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Billet de blog 26 octobre 2025

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Hommage et humanité

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Je souhaitais partager ce texte , un texte d'un ami .......

En partage 

Mon père s’est éteint à 96 ans.

Il était né en Espagne, mais c’est en France qu’il a grandi, qu’il a aimé, qu’il a servi. Il n’avait que deux ans quand il a traversé la frontière dans les bras de ses parents, fuyant la misère.

Il est devenu Français, de cœur et de devoir : service militaire accompli, trente années au service de la fonction publique territoriale, à rendre son village plus beau, sa commune plus humaine.

Et pourtant, toute sa vie, il a porté en lui une blessure discrète, presque imperceptible.

Une trace invisible laissée par des mots, des gestes, des regards : ceux qui rappellent, même après des décennies, qu’on n’est jamais "tout à fait d’ici".

Ce sentiment d’infériorité glisse sous la peau et s’y installe comme une ombre. Il est le fruit amer du rejet, de cette peur ancestrale de l’étranger, celui du pays d’à côté, du quartier voisin, parfois même du village d’en face.

Mais le rejet, quel qu’il soit, est un acte d’inhumanité.

Il abîme celui qui le subit autant que celui qui le commet.

Car nier l’autre, c’est nier l’humanité en soi.

L’histoire de France est traversée par ces vagues de méfiance et de peur.

Les Italiens, traités d’"envahisseurs" au début du XXᵉ siècle.

Les Polonais, relégués dans les mines du Nord, accusés d’être "inassimilables".

Les Espagnols, parqués dans des camps en 1939 après avoir fui Franco.

Les Portugais, logés dans des baraquements précaires dans les années 60.

Et aujourd’hui, ce sont d’autres visages, d’autres accents, qui cristallisent les mêmes peurs : les Maghrébins, les Africains, les réfugiés.

Toujours les mêmes discours, les mêmes mensonges : "ils sont trop nombreux", "ils ne s’intègrent pas", "ils prennent notre travail".

Et toujours la même réalité : c’est grâce à eux que le pays se relève, se construit, s’enrichit.

Grâce à eux, nos villes grandissent, nos hôpitaux tournent, nos écoles vivent, nos cuisines s’ouvrent au monde.

L’extrême droite, depuis la nuit des temps, joue sur la peur.

Elle promet la pureté et engendre la division.

Elle flatte le côté le plus sombre de l’homme, celui qui préfère accuser plutôt que comprendre.

Mais aucune nation ne s’est jamais sauvée en rejetant.

Les plus grandes victoires de l’humanité sont toujours nées de l’union : la Résistance, l’Europe, la Déclaration des droits de l’homme...

Mon père n’a jamais cessé d’aimer ce pays.

Et moi, à travers lui, je veux dire ceci :

Rejeter l’autre, c’est rejeter une part de soi.

Accueillir, comprendre, c’est faire grandir l’humanité.

C’est bâtir ce que lui, humblement, a passé sa vie à construire : un monde un peu plus fraternel.

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