Catherine Dessus

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Billet de blog 2 août 2013

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La transition énergétique selon Proglio

Le journal Le Monde s’est fait écho le 31 juillet dernier de propos tenus par le président d’EDF, M Proglio, au sujet du respect de l’engagement du candidat François Hollande de réduire la part du nucléaire à 50% de la demande d’électricité française en 2025 : « Le parc nucléaire complété de l’EPR de Flamanville, dit-il, ne couvrira que la moitié des besoins ».

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le journal Le Monde s’est fait écho le 31 juillet dernier de propos tenus par le président d’EDF, M Proglio, au sujet du respect de l’engagement du candidat François Hollande de réduire la part du nucléaire à 50% de la demande d’électricité française en 2025 : « Le parc nucléaire complété de l’EPR de Flamanville, dit-il, ne couvrira que la moitié des besoins ».

Admettons un instant cette prévision, tout aussi irréaliste qu’elle soit, et posons-nous la question de savoir comment produire la deuxième moitié de cette électricité dont nous aurions impérieusement besoin à cet horizon. 

Le  parc nucléaire actuel représente une puissance de 63,5 GW de puissance, il a fonctionné à 75% de sa pleine capacité et a fourni en 2012 405 TWh. Si on y ajoute Flamanville, mais qu’on en retranche éventuellement Fessenheim 1 et 2, comme le candidat Hollande s’y est également engagé, la puissance du parc passera à 63,2 GW. Avec le taux de charge que promet EDF pour les années à venir (80%), le parc de 2025 devrait produire de l’ordre de 430 TWh.

Si, en 2025, le nucléaire ne fournit plus que 50% de la demande française, il s’en suit que 430 autres TWh devront être fournis par des énergies renouvelables ou fossiles.

Comment donc produire ces 430 TWh à trouver à cette date ? 

Les renouvelables ?

Pour nous faire une idée, regardons ce que proposent les deux scénarios présentés par Négawatt et Global Chance au cours du débat sur la transition énergétique, tous deux très favorables aux énergies renouvelables, comme production d’électricité renouvelable en 2025. Ils ont servi de repoussoirs à EDF et au Medef tant leurs projections de production d’électricité renouvelable leur paraissaient irréalistes, dangereuses et antiéconomiques.

Le premier projette en 2025 une production de 180 TWh d’électricité renouvelable, le second, encore plus ambitieux, projette une production de 200 TWh d’électricité renouvelable.

On n’imagine pas que le président d’EDF envisage un instant de dépasser ces extrémités redoutables !

Les fossiles ?

Imaginons cependant que M. Proglio fasse sienne cette stratégie. Il resterait encore à trouver entre 220 et 240 TWh de production électrique à partir d’énergies fossiles.

Même en admettant que cette électricité soit produite avec du gaz naturel dans des Cycles combinés à gaz naturel de très bon rendement (60%) (au prix d’un quasi doublement de nos importations de gaz), les émissions de CO2 induites atteindraient alors 75 à 80 Mt, deux fois plus qu’en 2012.

Et vu la chute des prix internationaux du charbon, il est bien plus probable que les centrales effectivement mises en route soient en fait des centrales à charbon dont les émissions sont encore plus de deux fois plus élevées.

D’où une petite phrase de son interview qui indique que « c’est le manque de ressources pour satisfaire la demande d’électricité qui est le véritable enjeu de la transition énergétique ».

Puisqu’il n’est pas question pour M. Proglio d’imaginer une modération de la croissance, encore moins une stabilisation ou une décroissance des besoins d’électricité, pour lui la transition ne concerne que l’offre d’électricité.

Ne nous étonnons donc pas si très bientôt Mr Proglio vient nous dire qu’il est impératif de nous lancer dans l’exploitation des gaz de schiste en France pour éviter tout déficit supplémentaire de la balance française et tout recours au charbon importé. Il omettra bien entendu de signaler que la production de gaz de schiste est elle-même source d’émissions de méthane importantes qui remettent en cause la pertinence de son emploi…

Et tout cela parce que François Hollande, quand il parlait de 50% de nucléaire en 2025 dans sa campagne électorale, n’a jamais voulu citer la quantité totale d’électricité à laquelle s’appliquerait ce fameux 50%!

Et ce n'est pourtant pas faute d’avoir été interpellé sur ce point, comme le montre une tribune parue dans Politis fin 2011 (L’entourloupe nucléaire de Hollande, B. Dessus, Politis n°1170, 29/09/11)…

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