ben art core (avatar)

ben art core

Ben art core - photographe

Abonné·e de Mediapart

14 Billets

0 Édition

Billet de blog 14 avril 2023

ben art core (avatar)

ben art core

Ben art core - photographe

Abonné·e de Mediapart

Chute libre !

A la suite du décès de sa mère, Toni quitte Albi et vient à Toulouse. [...] Voici son histoire.

ben art core (avatar)

ben art core

Ben art core - photographe

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À la suite du décès de sa mère, Toni quitte Albi et vient à Toulouse. Déjà fragilisé, il découvre avec effroi le cadavre de son frère. Ce sont des choses de la vie qui arrivent dira-on. Mais Toni est malade. Il est « schizophrène, paranoïde, bipolaire, alcoolique et drogué » et sans logement. On l'a mise à la rue de la halte de nuit pour faire de la place pour les femmes. Au-delà de choix de vie hasardeux, c’est le système qui s’acharne contre Toni ou contre les personnes SDF. Entre le manque de place en foyer d’hébergement, à l’hôpital et le 115 aux abonnés absents, Toni à peur de faire une bêtise. Voici son histoire.

Toni (48 ans) et Minou (9 mois).

Ça fait huit mois que je suis à la rue, ça fait huit mois que j'appelle le 115 et qu’ils me disent qu’il n’y a pas de place. Pour moi, le 115 n’existe pas. On vit dans un monde où il faut s’occuper de sois, sois même. On vit dans un monde pourri. Mise à part les gens qui aiment les animaux.

Que s’est-il passé il y a huit mois ?
Il y a huit mois, j’ai perdu ma mère et mon frère la même semaine.
Je l’avais appelé pour l’enterrement de ma mère, mais il ne répondait pas, je l’ai cherché partout. Et je l’ai découvert chez lui en putréfaction. J’ai vu mon frère par terre, sans réaction avec des bêtes qui lui couraient sur le dos. Je suis encore choqué. Je suis malade.
Ils m’ont dit que c’était une mort naturelle, mais à 50 ans, ce n’est pas naturel.
À ce moment-là, je vivais à Albi. Quand j’ai perdu ma mère, j’ai tout lâché et je suis venu à Toulouse pour m’occuper de l’enterrement de ma mère. J’ai donné tout ce que j’avais chez moi à une association pour aider une dame qui vivait à Marssac.
Elle était contente et moi, j’étais content parce que j’ai pu vider l’appartement et rendre les clés. Et maintenant, je suis le seigneur. SEIGNEUR, guide-moi sur ton chemin, empêche-moi de faire une connerie !
Pourquoi avoir quitté Albi ?
Pour me rapprocher de la tombe de ma mère et de mon frère. Je ne veux pas être enterré à Albi, mais près d’eux. Je veux mourir à Toulouse avec ma famille. Il n’y a que mon père qui a refait sa vie au bled, mais lui, il a une pile au cœur, donc il peut durer cent ans.

On ne vous dit rien du fait que vous êtes là ? Devant la Présentation de Marie (foyer pour étudiants)
On m’a dit de ne pas rester. Mais je viens et le soir, je pars. Je vais dans une entrée de parking, derrière les poubelles. Ça fait huit mois que je vis comme ça un peu partout à Toulouse.
Mais aujourd’hui, je suis fatigué. J’ai qu’une envie, c’est de pleurer et de m’ouvrir au ciel. Je suis croyant, mais j’ai peur de faire une connerie un jour.
Le 115 n’existe pas. Ils ne m’ont jamais proposé de places, même pas pour une nuit. J’ai rencontré l’EMSS (équipe mobile sociale et de santé) qui m’a orienté vers la Halte de nuit. Mais avec une perverse narcissique et droguée qui gouverne, laisse tomber.
Moi, je suis en deuil et elle voulait que je chante pour l’inauguration de la peinture de la halte de nuit. Mais elle est folle ? Laissez-moi tranquille s’il vous plaît. Je ne suis pas bien, je cherchais un coin pour m’abriter.
C’est pour cela que vous êtes parti ?
Non ! Qu’est-ce qui s’est passé ? 15 femmes sont venues dans le foyer. Elle a dit la dame. « J’ai à vous parler les hommes. Il va y avoir 15 femmes qui vont venir. Personne ne parle avec elles ! ». D’accord, oui, bon, mais on n’est pas des violeurs. S’il y a des femmes qui viennent, on peut les accueillir. Elle m’a fait sortir une heure, ça veut dire, « une punition ». Quand je suis re-rentré, il y avait cinq ou six femmes à une table. Je leur ai dit « bonsoir » en rentrant pour boire un café et elle m’a dit de sortir définitivement, comme un chien de la halte de nuit. S’ils veulent faire un foyer de femme qu’ils le fassent, mais pas en virant les gens comme ça.

Ça fait quatre jours que je fais la grève de la faim parce que le 115 ne répond pas à ma détresse. Ils se disent « 115 appels d’urgence », mais j’appelais tous les jours, à la fin, ils m’ont dit d’appeler une fois par semaine. J’ai du mal à comprendre.
Les malades, on les laisse à la rue, moi, on me laisse à la rue, je suis malade, les sdf on les laisse à la rue, le week-end, tout est fermé, il n’y a rien à manger. On vit un monde très difficile aujourd’hui. Ce n’est pas normal que le Maire, Moudenc, mette en place une stratégie de mettre à mal l’accès à la nourriture. Manger, c’est essentiel pour la vie. Moudenc fait tout pour que l’on disparaisse de sa ville et ce n’est pas normal. Avant au Grand Ramier, on pouvait manger, récupérer son courrier, se laver et faire sa lessive, maintenant, on mange au grand Ramier et tout le reste se fait à l’autre bout de la ville à Bonnefoy.
Pour me nourrir, je fouille dans les poubelles ou je demande à manger. Je ne vais plus dans les structures de Moudenc. Je ne vais plus là-bas.
C’est difficile. Il n’y a pas de social. Je vis dans la souffrance avec mon sac et mon chat. Je vis dans la souffrance avec cette vie de misérable.
C’est un peu de ma faute, mais je suis tombé malade, ce n’est pas de ma faute. C’est la maladie qui a pris le dessus.

Vous avez eu un accompagnement ?

J’ai eu un accompagnement. Ils ont vu que j’étais malade. Mais à Albi, ils m’ont laissé tomber. Comme je n’avais pas de couverture sociale, ils m’ont dit que je n’avais pas de place. J’ai voulu me suicider en me laissant rentrer chez moi. C’est non-assistance à personne en danger ! Ils m’ont tous laissé tomber pendant sept ans, j'ai souffert à Albi. Rien, même pas un médecin, rien. Aujourd’hui, je suis devenu terroriste. Voilà. Et je le sais. Je vais mourir, mais si je meurs, je ne mourrais pas tout seul.

J’ai été au PIAO (Pôle d'Accueil, d'Information et d'Orientation). Ils m’ont refait le dossier de logement. Ça fait un an que j’ai fait le dossier, on ne m’a rien proposé ! CA FAIT UN AN ! et j’ai renouvelé, et le monsieur, il a dit « revenais avec votre numéro unique du renouvellement et on va refaire le dossier DALO », mais moi je m’en fou du DALO !

Ils fabriquent des terroristes avec des malades !

Vous êtes allez à l’hôpital ?

J’y suis allé. Au 15, ils m’ont très bien accueilli. J’étais content. Des fois, je voulais me suicider. Ils m’ont retenu, ça allait mieux.

J’ai un traitement que je suis depuis 1999. Je le suis malgré ma maladie de schizophrène, paranoïde, bipolaire, alcoolique et drogué !

Je suis fatigué !

Illustration 1
Toni est fatigué par la vie. © ben art core (Krasnyi)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.