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Billet de blog 5 octobre 2020

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N’oublions pas le Haut-Karabagh!

On trouve sur une butte, non loin d’une route au nord-ouest de Stepanakert (capitale du Haut-Karabagh), une grande sculpture connue sous le nom de "Nous sommes nos montagnes", le nom de cette œuvre imposante résonne dramatiquement aujourd’hui alors qu’une guerre s’est déclarée aux portes de l’Europe.

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On trouve sur une butte, à quelques centaines de mètres d’une route au nord-ouest de Stepanakert (capitale du Haut-Karabagh), une grande sculpture. Elle représente un couple de paysans aux coiffes traditionnelles, Papik et Dalik (papi et mamie, en arménien oriental). L’œuvre n’affiche que les bustes et têtes de ces derniers. Réalisée en 1967 par l’artiste Sarkis Baghdassarian, on la connait sous le nom Nous sommes nos montagnes. Il est d’ailleurs traditionnellement raconté que lorsqu’un représentant soviétique de Bakou vint demander – en 1968 à l’inauguration du monument – au sculpteur s’il ne manquait pas des jambes au couple campagnard ainsi élevé, celui-ci répondit qu’elles étaient simplement enracinées dans la terre.

Les mots qui font le nom de cette œuvre imposante résonnent dramatiquement aujourd’hui : alors qu’une guerre s’est déclarée aux portes de l’Europe, le peuple du Karabagh – historiquement et culturellement lié à la nation arménienne – tente avec vaillance de défendre ses montagnes, osant le sacrifice face à deux ennemis plus riches et mieux armés : l’Azerbaïdjan et la Turquie.

Fruit de l’Histoire, cette région du monde souffre de querelles d’identités qui ont pu mener au pire au siècle dernier avec le génocide arménien, la présence soviétique - et le découpage territorial qui en a résulté - a notamment créé l’entité d’Azerbaïdjan, peuplée presque entièrement par l’ethnie azérie d’origine turcique.

C’est par une décision administrative soviétique de 1921 que Staline, alors commissaire du peuple pour les nationalités, décide que le Haut-Karabagh intègrera la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan.

La République du Haut-Karabagh, culturellement arménienne, réclame la reconnaissance de son indépendance par la communauté internationale depuis sa naissance en 1991. À des échelons locaux, des actions significatives ont d’ailleurs pu se réaliser, ainsi d’une résolution en date de 2010 du Conseil législatif du Parlement de Nouvelle-Galles du Sud en Australie appelant l’État australien à reconnaitre l’indépendance du Haut-Karabagh ou encore des résolutions adoptées en 2012 d’abord par la Chambre des représentants du Rhode Island puis par celle du Massachusetts aux États-Unis incitant le Président et le Congrès à reconnaître l’indépendance du territoire. Le Karabagh dispose par ailleurs d’une représentation permanente en France.

Il faut aussi remarquer le fonctionnement totalement démocratique des institutions qui font exister cette entité (les institutions du Karabagh comportent un président, un parlement et des élus municipaux. Des élections présidentielles et des élections législatives se déroulent tous les cinq ans. Le territoire est divisé en sept régions qui comptent ensemble 227 communes dirigées par des Conseils municipaux présidés par des maires. Ces derniers sont élus au scrutin majoritaire direct pour un seul mandat non renouvelable. Le nombre d’élus au Conseil municipal dépend de l’importance de la population de la commune concernée. Le mandat des maires comme des Conseils municipaux est de trois ans). Ce ne sera d’ailleurs probablement pas un point favorisant une compréhension future entre les deux belligérants tant l’état de la politique azerbaïdjanaise diffère de son ennemi actuel : dirigé par la famille Aliyev depuis 1993, l’Azerbaïdjan a depuis longtemps sombré dans un régime despotique et corrompu.

Via une stratégie nationaliste toujours plus à l’œuvre, le président turc Erdogan (sur la pente glissante de l’autoritarisme le plus brutal) soutient cette offensive – animant l’imaginaire panturquiste qu’il souhaite voir effectivement advenir – en fournissant armes et mercenaires au régime azéri, ce dernier s’en servant pour attaquer quotidiennement le Karabagh, dans un conflit en lien avec la promesse politique de l’autocrate azerbaïdjanais de reconquérir cette terre montagneuse.

Le Haut-Karabagh n’a pas à essuyer les revers des délires identitaires de ces deux dirigeants, et il est urgent que le sang cesse de couler. Face à cette agression toujours en cours, il est fondamental de voir se structurer une réaction internationale condamnant les agissements turco-azéris, il en va de l’avenir de milliers de vies au Karabagh et en Arménie qui font courageusement face – chaque heure un peu plus – aux horreurs d’une guerre totale.

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