Pour un citoyen ordinaire, la lecture des quotidiens de ces dernières semaines est à la fois source d’admiration et d’interrogation profonde. Comment ne pas trembler devant le tableau titanesque que nous brossent fin décembre, à l’occasion de la conférence de Lima, les experts, les medias et notre président : ils nous convainquent aisément des catastrophes climatiques qui nous attendent si nous ne changeons pas très vite nos comportements.
Comment ne pas tomber d’accord avec leurs objurgations sur la nécessité de réduire de façon drastique notre recours aux énergies fossiles responsables d’une bonne part du réchauffement redouté !
Comment ne pas plébisciter les propos de François Hollande le 5 janvier à France Inter dernier et sa volonté d’exemplarité de la France en termes de changement climatique ?
Mais alors, quelques jours plus tard, comment réagir devant le discours omniprésent sur les bienfaits économiques et politiques de la chute du pétrole pour l’ensemble des pays occidentaux ?
Le Monde met en première de couverture de son édition Eco et entreprise du 7 janvier, « Pétrole : la chute s’accélère » avec en sous titre « Le grand retour du rêve automobile américain » et semble se réjouir du fait que les ventes de pick-up et de SUV, les 4x4 urbains (dont on connaît pourtant bien la forte consommation de carburant) croissent deux fois plus vite que celles des berlines traditionnelles…
On apprend aussi dans l’édition du 6 janvier du même Monde sous le titre « Requiem pour un train » qu’en France le train val mal, que le TGV est dépassé, la SNCF surendettée et bien incapable de se redresser, que la France ferait bien d’imiter les Etats-Unis qui ont complètement délaissé le train pour leurs déplacements sur longue distance…
Nos élus, nos « experts » en économie, se répandent en propos rassurants : grâce à la chute des prix du pétrole, la croissance va revenir toute seule, avec ses bienfaits sur l’emploi, sur les exportations, sur la dette, voire même sur la réduction des inégalités (la réduction du prix à la pompe du carburant), même si quelques esprits chagrins s’inquiètent des 4 centimes de taxes supplémentaires sur le diésel qui viennent atténuer la fête des prix.
Pas un mot, ni de ces mêmes experts , ni des pouvoirs publics , pour signaler les conséquences d’un rebond de croissance qui s’appuierait sur la relance de consommation de pétrole, l’abandon du train à son triste sort, le tout voiture, etc., sur les émissions de CO2.
Pas un mot pour dire que la détente financière qu’en tirera la France pourrait être affectée, en partie tout au moins, à la transition énergétique pourtant affichée comme la priorité des priorités.
Deux discours totalement antinomiques menés en parallèle, sans que la moindre liaison et encore moins la moindre contradiction entre eux ne soit soulevée par leurs auteurs…
Même si ce constat d’une bipolarité assumée pourrait sans doute bien s’étendre à d’autres domaines de l’action gouvernementale, il apparaît comme particulièrement choquant, au moment où François Hollande décide de faire de l’année 2015 celle de sa conversion écologique.