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Ben MOUBAMBA

Docteur en philosophie (Université de Reims) ; Docteur en sciences politiques (EHESS - Paris).

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Billet de blog 22 septembre 2013

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Gabon : "Notre pays a besoin d'un nouvel ordre" / Grande interview dans LE CORRESPONDANT de Bruno Ben MOUBAMBA

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bruno Ben MOUBAMBA, Secrétaire Politique de l'UPG  : "Notre pays a besoin d'un nouvel ordre" !

NB : Interview réalisée avant les derniers développements positifs intervenus dans le parti (UPG) avec la réconciliation des deux tendances (Légaliste et Loyaliste).

Entretien réalisé par : BERNARD -KERRY

Commençons par votre engagement politique à l’UPG. Quels sont vos motivations ?

 J’ai adhéré dans ce parti en toute responsabilité, déterminé à poursuivre le combat pour l’instauration de la démocratie véritable au Gabon, et l’avènement de l’alternance au pouvoir, mené toute sa vie durant avec conviction et un sens élevé du sacrifice, par le Président Pierre Mamboundou. Il a montré la voie et nous laisse un précieux héritage que nous devons nous garder de dévoyer. A savoir, l’UPG. Ma détermination à reprendre ce combat aux côtés des autres militants trouve ses fondements dans les idéaux que nous avons en partage, proches de la Social-Démocratie, et qui fondent l’Histoire de cette grande famille politique. Aussi, je suis dans ce parti par la volonté du « Peuple » de l’UPG, admirable de courage et de loyauté envers les valeurs défendues jusqu’au sacrifice suprême par le fondateur de l’Union du Peuple Gabonais. Voyez-vous, depuis la date de sa mort, le 15 octobre 2011, les militants sont toujours là (au siège, à Awendjè), mobilisés, comme s’ils attendaient sa résurrection ! Donc, maintenant, essuyons nos larmes et retroussons nos manches pour reprendre le combat jusqu’à l’avènement d’une « nouvelle République », plus « fraternelle et solidaire », en lieu et place de cette « République violente » dans laquelle le plus grand nombre de compatriotes croupissent dans la misère.

Donc, c’est au fond la disparition brutale de son fondateur et chef historique qui vous a décidé à intégrer cette formation politique. Mais, on vous a vu à l’Union Nationale avant sa dissolution par le pouvoir. Finalement, quels sont les facteurs personnels et politiques nouveaux qui vont définitivement vous fixer à l’UPG ?

 Si vous voulez bien, puisse ce que je vais dire pousser à méditer. Voici ce qu’a dit, en visionnaire, le fondateur de l’UPG le 7 novembre 2009 à l’occasion du Congrès de l’UPNR : « Nous avons  perdu une autre bataille, mais pas la guerre. D’autres élections, non moins importantes pointent à l’horizon. […] Même si nous disparaissons, les jeunes sauront prendre la relève ». Aujourd’hui, ces mots parlent d’eux-mêmes. Mieux, Pierre Mamboundou a vivement souhaité en 2009 que nous intégrions le Parti, et venions à son école. Naturellement, nous avons demandé à intégrer l’UPG après que la Cour Constitutionnelle eût vidé le contentieux électoral consécutif à l’élection présidentielle anticipée. Pour des raisons complexes, nous avons fini à l’Union Nationale. Après notre démission de l’UN, avant sa dissolution par le pouvoir en 2011, le choix de l’UPG était inéluctable, et conforme à un engagement moral pris devant le Président du Parti. Hélas, il est malheureusement décédé au mois d’octobre. Le chemin que nous empruntons a été ouvert par lui.

Ben Moubamba et le Président Pierre Mamboundou en septembre 2009 sous l'abrisbus de la Cité de la Démocratie : Le chemin que nous empruntons a été ouvert par lui .

Votre parti est singulier au sein de notre système partisan. Jamais, il n’a tenu de Congrès. La nouvelle loi sur les Partis politiques exige de tenir un Congrès à échéance régulière pour bénéficier de la subvention annuelle de fonctionnement allouée par l’Etat. A quand le premier Congrès ordinaire, ou extraordinaire de l’UPG, pour se conformer aux directives du gouvernement ?  

L’Union du Peuple Gabonais  a été créé en 1989 dans un contexte de fin d’un monde bipolaire (fin de la Guerre froide, début de la libéralisation politique en Afrique, révolutions de velours à l’Est de l’Europe …) Aussi, le contexte gabonais de l’époque (résistances d’un parti unique à l’agonie) est une réalité qui n’a point favorisé la tenue d’un Congrès constitutif de notre parti. De fait, il faut donc remettre les choses dans ce contexte particulier et historique, pour comprendre les raisons pour lesquelles l’UPG n’a pas organisé un Congrès dès le départ. Maintenant, ce qui importe c’est de mettre les choses en perspectives. Depuis le mois de mai 2013, le Conseil du Secrétariat Exécutif de l’UPG se réunit à son siège de Libreville, et s’y attèle. L’objectif affiché et assumé est de revoir les Statuts et Règlements intérieurs du Parti, en vue de les soumettre à une Convention Nationale, précédant le futur Congrès prévu, en principe, avant les futures élections locales.

Les prochains scrutins électoraux devraient être animés par une direction profondément renouvelée en vue de sa modernisation. Et ce, dans l’intérêt des militants, voire du Gabon tout entier. A ce propos, chaque article des Statuts ou du Règlement intérieur est discuté dans un esprit de démocratie interne. Les débats avancent méticuleusement.

Le Congrès tant attendu va se tenir enfin. Dans quel état d’esprit l’envisagez-vous ?

Ce premier Congrès sera tout aussi historique, que la création de l’UPG. Il n’ y aura pas de liquidation du Parti, encore moins de règlement de comptes. Notre parti doit garder à l’esprit, que cette famille politique a été créée dans un esprit de rassemblement de la nation, pour exercer démocratiquement le pouvoir politique à l’échelle locale et surtout nationale.

Notre démocratie ne saurait être crédible sans l’existence d’une opposition, forte et organisée. Celle-ci ne peut davantage être  audible qu’en se réformant aussi. L’UPG s’y engage, soucieuse de préserver certaines traditions propres à notre organisation et qui fondent son identité pérenne. En effet, il y a de fortes attentes autour de l’UPG pour libérer les énergies et le potentiel économique du Gabon. Nous devons tenir compte de la nouvelle donne géopolitique internationale, tirer avantage de la révolution des moyens de communication, qui nous obligent à intégrer le facteur « gestion du temps » dans les logiciels de fonctionnement de notre Parti. Au-delà, il est nécessaire que l’UPG se renouvelle. Car, nous faisons face à un véritable ogre politique, le parti au pouvoir, avec toutes ses ramifications dans l’appareil d’Etat. Notre Parti a besoin de nouvelles énergies, autant que de toutes ses forces vives pour proposer une alternative crédible  au pouvoir, capable de répondre techniquement aux nombreux défis de développement qui se posent au Gabon, et préparer une véritable ère de progrès économique et de prospérité partagée avec les Gabonais.

Le renouveau que vous esquissez, donc l’UPG refondée revendiquée par vos militants, l’entrevoyez-vous comme le pivot solide de ce qui peut redevenir une opposition enfin réformatrice et davantage imaginative dans le pays ?

Nous n’avons pas à stigmatiser l’opposition seule. Car, au fond, c’est toute la société gabonaise qui a besoin de renouveau et de repères historiques, culturels et identitaires. Je me suis permis de parler en 2009 de la nécessité d’une « Révolution Ethique » au Gabon. Certes, vous parlez d’ « opposition enfin réformatrice et plus imaginative », mais c’est toute notre culture qui a besoin d’être revivifiée, voire l’ensemble de nos valeurs. Il faut que des personnes saines d’esprit s’engagent à servir la communauté nationale à travers la politique comme dans d’autres secteurs. Il ne suffit pas de juger les acteurs politiques pour ce qu’ils font ou ne font pas, il est temps que chaque citoyen développe une éthique individuelle pour qu’émerge dans notre pays, un environnement de plus en plus sain et propice à l’effort partagé au travail. Au sein de la République, nous voyons les salles de classe dans lesquels nos enfants s’entassent. C’est regrettable. Il y a de quoi se dire que tout ceci est invraisemblable, alors que l’Etat a les moyens d’offrir une éducation gratuite et sans exclusive à la jeunesse.

Ben Moubamba et le Président Pierre Mamboundou en septembre 2009 sous l'abrisbus de la Cité de la Démocratie : Le chemin que nous empruntons a été ouvert par lui .

Le Congrès à venir sera-t-il celui de la réconciliation entre les deux tendances légalistes et loyalistes qui se disputent le contrôle du Parti ?

Lors du prochain Congrès de l’UPG, l’ensemble des militants seront rassemblés dans l’unité et la concorde véritable. Nous voulons montrer à l’opinion que nonobstant les épreuves difficiles traversées par le Parti, celui-ci survit à la disparition de son chef historique. Le « légalisme » et le « loyalisme » sont deux positions politiques qui sont apparues quelques temps après la mort du président. La position légaliste a considéré que Pierre Mamboundou aurait conduit le Parti, en dépit de tout, à la participation aux élections législatives de décembre 2011 ; et la position « loyaliste » a considéré  que la mort de l’opposant historique devrait conduire l’UPG à la non-participation du Parti au scrutin législatif prévu en décembre 2011.

Ce débat doit être dépassé. Dans toutes les familles politiques qui vivent des moments aussi complexes que la mort d’un leader charismatique, la tendance est à certaines difficultés pendant un certain laps de temps. Pour résoudre le problème que vous évoquez, l’UPG a mis en place une Commission de conciliation qui a travaillé de telle sorte que l’on parvienne à une réconciliation manifeste. Le choc des ambitions est une chose normale et légitime, l’UPG n’échappe pas à une règle millénaire. Toutefois, tous les upégistes connaissent le prix que cette œuvre politique a payé pour exister. A la lumière des errances des autres structures politiques qui n’ont pas survécu à la mort du leader naturel, l’Union du Peuple Gabonais devrait faire mentir la plupart des commentateurs  qui ont pronostiqué la disparition du rêve de Pierre Mamboundou en même temps que son corps physique.

Il y a beaucoup de talents dans l’Union du Peuple Gabonais et je m’incline devant autant de valeurs à l’intérieur de notre famille politique. Les upégistes se sont battus au milieu de mille difficultés et tout le monde a raison. Simplement, il faut toujours se parler, se respecter et ne pas se priver de tous les apports qui viennent pour rehausser l’œuvre commune. L’UPG est un véritable parti de gouvernement qui est prêt à proposer son expertise à la Nation. Gageons que c’est ce qui va arriver en dépit des petites querelles propres aux organisations réellement démocratiques.

Revenons – en à vous. Comment s’est passé votre  intégration au sein de l’UPG et quel rôle politique y jouez-vous, bien qu’étant un noviciat de la politique active au Gabon ?

J’ai été bien accueilli. Mon intégration s’est bien passée.  J’ai été promu début 2013 dans l’appareil du Parti par le Conseil du Secrétariat Exécutif. J’y occupe le poste de Secrétaire politique, Chargé de la Communication, de l’Economie numérique et des relations avec les Institutions constitutionnelles. Le choix fait par l’actuel Secrétaire Exécutif de l’UPG, Mathieu Mboumba Nziengui, de me nommer comme Secrétaire politique, doté d’importantes attributions et méritoire. Il s’agit d’une grande marque de confiance placée en ma modeste personne. Il est aussi exact que sur le plan de la communication et de l’Economie numérique, j’ai une certaine expérience en la matière. Quant au portefeuille des relations avec les institutions constitutionnelles, il se justifie peut-être par quelques expériences acquises au niveau international et qui pourraient être utiles à notre organisation. J’ai été entre autre, décoré en France de la Médaille d’Or de l’Etoile Européenne du Dévouement Civil et Militaire,  et de la Médaille d’Or de la Ligue Universelle du Bien Public. Pour l’avenir, l’enjeu consiste à capitaliser ce vécu au profit du Parti.

Vous avez en 2009, d’abord été candidat en lice pour l’élection présidentielle anticipée, avant de battre en retraite. Quel jugement portez-vous, à grands traits au plan politique et économique, concernant la modernisation de l’Etat, sur les trois années de pouvoir d’Ali Bongo ?

Aux présidentielles d’août 2009 vous dites que j’ai battu en retraite, franchement c’est inexact ! Je suis arrivé officiellement en sixième position sur dix-huit candidats environ. Ce, sans avoir fait le tour du Gabon. Ce n’est pas si mal ! Oui, pour des raisons privées, il a fallu repartir en France tout en participant à la vie politique gabonaise de loin. Dans notre pays, il n’y a pas eu de progrès démocratique, garanti par un pouvoir du pluralisme du pouvoir indispensable à l’équilibre supérieur de celui-ci. Pour preuve, l’Assemblée Nationale est monocolore. C’est intolérable. Maintenant, Ali Bongo a eu la possibilité de mettre en pratique  son projet politique, articulé autour du tryptique « Gabon vert », « Gabon des services » et « Gabon industriel » en vue d’une économie émergente et diversifiée. Le concept n’est pas mauvais en soi. Surtout que l’Afrique Centrale, ou plus généralement le Golfe de Guinée, est la prochaine zone émergente en Afrique. Pour autant, la difficulté majeure à mi-mandat de son septennat tient en vérité au fait que son ambition de doter le pays d’infrastructures socio-économique est confrontée à une réalité cruelle. Le renouvellement ou le bitumage des axes routiers ne signifie pas que le pouvoir a construit de nouvelles routes à travers le pays. La croissance économique tant vantée n’est pas palpable, les dividendes du progrès ne sont pas visibles dans de nombreuses familles. La mise en œuvre de son Projet n’engendre pas jusqu’ici une évolution progressive de la société vers plus de prospérité générale. On n’observe pas un « enrichissement » des Gabonais porté par une réelle économie mixte soumise à des normes indiscutables. Ne pas le reconnaitre et adapter nos institutions à la réalité d’un « capitalisme d’Etat » compatible avec la social-démocratie promue par l’UPG, priverait le Gabon d’une partie importante des bénéfices de la « globalisations des marchés » et des progrès technologiques.

L'ombre tutélaire du Président Pierre MAMBOUNDOU  plane sur l'Union du Peuple Gabonais

Pour la conduite de l’économie et le développement social, que proposeriez-vous alors ?

L’introduction des « forces du marché » gabonaises (entre autre) dans des services comme le « chemin de fer » de type communautaire, incitera forcément les responsables de la gestion et les travailleurs du pays à réduire les coûts, à améliorer la qualité des services et à proposer de nouveaux produits qui développent les marchés dans l’intérêt de notre peuple.  Ce qui se passe depuis 4 ans ne répond pas aux questions de fond : avons-nous la possibilité de promouvoir une semi-privatisation de certains secteurs publics au Gabon appuyée en partie par une classe d’affaires gabonaise ? En principe et contrairement à ce qui s’est produit dans l’affaire de la Société d’Eau et d’Energie du Gabon (SEEG), la réduction des tarifs et l’amélioration de la qualité de la prestation sont les conséquences immédiates d’une privatisation même partielle. Certes, certaines « nationalisations » résultent de la défaillance du secteur privé (on en est pas là au Gabon), d’autres secteurs d’activités économiques se structurent dès le départ autour d’entreprises privées fortes. Dès lors, il convient parfois de s’interroger sur la légitimité et l’efficacité de certains de nos services publics. En tout cas, l’émergence à la gabonaise est plutôt difficile à réaliser.   

La démocratie a encore rendez-vous dans le pays. Des élections locales sont prévues au mois de novembre selon la Cour constitutionnelle. Pensez-vous encore possible l’opération de biométrisation de ce processus électoral fondé sur l’identification et l’enrôlement des électeurs ?

Le débat au Gabon sur « pas de Législatives sans biométrie » de 2011 a plus ou moins affaibli la portée historique de la Loi sur la biométrie. S’agissant de ce débat, les Gabonais ne doivent pas suivre cette distraction politique. Pour nous, la loi sur la Biométrie pose 3 questions fondamentales :

Est-ce que ceux qui se battent pour imposer la Biométrie peuvent nous dire si le problème du Fichier de Naissance des Gabonais a été déjà résolu dans le pays ? Je m’explique : pourquoi la maternité de Lambaréné par exemple n’est pas reliée par informatique à la Mairie Centrale de cette ville ? Si on informatise toutes les naissances au Gabon, le médecin qui fait l’accouchement n’aurait qu’à rentrer les informations sur l’enfant qui vient de naître dans un ordinateur. On saurait immédiatement tout sur cet enfant au lieu de laisser passer des jours et des jours jusqu’à ce que les parents aient le temps de passer à la Mairie, s’ils ont le courage de faire des démarches épuisantes trop longtemps après la naissance d’un bébé sur notre territoire.

L’opposition doit aller plus loin que la simple Biométrie à caractère électorale, il faut protéger la Nationalité Gabonaise. Si le problème du Fichier de Naissance n’est pas résolu, tous les faux papiers du Gabon vont être introduits dans le fichier biométrique. On le voit, le Gouvernement régularise les sans-papiers à outrance, et demain ils pourraient prendre part aux opérations de vote. Tôt ou tard, l’opposition pourrait payer ce silence complice. Il faut d’urgence ouvrir le débat sur le Fichier des Naissances.

Derrière les grands travaux, la bataille de l’Emploi est un autre challenge important du gouvernement. Mais, il reste que le taux de chômage atteint les 20% de la population active. Celui des jeunes de 16 à 35 ans oscille autour de 30%. Dans un pays comme le nôtre, est-ce que vous diriez que contre le chômage, on a tout essayé ?

Pour nous, l’erreur des autorités gabonaises est de se comporter comme des étatistes keynésiens qui promettent de redistribuer à l’aune de l’émergence économique du Gabon, alors qu’ils se comportent comme des anti-keynésiens véritables, peu soucieux de la primauté économique de l’Etat gabonais. Elles doivent choisir entre l’efficacité de l’Etat, via une politique de relance économique permanente, ou alors « le monétarisme » sans scrupules, du fait de l’importance primordiale donnée à la préservation sans la transparence de la valeur de l’argent. Avec l’argent, on ne peut pas faire du Keynes et du Friedman en même temps. Alors, l’objectif de plein emploi ne doit pas être abandonné. Or, pour le gouvernement, tant que des rigidités perdurent, rigidités qu’elles entretiennent pourtant, notamment par une inefficace bureaucratie, toute politique généreuse envers les populations serait inefficace, et donc impossible. On nous fait croire qu’en une cinquantaine d’années d’indépendance, le Gabon a développé les mêmes rigidités qu’en France par exemple. Pour un pays d’un peu plus d’un million d’habitants, ce n’est pas juste de se figer dans cette logique. Bâtir une République généreuse, avec un budget de l’Etat garantissant la redistribution des richesses ne ferait pas courir au pays des risques énormes d’une inflation terrible, sans aucun effet durable et réel sur la croissance, et donc l’emploi en définitive. Au contraire, il faut aller plus loin, en stimulant la demande et en agissant sur l’investissement. Il faut une pleine utilisation des capacités et des aptitudes de chaque gabonais.

Parmi les questions sociales qui portent un coup à l’équilibre même de la nation, figure la vie chère. Des initiatives tendant à baisser les prix des denrées alimentaires ont été pris par le pouvoir. Pourtant, le coût de la vie reste très élevé …

Au Gabon, après l’échec de l’Etat-Providence créé par les booms pétroliers, l’inflation est devenue l’ennemi public no 1. On a voulu faire comme en Occident (mais sans aucun discernement) une politique de désinflation et cela continue sous différents gouvernements depuis la libéralisation politique des années 90. Or, la désinflation si elle n’est pas compétitive ne sert à rien. Qui sont ceux qui sont en compétition avec le Gabon pour bloquer le bien-être des Gabonais au nom de la désinflation ? Le but visé par la politique de désinflation est, en principe, de prendre des parts de marché à nos principaux concurrents. Le Gabon, pays des « monopoles économiques » en matière d’entreprises « public-privé » n’a pas de concurrents qui qui justifieraient la souffrance sociale des populations. Quand le gouvernement gabonais dit « nous ne ferons pas ceci ou cela pour ne pas provoquer d’inflation au Gabon », il répète comme un perroquet un savoir livresque  sans lien avec ce que vivent les Gabonais. Des gouvernants rompus à la gestion de la chose publique et à la réalité économique, auraient pu savoir qu’avec leur désinflation à la gabonaise, si le raisonnement politique était juste, les prix des produits gabonais baissant (ou, plus exactement, augmentant moins vite que ceux de pays concurrents, inexistants de toutes les façons, ceux-ci devraient mieux se vendre.

Nous avons dit dès le départ (fin 2011 / début 2012) que l'unité de l'UPG serait préservée et que le rêve ne peut pas mourir : le rêve ne doit pas mourir !

La sécurité des Gabonais est un préalable à l’intégration. Plus que jamais, celle-ci est mise à mal par l’ampleur des crimes rituels et politiques. Que faire ?

Les corps mutilés et retrouvés sans vie ces derniers temps provoquent une grande indignation. La poursuite des découvertes macabres dans notre pays, malgré les marches du 11 mai 2013, démontre que le problème des crimes sacrificiels dits rituels, a atteint des proportions qu’une simple indignation publique et des actions de police ou de justice ordinaires ne sauraient éliminer. Les crimes sacrificiels dits rituels sont un fléau qu’on ne peut résoudre que dans une action d’envergure nationale, en l’occurrence en promulguant une Loi qui puisse sévir sévèrement, et garantir la sécurité des citoyens actuellement abandonnés à eux-mêmes en la matière. Il faut introduire dans le Code Pénal, de nouvelles dispositions et adapter notre droit sur cette question pour rendre imprescriptibles ces crimes.

A l’évidence, la responsabilité des élites gabonaises est gravement engagée dans ces drames orchestrés. Et l’opinion, elle, appelle les sanctions à juste titre. Pour exercer un effet dissuasif sur les criminels sans doute. Notre pays a besoin d’un nouvel ordre qui tienne compte de ces données.

L’éducation nationale est le domaine de prédilection des politiques de solidarité dans un pays tourné vers l’émergence. On vous a vu aux côtés des jeunes élèves en grève de la faim à sainte Marie pour protester contre la décision du ministre de l’Education nationale de les priver de participation à l’examen du Bac 2013. Quels enseignements tirez-vous après le dénouement de cette crise ?

L’UPG a commencé à s’intéresser au dossier des Exclus du BAC 2013 dès le mois d’avril. En effet, je suis allé à Sainte-Marie en accord avec mon parti, en ma qualité de Secrétaire Politique de l’Union du Peuple Gabonais, pour protester contre les discriminations à l’école. Notre parti a tenu à exprimer à ces enfants toute notre solidarité dans ce combat en faveur de l’école pour tous au sein de la République. A titre personnel aussi, j’ai été particulièrement sensible à cette affaire, en raison de mon expérience pratique des souffrances insupportables endurées en milieu scolaire dans le pays, comme ancien acteur humanitaire dans des écoles catholiques du Gabon. Il s’est agi d’apporter une assistance humanitaire à ces élèves de classes de terminales privés de passer cet examen par une décision du Ministre de l’Education nationale sous prétexte de fraude ou d’inscription irrégulières. Il en a rétrogradé certains, d’autres ont été exclus. Ce ne sont pas des choses que l’on devait faire au 3e trimestre, mais au 1er trimestre certainement. Notre engagement a été déterminant pour que l’opinion nationale et internationale se saisissent de ce problème. Une Commission Spéciale pour régler le problème a finalement été mise en place, présidée par M. Mboumbou-Miyakou. Ces « exclus » ont eu gain de cause, et ont tous été remis dans le circuit scolaire à la suite de l’arbitrage du président de la République. A ce propos, on doit juste regretter que le parti au pouvoir ait cherché à tirer avantage d’un problème qu’il avait lui-même créé par un de ses éminents représentants au Gouvernement.

La réconciliation de l'UPG le 10 août 2013 à Libreville

L’Afrique est l’hôte du président des Etats-Unis d’Amérique. Barack Obama se rend, entre autres, à son tour à Dakar, après le président français, François Hollande. Quel symbolique revêt ce long visage ?

L’Afrique Centrale a été ignorée par le Président américain, Barack Obama. Et ce n’est pas un détail. Cela signifie, en revanche, que dans notre zone économique et monétaire, l’intégration sous-régionale devrait d’abord viser l’intégration économique et politique, à la fois pour promouvoir en priorité la démocratie, dont le bon fonctionnement présuppose la liberté d’expression, la liberté de réunion, des élections libres et l’Etat de droit puis, ensuite, le développement socio-économique de la région, pour faire face de manière plus efficace aux défis de la mondialisation. L’Afrique centrale est située dans la zone géographique du Golf de Guinée. De par les ressources dont regorge cette zone, une politique d’intégration politique et économique harmonieuse devrait lui permettre de devenir une zone émergente de premier plan pour les quinze prochaines années. De fait, les USA ne peuvent ignorer cette partie du monde. On doit donc y faire évoluer la gouvernance.    

(A lire dans tous les kiosques du Gabon)

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