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Billet de blog 20 juillet 2022

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Les possibles bienfaits de l'architecture face aux canicules

Comment une meilleure connaissance de nos maisons et nos jardins peut-elle nous aider à affronter les prochaines canicules?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cet été encore, comme pendant toute période de canicule, nous avons été submergés de conseils tels que : « restez au frais », « buvez beaucoup d’eau », etc. Nous avons cherché en vain des recommandations concernant le bon usage de notre environnement immédiat et quotidien, pour nous protéger efficacement et durablement de la chaleur. Pour agir avec efficacité, il nous aurait fallu comprendre comment nos maisons et leurs abords se comportent en temps de grande chaleur, et par quels moyens simples nous pouvons ralentir voir contenir leur réchauffement.

Traditionnellement, des techniques intégrées aux maisons permettaient de lutter contre la canicule. Mais ces techniques ont été oubliées, et il faut désormais faire un effort pour en retrouver le sens, qui coïncide souvent aussi avec un sens de l‘économie. En effet, il n’y a pas de nécessité de faire appel à des climatisations coûteuses, fragiles et consommatrices d’énergie, et qui par ailleurs contribuent à leur tour à réchauffer la planète. Depuis l’antiquité, particulièrement dans les régions chaudes, les humains ont appris à se protéger de la chaleur par leurs maisons, leurs cours et leurs jardins. Ces techniques ancestrales, déclinées un peu partout, y compris dans nos régions, s’appuient en particulier sur :

- l’inertie thermique des bâtiments et des aménagements proches,

- l’ombrage et la réduction des apports solaires,

- le rafraîchissement de l’air qui entre dans la maison.

VALORISER L’INERTIE THERMIQUE. Tout le monde est passé un soir à la fraîche devant un mur chauffé toute une journée par le soleil : en restituant la chaleur qu’il a emmagasinée, ce mur nous permet de continuer à profiter de la journée chaude même lorsque la fraîcheur de la nuit arrive. Cette inertie fonctionne aussi dans l’autre sens : pour garder le frais. Une fraîcheur agréable remonte de la cave quand nous en ouvrons la porte un jour de forte chaleur. S’ils ne sont pas exposés en plein soleil, des masses de terre ou de roche, des murs en brique, en pierre ou en terre, peuvent demeurer frais pendant longtemps. Dans la plupart des maisons anciennes édifiées avec des murs massifs, nous pouvons profiter de cette inertie en cas de canicule. Mais attention : isoler par l’intérieur ce type de murs peut nous faire perdre cet avantage. Les maisons récentes ont généralement été conçues et construites sans prendre en compte l’inertie thermique. Or même dans de telles maisons, cette inertie peut être augmentée. Parfois il suffit de petits changements, ou tout simplement en prenant conscience de l’inertie thermique d’éléments existants tels un sous-sol et une dalle de rez-de-chaussée en béton, à condition que ces parties de la maison ne soient pas exposées au soleil. Des murs à forte inertie peuvent être ajoutés à l’intérieur, par exemple au pourtour d’une salle de bain ou d’un escalier. Un poêle en faïence, chauffage traditionnel des Vosges et d’autres régions de montagne, peut par sa masse thermiquement inerte contribuer en été au maintien de le fraîcheur de la maison.

CRÉER DE L’OMBRAGE. Des maisons orientées plein sud permettent, dans nos latitudes, de bien profiter de l‘ensoleillement en hiver : le soleil pénètre loin à l’intérieur des pièces et les réchauffe. En saison chaude par contre, cette orientation peut favoriser une surchauffe, et donc se transformer en défaut. Les maisons traditionnelles étaient parvenues à intégrer les différences saisonnières, en profitant des apports solaires en saison froide tout en réduisant ces apports en saison chaude. Ainsi des fenêtres et des portes étaient inventées qui, par leur position en retrait et par leur forme tenaient compte d’une position plus élevée du soleil en été, et parvenaient à empêcher au moins pour partie la pénétration des rayons solaires à l’intérieur de la maison. Si cela ne suffisait pas on ajoutait des volets, en veillant à ce que l’air chaud accumulé entre volet et fenêtre puisse s’échapper vers l’extérieur, ce qui explique les nombreux volets anciens dotés dans leur partie supérieure de persiennes. Des glycines, vignes et arbres apportaient également de l’ombrage sur les façades.

FAIRE ENTRER DANS LA MAISON UN AIR RAFRAÎCHI. Une troisième technique encore largement connue, consiste à profiter de la fraîcheur de la nuit pour renouveler l’air dans la maison. Plus largement il s’agit de faire de sorte que la température de l’air qui arrive dans nos intérieurs soit préalablement baissée : par le passage par une cave, par une zone ombragée, un espace planté d’arbres et d’autres végétaux, ou encore par l’effet d’évaporation de l’eau à la surface d’un bassin, d’une fontaine ou d’un espace extérieur proche récemment arrosée.

Ces savoirs et savoir-faire ont été mis en œuvre dans les maisons de nos anciens, avec souvent l’apport de nombreuses générations qui n’ont cessé de les perfectionner. Il y a quelques décennies, cependant, ces techniques ont été de plus en plus négligées puis pour partie oubliées, au profit de solutions considérées comme plus modernes, mais qui s’avèrent gourmandes en énergie et d’une efficacité limitée.

MIEUX CONNAÎTRE ET AMÉLIORER PAS À PAS NOS MAISONS. Face à l’augmentation de la fréquence, de la durée et de l’ampleur des canicules il semble indispensable et urgent de renouer avec ces techniques simples et peu coûteuses, en espérant parvenir ainsi à améliorer nos habitations un peu partout, y compris pour des constructions récentes. Avant d’intervenir sur nos maisons, il faut avoir décelé non seulement les actions qui sont les plus efficaces, mais surtout les erreurs possibles. Une bonne isolation thermique, notamment des toitures et des ouvertures, est fortement recommandée pour diminuer les pertes de chaleur en hiver. Mais la pose d’une isolation thermique sur l'intérieur des murs peut, face à une canicule, s’avérer très discutable. Comme déjà indiqué précédemment, sa mise en œuvre irréfléchie peut nous priver des effets bénéfiques de l’inertie thermique des murs épais. Nous devons réapprendre à observer, à évaluer et à mieux connaître nos maisons lors de leur traversée des saisons. Puis nous devons réapprendre à les ajuster, de manière à tirer le meilleur profit de leurs architectures et de leurs situations, en canicule aussi bien que par grand froid. Bien informée puis bien conçue, toute intervention même très modeste sur nos maisons, leurs espaces intérieurs, leurs façades, leur toiture, leurs équipements, leurs espaces extérieurs, peut augmenter leurs capacités de nous protéger.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.