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Billet de blog 18 novembre 2025

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Mon bistrot , notre QG, notre stade, notre arène politique

Chaque matin  vers 9 heures, je me dirige vers mon bistrot, celui qui est tout près de chez moi. Un café allongé, parfois accompagné d’un petit croissant encore tiède et le journal : c’est mon petit moment de bonheur et de détente.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Chaque matin  vers 9 heures, je me dirige vers mon bistrot, celui qui est tout près de chez moi. Un café allongé, parfois accompagné d’un petit croissant encore tiède et le journal : c’est mon petit moment de bonheur et de détente.

Ce lieu modeste, avec son comptoir usé par les années et ses cinq petites tables en formica toujours impeccablement essuyées par le patron, est bien plus qu’un simple café.

C’est un endroit où se croisent les vies, où se mêlent les générations, où chacun trouve sa place.

 Où se retrouve le matin les retraités , l'après midi les gens de passage et le soir  des jeunes un peu en marge, musicien ,artiste , comédien , des personnes seules , un vrai lieu de convivialité , le  week end , c'est la retransmission des matchs de rugby ou de foot , le  jeudi soir Karaoké, l'été le soir est programmé des soirées de concert.

 Moi, je fais partie du matin et de la fin d'après midi autour d'un demi pression .

Mais surtout, avant tout, c’est notre QG, notre stade, notre arène politique.

Le matin, c’est le royaume des retraités.

On se retrouve entre habitués, autour d’un café  pour commencer la journée en douceur. On parle de tout et de rien, mais surtout, on parle rugby. Soit on analyse les matchs de la veille, soit on anticipe les prochains matchs du Top 14. 

Ici, dans le Sud, et en particulier dans ma ville, le club joue en Fédérale 2 un bon niveau , le rugby n’est pas un sport, c'est une religion, un patrimoine, une identité. La plupart de mes copains sont d’anciens joueurs : certains ont été champions de France, d’autres ont traîné leurs crampons sur les terrains boueux des divisions régionales.

Peu importe. Quand on refait les matchs du Stade Toulousain, de Montpellier ou de l’USAP, on y met la même passion, la même ferveur.
On revit les matchs, on analyse les stratégies, on critique les arbitres. Les débats s’enflamment, les voix montent.
Mais très vite, presque toujours, le rugby laisse place à la politique.

Et là, l’ambiance change. Le ton devient plus sec, « Tous des pourris, oui, tous des pourris ! » « Ils nous prennent pour des cons ! » Les mêmes poncifs reviennent, les mêmes colères, les mêmes désillusions.
Et c’est là que les tensions montent.

Parce que dans ce bistrot, comme dans la France d’aujourd’hui, les opinions sont tranchées. Il y a ceux qui écoutent Hanouna,  qui regardent CNews ou BFM, ceux qui votent RN sans complexe.

Oui, le RN, un parti qui se banalise. Les gens n’ont plus honte de dire qu’ils votent RN. Les mêmes refrains reviennent : « Macron, c’est un traître ! » « Les migrants, ils nous envahissent ! » « L’islam, c’est ça le problème ! »

Le système Bolloré fait beaucoup de dégâts et fracture davantage la communauté nationale.

À l’exemple de ces animateurs qui se prétendent journalistes mais qui, en réalité, sont davantage des militants.

Ils reprennent tous les jours à l’antenne un vocabulaire qui ravivent des divisions,  musulmans, musulmans  ils n'ont que ce mot à la bouche ,  l'Islamogauchiste comme on disait dans les années 30 des juifs-Bolcheviques . Avec Islam on met  gauchiste, délinquant, fascisme, terroriste,  etc...reprenons pour comparer le même préfixe avec Christiano ......Judéo.....

Ce terme, popularisé par une extrême droite en mal de boucs émissaires, n’est pas nouveau.

Il rappelle  la théorie du complot juif-bolchevique des années 1930 , où l’on accusait les Juifs d’être à la fois capitalistes exploiteurs et communistes révolutionnaires.

Une contradiction absurde, mais qui servait un seul but :diaboliser une communauté entière .

Tout comme Islamo -délinquant , associer une religion à la délinquance, c’est reproduire les pires schémas de l'histoire .

  • Dans les années 1900, on parlait des "juifs-délinquants" pour justifier les pogroms.
  • Dans les années 1960, on désignait les "Noirs-délinquants" pour légitimer la répression policière.
  • Aujourd’hui, c’est "islamodélinquant   

Mais la délinquance n'a pas de religion, elle a des causes : la pauvreté, l’exclusion, le désespoir, Pas une foi.. 

Alors que ce pays est déjà fragilisée par les fractures sociales, identitaires et politiques,  la France a plus que jamais besoin de cohésion, de vérité et de fraternité.
Pour moi, c’est compliqué. face aux électeurs du RN , difficile de ne pas répondre, de ne pas s'indigner et se mettre en colère . 

   « Mais vous répétez comme des perroquets ce qu’on vous dit ! Vous réfléchissez, au moins ?  n'oubliez pas que  les Algériens, les Marocains, les Sénégalais et bien d'autres  sont venus libérer la France »

Les débats deviennent houleux, les voix s’élèvent . 
Heureusement, il y a un petit groupe avec qui je m’entends, avec qui je peux vraiment dialoguer : les militants de la France Insoumise.

Eux aussi sont des habitués du bistrot. Ils y font presque leurs réunions autour d'un café  souvent le mardi ou samedi matin .

Quand ils se mêlent à la discussion, ça chauffe encore plus, mais au moins, on a un vrai échange.
On parle des inégalités, de la précarité, des luttes sociales, de l’écologie. « Et la retraite à 60 ans, alors ? » « Vous avez vu ce que les milliardaires se permettent ? » « La santé, l’éducation, tout est en train de se casser ! »
Avec eux, je ne me sens pas seul. Je ne suis pas toujours d’accord avec la LFI, surtout depuis l’attaque du député qui insulte les harkis de traîtres.

Mais quand la LFI est attaquée par le RN, je me sens proche d’eux. Je ne confonds pas la LFI avec le RN.
On est un1/3 à gauche  dans ce bistrot,  1/3  à droite et un 1/3  qui ne savent pas où ils habitent  .
On discute, on s’engueule parfois, mais on avance. Parce qu’on a une chose en commun : on ne se contente pas de râler, on veut changer les choses. Et même si on n’est pas d’accord sur tout, au moins, on réfléchit. On ne répète pas toujours ce qu’on entend à la télé. 
On parle aussi de Médiapart.  En 2008  quand je me suis abonné peu  de gens connaissaient Médiapart , aujourd'hui beaucoup reconnaissent que c’est un très bon journal, un journal qui fait du vrai journalisme d’investigation.
On a beaucoup débattu sur l’affaire Sarkozy et son incarcération.  Dès que l'on met le sujet sur Sarkozy, Pour rire on dit toujours "Sarkommence "

C’est un sujet où nous sommes tous d’accord, la justice doit passé ,  à la différence du Parti RN et de la droite LR qui s’insurgent contre sa détention. 
  Même si certains dans notre groupe , une minorité pensent que Médiapart, c’est un journal de "fouille-merde", « moi, je réponds que c’est le plus beau compliment ! »
Alors, pourquoi est-ce que je continue à venir chaque matin dans ce bistrot, alors que je sais que ça va finir en engueulade ? Parce que c’est là que je me sens vivant.

Parce que c’est là que je peux encore croire en quelque chose : la convivialité, le débat, la passion.

Même quand on ne s’entend pas, même quand on s’engueule, il y a une forme de respect.
Et puis, il y a ces moments, rares mais précieux, où on dépasse les clivages. Où un ancien rugbyman, un retraité, un jeune et un militant de la France Insoumise finissent par rire de la même blague, par partager la même indignation contre une injustice, par trinquer pour les mêmes espoirs.

Ces moments-là, c’est ça, la vraie convivialité. C’est ça, la vraie France.
Alors oui, mon bistrot, c’est mon stade, mon arène, mon ring. C’est là que je viens pour me battre, pour m’indigner, pour rire, pour vivre.

Parce qu’au fond, même si on s’engueule, même si on n’est pas d’accord, on est une famille.

Une famille dysfonctionnelle, parfois, mais une famille quand même.

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