Ça va bientôt faire 10 ans que je propose avec mon ami Eric Lemonnier ce traitement pour les enfants ayant les troubles du spectre autistique. En comptant nos 2 essais cliniques inauguraux phase 2 réussis, 7 autres essais ont été réalisés dans le monde avec d’après une méta-analyse plus de 1036 enfants traités avec succès (Xiao et al). Cela sans compter les très nombreux essais pilotes. Cette récente étude phase 2 Égyptienne (Shaker et al) est intéressante car elle a comparé des critères d’évaluation nombreux et non seulement le critère moyen choisi comme pivot. 99 enfants de 3-12 ans ont été recruté, la moitié recevant le placebo et l’autre moitié le traitement avec la dose habituelle – 0.5mg X2 fois par jour. Ils observent une amélioration statistiquement significative (entre traité et placébo) dans de nombreux critères et notamment l’adaptation au changement, les émotions, le partage et la sociabilisation, les réponses sensorielles etc. Pour d’autres critères, il n’y a pas d’effets significatifs.
En accord avec cette hypothèse, notre large essai phase 3 (portant sur plus de 420 enfants recrutés dans 40 centres en Europe Brésil et Australie) a échoué. Son succès nécessitait l’obtention des différences significatives entre enfants traités et placébo sur une échelle- ici la CARS- avec une différence significative. Il convient de rappeler qu’aucun essai phase 3 traitement de l’autisme (ou de formes plus génétiques comme l’X fragile) confirmant qu’une même molécule ne pourra pas traiter toutes les formes d’autisme. Du coup, nous avons décidé de réexaminer toutes les sous échelles dans la phase 3. Utilisant une approche d’IA, nous pouvons identifier des sous populations d’enfants répondeurs à la Bumétanide ayant des syndromes particuliers. En clair, cela veut dire que l’essai phase 3 a échoué mais pas le traitement que nous préconisons qui pourrait atténuer l’autisme dans une sous population d’enfants. Clairement, le développement d’un traitement de l’autisme va nécessiter d’identifier des sous populations plus homogènes susceptibles de répondre au traitement, et c’est ce à quoi je mets mes efforts dorénavant.
Malheureusement, il m’est impossible à ce stade de déterminer quand ce travail va aboutir car je dois valider ces résultats dans un essai large centré sur les enfants ayant les propriétés que nous avons identifiées et donc possiblement répondeurs. Cela nécessite la levée de moyens financiers conséquents, ce qui loin d’être évident dans les circonstances actuelles, les pharmas privilégiant des traitements nouveaux et rémunérateurs plutôt que des molécules repositionnées et génériques.
Enfin, soulignons une étude intéressante qui montre que la bumétanide a des effets positifs sur un modèle animal de X Fragile suggérant que notre traitement est possiblement aussi valable pour cette forme génétique de syndrome notamment autistique (Kordougli et al), en accord avec un essai pilote que nous avions conduit.
Shaker E, El Agami O and Salamah A, Bumetanide, a diuretic that can help children with autism spectrum disorders – 2024, CNS Neurological Disorders Drug Targets; (4) 536-542
Xiao, H.L., et al. (2024) Can bumetanide be a miraculous medicine for autism spectrum disorder: Meta-analysis evidence from randomized controlled trials. Research in Autism Spectrum Disorders 114, 13
Nazim Kourdougli, Toshihiro Nomura, Michelle Wu, Anouk Heuvelmans, Zoë Dobler,
Anis Contractor, Carlos Portera-Cailliau (2024). The NKCC1 inhibitor bumetanide restores cortical feedforward inhibition and lessen sensory hypersensitivity in early postnatal fragile X mice.
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