexuel dont est victime une bonne partie de la population française et mondiale (faiblesse de celui/celle qui harcèle, réduction de la force de l’être harceléE).

Je trouverais pertinent que dans tout ce mouvement #balancetonporc / #ivedonethat, votre chaîne se fasse pionnière en présentant, elle aussi, des excuses publiques pour son comportement tendancieux, c’est-à-dire, les nombreuses émissions où des propos ou des gestes à caractère sexiste ont été diffusés, donc soutenus.

Quelle heure est-il, quelle heure est-elle, quelle heure est-iel au juste ?

Que penser des menus des restaurants de l’élite comme le Grand Véfour qui cachent les prix aux femmes ?

Je voudrais que vous présentiez vos excuses à la population pour le silence que votre chaîne a, au même titre qu’une autre, perpétué au nom de la pudeur peut-être, ou bien au nom de la lâcheté qui veut qu’aucun maillon d’aucune chaîne ne souhaite officiellement mentionner l’existence des fléaux de coulisse. Une chaîne qui préfère aborder des sujets depuis longtemps traités et ne surtout pas froisser les habitudes des téléspectateurs. Par exemple, quand nous parlerez-vous d’intersexualité, s’il vous plaît ? Quand ferez-vous une émission spéciale pour informer nos concitoyen-ne-s de ce fait social ? Quand cela vous touchera-t-iel assez ? Quand essaierez-vous d’adopter une position plus féministe, oui, nécessaire à l’évolution de notre société pour une égalité homme-femmes-intersexes ?

Vous êtes avec d’autres acteurices d’influence celles, ceux et celleux qui vous taisez pour conserver votre place.

Vous êtes celles, ceux, et celleux qui ne voulez pas fatiguer votre audimat en traitant des questions délicates sur lesquelles pourtant, un organe de presse tel que le vôtre devrait chercher à s’interroger, au nom de la régulation d’un ordre démocratique qui échappe à la plupart des gens depuis bien trop longtemps.

Vous êtes à la meilleure place pour nous ouvrir la voie vers l’exigence de la tolérance, pour présenter des propos intelligibles, même lorsqu’ils sont légers et pour mettre en lien, par le biais d’informations sinon débattues, au moins relayées, les différentes personnes qui habitent dans ce cadre précis, la France.

Vous êtes celles, ceux, et celleux qui ne devraient avoir qu’un seul courage, celui de dire exactement ce que vous pensez, et pas ce que vous pensez nous pouvons ou non entendre (ce que vous avez le droit, ou non, de dire ?).

Votre classe moyenne supérieure m’épuise dans ses stupeurs, et votre chaîne avec, qui passe encore des programmes sexistes et dangereux tel que « Tous au Moulin Rouge pour le Sidaction ». Cette émission m’a tellement choquée quand je suis tombée dessus en rendant visite à la grand-mère d’une amie, que j’avais décidé d’en faire une retranscription texte intégrale. J’ajouterais à la fin de cette lettre des extraits des propos tenus dans cette émission diffusée un samedi soir à une heure de grande écoute, ainsi que des captures d’écran qui me semblent pertinentes.

Dans cette émission, il y avait Shy’m, je prendrai son exemple pour illustrer mon propos de silence et de lâcheté. Car c’est Shy’m qui, interviewée par Thierry Ardisson, choisit par ailleurs de ne pas dénoncer les conditions d’existence dans les barres HLM, ni le fait même que de telles habitations existent. Elle y a vécu, et il ne faudrait surtout pas qu’elle prenne parti, je pense, si elle veut continuer à être invitée à toutes ces émissions de divertissement fièrement apolitiques auxquelles elle participe, parfois contre rémunération, aujourd’hui. Elle se contente de dire : « il y avait des odeurs, oui, parfois, mais il y avait beaucoup de solidarité. » ; elle omet de parler des honnêtes habitant-e-s de ces périphéries urbaines et de l’honnête TVA dont iels s’acquittent encore, qui est je le rappelle, la principale recette fiscale de l’État.

Non, elle ne parle pas de ces gens que l’État suce jusqu’à la moelle, contrôle, enferme pour un oui ou pour un non.

Ce sont bien ces personnes-là, et les autres milliers ou millions de téléspectateurs/trices qui se tapent ensuite les émissions sexistes et-ou abêtissantes, sans avoir toutes les clés nécessaires pour remettre en question l’honnêteté intellectuelle d’un invité promotionnel. C’est elleux qui font confiance à Shy’m et au fait qu’elle ne dise que la plus sincère vérité lorsqu’elle s’exprime publiquement.

C’est elle qui fait ainsi le choix dangereux de la lâcheté, du silence : ne rien dire de la pauvreté (ou plutôt, de la richesse naturellement appauvrissante), ne rien dire du traitement médiatique des femmes — sourire, voire participer aux remarques sexistes.

Chère France 2, c’est aux célébrités, aux politiques, aux journalistes et aux propriétaires, à l’élite disons, de se remettre en question avant tout. Car s’iel existe des omertas ce sont celles de l’argent et de la puissance qu’il apporte.

S’iel existe des omertas, restons conscient-e-s du fait qu’elles sont défendues par des personnes peut-être influentes mais totalement impuissantes. Quel poids pèse Cyril Hanouna en face de Vincent Bolloré ? S’il vous plaît !

Une réaction de courage, un acte fort serait une parole émise, reprendre les rênes, faire des excuses publiques pour toutes les émissions diffuseuses de sexisme, d’islamophobie ou simplement de cynisme non explicite, en revanche — et ouvrir la voie à un renforcement de la confiance des créateurices de contenu dans leur travail et aux publics, pourquoi pas ?

En plus d’une soirée consacrée au harcèlement sexuel, il faudra penser au harcèlement intellectuel des images, des paroles que l’on subit tous et toutes autant que nous sommes et qui nourrissent actuellement les inégalités qui sont à mon sens plus souvent le résultat de la passivité des détenteurices de pouvoir que celui d’une masse sauvage et mal organisée.

« L’information est pouvoir », a dit Starhawk, je serais ravie que cette lecture vous intéresse, Rêver l’obscur [femmes, magie et politique], car tout ce que j’aimerais vous dire ici, tout ce que j’aimerais partager avec vous ici, est très bien abordé dans ce livre.

« Tous au Moulin Rouge pour le Sidaction », diffusée le 25.03.2017 sur France 2.

Extrait 1 —

Laurent

Bien sûr on l'embrasse Jean-Marc. Y'a pas de chacha y'a pas de rumba non plus là ?

Shy’m

Non plus, ni de foxtrots, ils — on a — en revanche on peut faire ça tous les deux après dans la loge.

Laurent

Non alors il faut absolument que t'arrêtes d'essayer de m'amener dans ta loge je te dis y—a pas moyen que tu me péchos arrête avec ça c'est gênant ! [rires] Non excusez-la, écoute, on continue.

Extrait 2 —

Alma

Et oui on peut applaudir encore une fois la sublime troupe du Moulin Rouge !

Florent Mothe

Bonsoir à toutes et à tous, bonsoir Alma.

Alma

Bonsoir Florent.

Florent Mothe

Je ne sais pas pour toi mais, moi, c'est un vrai privilège d'être ici dans ce lieu mythique.

Alma

Oui quoi de mieux que le Moulin Rouge pour célébrer la vie la fête et l'amour !

Florent Mothe

Et oui évidemment toutes ces danseuses et meneuses de revue [ici, pour la moitié des hommes] qui ont fait tourner la tête à plus d'un homme.

Alma

Par leur beauté ?

Florent Mothe

Oui, et même parfois par l'envie de — de porter l'boa aussi bien qu'elles.

Alma

Bah euh moi, perso les plumes ça me fait éternuer.

Florent Mothe

Oui mais ça, ça dépend où on les met.

[rires]

Alma

Pardon ?

Florent Mothe

Non non mais j'te racontrai, bref — euh, mais c'est drôle que toi tu dises que tu sois allergique aux boas 'cque moi, moi ça m'fout les chtons.

Alma

T'as peur des boas ? Mais c'est tout rose, tout doux, comme ma robe.

Florent Mothe

Mais non pas les boas, les serpents quoi !

Alma

Mais t'inquiète pas tu crains rien ici les seuls boas qui y'a ils sont autour du cou des danseuses.

Florent Mothe

Mais oui t'as raison, et puis on n'a jamais vu un — un serpent faire du cabaret.

Salut les terriens, émission du 5 octobre 2017

Extrait 1 —

Thierry Ardisson

Shy’m donc ça veut dire timide, alors — effectivement vue de face vous êtes timide, mais vue de dos [une photo s’affiche de Shy’m portant une robe dos nu - exclamations du public] vous êtes beaucoup moins timide. Beaucoup moins timide ou alors ça veut dire que vous avez rapidement chaud.

Shy’m

...

[un rire dans le public, silence total pendant une seconde, personne parmi les invité-e-s ne dira rien, Thierry Ardisson poursuit]

Extrait 2 —

[à un autre moment dans l’émission, il interroge Shy’m dans le cadre du sujet : « Battle des idées / Islamophobie : la France a-t-elle fermé les yeux ? »]

Thierry Ardisson

Vous aviez été confrontée quand vous étiez enfant, à Trappes, à des problèmes d’immigration, Shy’m ?

Shy’m

Pas vraiment, j’ai été dans une famille assez... assez « isolée » entre guillemets. J’ai vécu à Trappes pendant de nombreuses années mais j’allais à l’école à Montigny dans une ville à côté. Oui, j’étais — tous mes voisins étaient arabes, africains, antillais il y avait une grande solidarité. J’ai plutôt de bons souvenirs que de, que de mauvais. En revanche oui les conditions étaient... assez... assez spartiates, assez rudimentaires, dans des immeubles à plusieurs étages qui étaient censés être détruits pendant un temps et qui sont toujours restés là, et oui il y a des — oui c’est pas très propre, il y a des odeurs, mais en même temps voilà il y a une humanité qui est différente aussi que dans d'autres villes.

Illustration 1
Illustration 2
Illustration 3

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