Cet article a été dépublié par Mediapart dans un premier temps car, « Le chef du service du dispositif que vous décrivez dénonce des informations erronées et des propos diffamatoires, mettant en cause les pratiques de plusieurs personnes identifiables par leur prénom ».
Afin de pouvoir partager ces témoignages, je vais donc prendre en considération la (tout à fait légitime) demande de Médiapart et du chef de service du DDAEOMI à savoir modifier le prénom des employé.e.s cité car il ne s’agit nullement de mettre à mal qui que ce soit, mais bien de mettre en lumière des dite pratiques qui ne devraient pas avoir lieu.
Pour ce qui est de la question diffamatoire, je tiens à préciser qu’il s’agit de témoignages répétés par les années de mise en service du DDAEOMI et non de ma propre observation.
D’ailleurs, par ce biais, je propose au service du DDAEOMI à bien vouloir m’inviter à suivre tout le parcours qu'emprunte une personne qui rentre dans le dispositif (visite des locaux, évaluation de minorité, etc.). J'en ferai également une demande par la voie officielle.
…
" Je m’appelle Yasmine*, j’ai 16 ans et je suis originaire de Côte d’Ivoire.
Quand je suis arrivée en France, je ne savais pas la différence entre faire une demande d’asile et se déclarer mineur. J’ai demandé à pouvoir parler à quelqu’un qui m’explique et à qui raconter mon histoire, mais on m’a dit que ce n’était pas le moment de parler.
J’ai fait ma demande d’asile à Paris.
Ils m’ont demandé si j’acceptais tout type de logement. A ce moment-là, je dormais à la gare du Nord, à Paris. J’avais très peur que l’on me viole et que je tombe enceinte, donc j’ai accepté, bien sûr ! On m’a envoyée à Toulouse. Je ne connaissais personne, à Toulouse.
Là, j’ai rencontré une assistante sociale. Je lui ai dit que j’avais 16 ans et c’est elle qui m’a orientée vers le DDAEOMI. Une fois là-bas, j’ai été orientée à Albi.
A Albi, ils savent que je suis mineure, mais comme j’ai fait une demande d’asile, il me faut un avocat pour que je puisse faire annuler cette procédure. Pour eux, je fais ce qui m’arrange alors que je ne savais pas la différence et que je n’avais personne pour m’aider.
Moi, je ne suis pas allée à l’école. Aujourd’hui, je parle français, mais je l’ai appris petit à petit. J’ai une très bonne mémoire. Mes parents n’ont jamais eu les moyens de me mettre à l’école parce qu’en Afrique, l’école est payante.
Chez nous, on va à l’école coranique, ce n’est pas l’école pour apprendre l’alphabet. On apprend à lire des textes religieux. Si je connais les lettres de l’alphabet et que je sais écrire mon prénom, c’est parce que je l’ai appris au DDAEOMI, mais je ne sais pas lire. Je cherche toujours quelqu’un qui puisse m’enseigner. Heureusement, j’ai commencé les cours avec Autonomie.
Je ne suis pas majeure, je suis une enfant, et je dors dehors. Avec mes camarades, nous sommes venues ensemble et toutes sont enceintes sauf trois, dont moi. Maintenant, si je tombe enceinte, je vais dire quoi à ma mère ?
Quand mon père est mort, ils m’ont donné à l’ami de mon père pour faire le mariage. J’ai vécu un mariage forcé avec un vieux de 60 ans.
Je ne suis pas venue en France parce que j’avais faim : ce que mes parents mangeaient, je le mangeais aussi. Je suis partie parce que j’avais des problèmes avec un vieux. Il fallait que je sois avec lui et comme je ne voulais pas, mes frères me frappaient sur les bras. Ma mère n’avait rien, mais elle faisait tout son possible pour nous.
Ma maman à huit filles ; je suis la dernière.
Je n’ai pas peur de m’exprimer !"
Le récit de Yasmine* n’est qu’une infime partie des récits des sept filles rencontrées ce jour. Toutes ont un parcours des plus atypiques et douloureux. Toutes se sont retrouvées à Toulouse et sont passées par le DDAEOMI, à Albi, et toutes se sont retrouvées à la rue, pourtant mineures. Elles ont bien voulu raconter leur expérience dans ce lieu où il leur faut faire attention à chaque mot, à chaque geste et à leur attitude, qui sera consignée dans leur dossier. Comment pouvoir faire confiance quand chaque professionnel du lieu pousse à dénoncer l’autre pour savoir si untel est majeur ou non ; quand même sa propre identité est constamment remise en question, et quand tout ce que l’on dit est considéré comme un mensonge.
Alors que le DDAEOMI remet à la rue des jeunes filles mineures livrées à elles-mêmes, lors du recours devant un juge des enfants, 96% des cas présentés sont reconnus comme mineurs.
En attendant le recours devant le/la juge des enfants, certaines trouveront refuge au sein du Collectif AutonoMIE et ainsi éviteront de passer une nuit de plus dans la rue, échappant aux risques de viol.
Voici leurs témoignages…

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DDAEOMI 81 - Albi – Centre d’évaluation pour filles
Lien de confiance / parole mise en doute en permanence
- Quand tu dis ton nom, on te dit que ce n’est pas ton nom, que c’est celui de quelqu’un que tu as pris. Quand tu dis ton pays, c’est pareil, on te dit que tu mens.
- Ils disent que ce sont des secrets entre nous mais ce n’est que pour nous faire parler. Un jour, il y avait un enfant, ils l'ont séparé de sa sœur. Le petit ne mangeait pas, il ne parlait à personne. T. m’a demandé d’aller lui parler pour qu’il puisse manger, j’y suis allé, on a parlé et il a mangé ; ensuite nous sommes allés jouer. Ils sont allés écrire dans leur rapport que je suis comme une mère ; que mon comportement ne prouve pas que je suis mineure.
- T. le Sénégalais, lui, il vient d’Afrique, ils pensent qu’il connaît toute l’Afrique.
Quand il te demande si tu connais le Coran et que tu dis non, il te dit que tu mens, que tu n’es pas ce que tu prétends. Je connais un jeune, il a dit qu’il n’avait pas étudié le Coran. On lui a dit qu’il n’était pas Guinéen parce qu’il ne connaît pas le Coran alors qu’il y a des Guinéens chrétiens. Pour eux, si tu es trop intelligent, tu n’es pas mineur. Si tu t'occupes de toi, tu n’es pas mineur. Si tu ne manges pas le matin, tu n’es pas mineur.
- A DDAEOMI, la seule chose qu’ils regardent, c’est ton comportement.
Chez nous, en Afrique, on a une autre façon de se comporter avec ses parents. Ce n’est pas la même façon qu’ici. Ma mère m’a appris à travailler à la maison pour me préparer à l’avenir. Mais ça ne veut pas dire que je suis majeure. C’est une autre culture.
- Ils se basent sur des points insensés. En Afrique à partir du bas-âge, on apprend beaucoup de choses auprès de nos parents. On développe un système d’adulte depuis petit. Par exemple, quand tu es petite, tu sais faire le ménage, la cuisine, t’occuper des plus petits. Mais quand tu dis ça au DDAEOMI, ils disent que non, que tu développes un système d’adulte et que tu es intelligente, donc que tu n’es pas mineure. Pour eux, tu dois te comporter comme une gamine et jouer avec des trucs d’enfants. Chez nous, on ne sait pas ce que c’est que le jeu. Nous n’avons pas les moyens de nous offrir tout ce luxe. Ce que l’on connaît, c’est le champ, les travaux difficiles. On se développe avec ça et on ne peut pas laisser ce que nos parents nous ont appris, parce que DDAEOMI nous impose des choses que nous, on ne peut pas faire.
L’entretien
- A l’entretien, on te classe directement comme On te dit que tu as un physique de majeur. Dès que tu commences ton discours, à l’évaluation, on te dit que ce n’est pas la peine, qu’on va te donner des documents, que tu vas aller faire ton recours et que, dans 99% des cas, pour les filles, ça va passer. Dans le cas contraire, tu vas demander l’asile.
Concernant ma situation, on m’a imposé de demander l’asile. On m’a dit que dans moins d’un an, j’aurais mes papiers. Je leur ai demandé pourquoi ils voulaient que j’aille demander l’asile étant donné que je suis mineure. Mais au vu de ma situation si particulière, ils veulent me confier à une association. Je ne connais pas Toulouse mais ils m’ont donné une fiche et m’ont dit où je pouvais aller manger, où je pouvais aller me soigner, et d’appeler le 115 pour dormir. Je ne connais personne ici, comment je fais ? Je vais aller dormir à la gare ?
Heureusement que j’avais des connaissances liées à AutonoMIE ; sinon, j’étais à la rue et peut- être que j’allais faire des bêtises et subir des violences.
Je suis restée trois semaines au DDAEOMI. C’est au cours de ma troisième semaine que l’on m’a libérée.
La fréquence des entretiens
- Il y en a eu un sur mon parcours scolaire. Dans mon évaluation, ils ont dit qu’il y avait un doute parce que je ne connaissais pas l’âge auquel on m’a mise à l’école. Moi, je ne sais pas ! mais je sais l’âge auquel j’ai arrêté l’école. On m’a dit que ce n’était pas possible. Je ne connais même pas l’âge de mon petit frère !
Il y a eu une évaluation sur la santé, avec un examen médical. Même le docteur en profite pour te demander ton parcours, qui n’a rien à voir avec l’hôpital. Lui-même te pose des questions : qu’est-ce qui t’est arrivé en chemin… Il te dit qu’il faut dire la vérité, etc. Ça veut dire qu’il te pousse à mentir ou à ne pas être crue. Il te dit que tu peux lui dire la vérité, que ça ne va pas sortir d’ici. C’est pareil pour la psychologue, elle te poursuit du matin au soir.
Après, on passe à la dernière évaluation : le parcours. La raison pour laquelle tu as quitté le pays et le chemin que tu as emprunté pour arriver là. C’est là qu’on te dit que ce n’est même pas la peine, que tu n’es pas mineure mais que tu es majeure et qu’il faut aller faire un recours.
Comment ça se passe entre vous, au DDAEOMI ?
- Au bout d’un moment, j’ai été la porte-parole (rapporteuse). Quand un nouveau vient, ils me disent « Yasmine, comme toi t’es intelligente un peu, est-ce que celui-là, il est mineur vraiment ? » J’ai demandé au jeune : « est-ce que je suis l’enfant de tes parents ? que non ! ». On ne ment pas, c’est comme le vol. Je leur ai dit que je ne le connaissais pas, que même s’il dit qu’il a 2 ans, c’est lui qui connaît son âge.
Ils essayent tout. Il y en a un qui me propose toujours une glace. Il me dit : « Tu es ma copine, tu es ma cocotte », mais jusqu’à quand il me donne de la glace, là ? quand il me donne de la glace, il me fait asseoir dans le bureau et ferme la porte. Et là il me dit encore : "Yasmine, dis-moi la vérité, Mamadou, est-ce qu’il est mineur ? " Je lui demande, quand il voit mon visage : “Est-ce que je suis majeure ? Mamadou est malien, je suis de Côte d’ivoire. Réglez mon problème avec moi. Pour vous, je suis déjà majeure. Et puis les glaces, là, il ne faut plus m’en donner, je n’en mangeais pas en Afrique.”
Tout pour te tromper
- J’ai été excisée. Quand je suis indisposée, je pleure, mon ventre me fait mal. J’ai eu mal pendant deux jours. Le premier jour, ils ne m’ont pas envoyée à l’hôpital.
Ils se sont dit que comme j’étais intelligente, je n’allais pas accepter d’aller chez le gynéco pour faire les tests pour voir si je suis mineure ou non. Mais comme j’étais indisposée, ils en ont profité. A ce moment-là, ma dent me faisait mal également. On est partis et ils m’ont dit que j’avais rendez-vous chez le dentiste. Quand je suis arrivée là-bas il y avait écrit « Gynécologue ». Je leur ai dit que ce n’était pas le dentiste, je ne sais pas lire mais un peu quand même. Quand je suis rentrée chez le docteur, je lui ai dit que c’était ma dent qui me faisait mal. Je savais que ce n’était pas un dentiste. Je lui ai dit, au docteur de dire si je suis excisée ou non et, s'il arrive à voir si je suis enfant ou non, il faut le dire aussi. Quand je suis née, le lendemain ils m’ont excisée. Il y avait cent-deux personnes, ils ont excisé tout le monde. Moi, j’étais la plus petite pour l’excision.
A ce moment-là je saignais. J’ai demandé si c’était une dame qui allait vérifier, il m’a dit que c’était lui. Comme c’était pour vérifier, j’ai accepté même si ça ne se fait pas. Il y avait une femme aussi, c’était son assistante. J’ai demandé que la femme soit là, parce que je ne voulais pas qu’il n’y ait que le monsieur.
Afrique / France : deux cultures, deux mondes différents
- Au niveau du face-à-face, ils voudraient que tu les regardes. Mais chez nous, on a une habitude depuis le bas-âge, on ne peut pas regarder un adulte droit dans les yeux. C’est une pure impolitesse. Chez nous, quand tu t’exprimes face à un adulte, tu dois baisser la tête. Alors que nous, comme nous venons d’arriver en France, on ne connaît pas cette coutume de se regarder dans les yeux. Pour DDAEOMI, si tu baisses la tête, c’est que ce que tu dis, ce sont des mensonges alors que chez nous, baisser les yeux pour parler, c’est un signe de respect.
Mon expérience au DDAEOMI (deux cultures, deux mondes)
- Je suis arrivée à DDAEOMI en janvier 2022.
Le premier jour, quand je suis arrivée au DDAEOMI, à Toulouse, la dame m’a dit que là, ils ne prenaient pas les filles. Donc, que j’allais partir à Albi. Le premier jour où je suis arrivée au DDAEOMI, à Albi, ils m’ont fait un petit entretien pour voir des choses que je rapportais, ce que je n’aimais pas, ce qui était signalé etc. Après deux jours, ça a commencé, les évaluations. On m’a demandé le chemin de mon parcours, comment j’avais fait pour sortir de chez moi jusqu’ici. Ensuite, je suis allée à l’hôpital pour faire des analyses. Un jour, vers les 16h, on m’a appelée pour me dire que je devais retourner à Toulouse parce que j’étais passée par Toulouse, donc que c’était là-bas qu’ils allaient me donner la réponse. Dans mon rapport, il était écrit que je n’étais pas mineure parce que je suis polie, je n’insulte pas les gens et je suis calme.
La vie en Afrique, ce n’est pas la même chose que la vie en France. Nous, on est obligés de grandir, pas seulement dans le corps, mais mentalement aussi. Il y a des familles, comme la mienne, qui sont un peu difficiles. J’ai été obligée, à l’âge de 15 ans, de devenir grande. J’avais une mère qui était malade et un petit frère. Du coup, c’est moi qui suis restée à m’occuper du commerce de ma mère.
Je partais à l’école, je prenais soin de mon frère et après, je partais au marché pour vendre. En Afrique, il faut savoir faire preuve de maturité sinon, tu n'arrives à rien. En Afrique, il y a beaucoup de souffrance.
Dès l’âge de 9 ans, ta mère t’apprend comment cuisiner, comment prendre soin de la maison, comment faire des plats, car on ne sait jamais. Moi-même, je ne savais pas que j’allais être ici, mais ce sont les circonstances de la vie.
La façon dont les Français éduquent leurs enfants, n’est pas la même que celle dont les Africains éduquent leurs enfants. J’ai constaté qu’un enfant ici, à 15 ans, s’il veut faire, il fait, s’il ne veut pas, il ne fait pas. Du coup, c’est normal. Chez nous, là, que tu aies quinze ans ou même douze ans, tu as une responsabilité.
Si ta famille est pauvre comme la mienne, tu dois apprendre à cuisiner et plein de choses, mais DDAEOMI ne voit pas ça.
Ce que DDAEOMI fait, c’est que, quand il y a un ancien, ils lui proposent des choses. Si tu découvres qu’il est majeur, ils vont t’accepter. Ils placent une jeune qui est là depuis longtemps. Elle déjeune avec vous, elle rigole avec vous et quand c’est l’heure de partir dans la chambre à 18h, elle monte et cause avec les éducateurs. Moi, quand j’étais à DDAEOMI, on était 35 et parmi les 35, DDAEOMI n’a pris personne. Nous tous, nous sommes restés dans la rue. Sauf cette fille, c’était l’unique fille à rester.
Quand on se lavait, comme on était toutes dans la même chambre, je prenais ma douche et je m'habillais. Je n’allais pas me cacher. Mais elle, elle est là, elle regarde ton corps, après elle monte voir les éducateurs pour dire que je ne suis pas mineure parce que mon corps est développé, etc. c’est comme ça que ça s’est passé là-bas.
Si on regarde mon petit frère à côté de moi, on va dire que mon petit frère est plus âgé que moi parce que nous les Africains, on grandit vite. Mon petit frère à 16 ans, mais si tu le regardes, tu vas te dire qu’il a 22 ans, parce qu’il est grand.
- Ce qui me fait mal là-bas, c’est Z. Elle fait le ménage. Quand elle a vu ce que j’avais dans mes affaires (bijoux et lunettes), elle m’a demandé de les lui vendre. J’ai refusé car ce sont des affaires que des gens m’ont données à Paris. Je lui ai dit que je ne comprenais pas pourquoi, alors qu’elle travaille dans ce foyer et qu’elle est censée nous garder, à chaque fois que je rentrais de sortie, je constatais que mes affaires avaient été déplacées.
Le jour où je suis partie, j’ai fait mes bagages et j’ai constaté que certaines de mes affaires que cette femme m’avait demandées avaient disparu. Il s’agissait d’un ensemble de colliers et bracelets, ainsi que des lunettes. Par la suite, elle a dit que je lui avais vendu, alors que ce n’est pas vrai, ce sont des choses dont des gens m’ont fait cadeau. Je ne peux pas les vendre, je suis une enfant de pauvre.
- En majorité, nous les filles, on court un grand risque. On ne peut pas être dans la rue. Tu peux te donner à n’importe qui. Comme tu es femme et que tu viens d’arriver, tu ne connais rien. Nous, on se connaît entre nous, les Africains. Il va venir te blaguer : « Viens chez moi, pour avoir les papiers c’est difficile, viens dormir chez moi, je te fais un enfant… ».
Mais si une fille vient se déclarer comme mineure et qu’elle est mineure, je ne pense pas que l’on doit la traumatiser comme ça, on doit essayer de la comprendre.
Moi, j’ai perdu ma maman, et quand on vient me dire, que non, ce n’est pas vrai, que je mens, ça m’embrouille dans ma tête, je ne deviens plus moi-même, je pète un câble. Quand je suis allée chez l’avocate, ça été horrible quand elle m’a dit qu’elle ne voulait pas défendre mon cas, vu la situation que j’ai traversée. Alors, je me déchaîne, je parle trop, on me dit que je parle trop bien français, donc, que je ne suis pas mineure, que je suis majeure.
- Le jour où l’on m’a dit « non », je me rappelle, il était vers les 16h, on était en train de faire des dessins. On m’a appelée, c’était L. et T. Ils m’ont dit qu’il fallait ranger mes affaires et que j’allais aller à Toulouse. Je leur ai demandé pour quoi faire. J’étais à Toulouse avant et ils m’ont amenée ici. Mais avant de venir ici, j’étais passée par Toulouse et c'est eux qui allaient rendre leur réponse. Mais pourquoi Toulouse n’envoie pas la réponse ici ? Je ne voulais pas partir, j’ai commencé à pleurer parce que je me demandais ce que j’allais faire à Toulouse.
C’était le monsieur qui faisait l’entretien qui m’a emmenée à la gare et m'a donné un masque en me disant « bonne chance ». Quand je suis arrivée à la gare Matabiau, il y avait un éducateur qui était venu me chercher. Dans le bureau, ils m’ont dit que le Procureur avait décidé que je n’étais pas mineure. On m’a dit d’aller chercher mes documents à la Préfecture.
Quand on est sorti du DAAEOMI, on était trois, j’étais avec deux garçons. L’éducateur nous a emmenés à la Maison du Droit (Maison des Droits des Enfants et des Jeunes), là-bas, il y avait une femme qui nous a donné le numéro d’une avocate. Les garçons parlaient anglais, moi je ne comprenais rien. Ensuite, on est allé voir l’avocate. Mais il fallait rentrer avant 16h et il était 17h. Ensuite, je suis repartie avec l’éducateur à DDAEOMI. Il n’y avait pas de place pour dormir. Je suis allé au 115, il fallait y être à 20h. Le lendemain, j’ai quitté les lieux à 11h et je ne savais pas quoi faire. Je suis retournée chez l’avocate et elle m’a donné le numéro d’AutonoMIE.
- J’ai demandé jusqu’à quand je pouvais rester là, ils m’ont dit que c’était jusqu’à ce qu’on me donne un avocat. Mais quand je suis arrivée là-bas, on m’a fait signer un papier pour dire que j’étais là à 20h et que je devais partir avec mes affaires à 11h, et que je devais rappeler le 115 pour qu’ils me redonnent une place et revenir ici, et s’ils ne me la donnaient pas, je devais chercher où dormir. J’ai passé toute la nuit à pleurer parce que je ne savais pas où j'allais partir à 11h.
J’avais une amie au DDAEOMI, qui connaissait du monde à AutonoMIE et m’a donné leur numéro. J’ai vu comme un ange de Dieu qui avait envoyé cette dame-là.
Ensuite, j’ai eu un numéro d’avocate et avec l’avocate, je suis partie voir la juge des enfants et le même jour Inch’allah, la juge m’a déclarée mineure. Et moi, je me suis dit : “C’est quoi ça, vous me laissez dehors, dans la rue, j’ai eu peur, j’ai fait la dépression et quand j’arrive devant la juge on me déclare mineure !” Je me dis que quand nous sommes au DDAEOMI, en fait, la juge ne voit pas nos dossiers. Parce que si la juge voyait nos dossiers, il n’y aurait pas autant de filles dehors. En fait, c’est le DDAEOMI qui écrit les rapports et décide si on est mineur ou non. Ce n’est pas possible. Ils te déclarent majeure, tu passes voir la juge qui te déclare mineure. La décision d’une juge est définitive. Quand elle dit que tu es mineure, tu es mineure, elle ne change pas d’avis.
- Pourquoi l’avocate récupère le rapport pour l'envoyer au juge s’il est déjà là ? Ils disent que le rapport est chez le Procureur et non chez le juge.
Je pense que nos documents n’arrivent même pas au Procureur. Moi, je n’ai pas mis mes empreintes. Je pensais que comme mes documents allaient partir chez le Procureur, il fallait mettre ses empreintes pour voir par où j’étais passée. Mais rien du tout ! Ce qu’ils font là-bas, à DDAEOMI, c’est qu’ils te donnent plein de Bounties, on te fait grossir et après, on te met dehors.
On te fait croire que la vie ici, en France, c’est une mer rose de parfum. Quand tu commences à t’habituer à ça, on te met dehors.
Maison des Droits des Enfants et des Jeunes : Accès au droit, Médiation familiale, Formation, Soutien à la parentalité : https://www.droitsetenfants.org/
Adresse : 22-24 Rue Monserby, 31500 Toulouse
Téléphone : 05 61 53 22 63
Webinaire - Mineurs non accompagnés. Enfants d'ailleurs ? Enfants d'abord ! : https://www.youtube.com/watch?v=QsX2ti3vtHg
AutonoMIE : https://autonomietoulouse.wordpress.com/
ANRAS - DDAEOMI 31
Adresse : 22 Rue de Stalingrad, 31000 Toulouse
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