On a vu fleurir ces jours-ci sur les réseaux sociaux le mot-clé « balance ton bahut » où des jeunes filles collégiennes ou lycéennes ont pu dénoncer via cette référence, les pratiques de leurs bahuts interdisant certaines tenues (notamment le fameux crop top) jugées provocantes.
Il est révoltant de voir se manifester à travers ces directives particulières de certains établissements notamment publics, une forme d’intégrisme républicain visant à stigmatiser les tenues des filles. Le ministre Blanquer a lui-même parlé de tenue républicaine, et de tenue normale – qu’est-ce que cela veut donc dire ? Nul ne le sait. La tenue républicaine n’a rien de normal, c’est une expression tout à fait nouvelle, et elle est en lien avec l’intégrisme dénoncé plus haut.
Plus encore, la polémique – en lien avec le mouvement à l’œuvre contre les violences sexuelles sous toutes leurs formes – démontre que le chemin est encore long avant d’arriver au stade de l’égalité des sexes : les regards républicains des garçons ne sauraient voir les corps dénudés interdits des filles. Cela a déjà été écrit (et pourquoi pas le réécrire) : ces mesures favorisent le culte de la femme réifiée, objet sexuel – qui doit, selon le rythme qu’on lui impose, montrer ou non son corps et ses formes, à tel moment ou à un autre – c’est-à-dire en réalité se soumettre au contrôle masculin sur son existence.
L’adolescente à qui l’on interdit de porter son crop top car jugé trop provocant (« les garçons seraient déconcentrés ») se voit prise au piège de cette première soumission : « tu ne porteras pas cela car la chose de désirs que tu es n’a pas à se manifester dans l’enceinte scolaire, mais en dehors ».
Il est alors fondamental de repenser ce lieu qu’est l’école (notamment publique) afin de ne pas laisser prospérer ces discours puritains, par exemple en réinventant les programmes scolaires en y faisant large place aux études sur les conquêtes féministes, sur l’inégalité des sexes à travers l’Histoire – que ces points deviennent centraux, qu’ils fassent partie d’une éducation civique à part entière. Il est important – je le crois – dans ces instants d’hypersensibilisation autour de ces questions des violences sexuelles, de voir que l’école a son rôle à jouer pour défaire les préjugés et les représentations sexistes, en changeant son modèle afin de voir advenir une école de l’émancipation, d’où l’élève ressortirait plus critique sur le monde, en étant déterminé à le changer.
Cette école n’interdirait donc pas ces tenues, car alors l’égalité des sexes rétablie par les programmes scolaires, les outils de formation de l’esprit fournis à l’élève masculin lui permettrait de ne plus voir sa camarade comme un objet mais comme un alter ego.
Nous en sommes loin, pour autant cette lutte contre les violences et préjugés sexistes redouble récemment en intensité, elle ne faiblira pas : elle a déjà une place de choix dans le débat public et il est à espérer qu’il sera bientôt normal de penser la refonte de nos modes de vie à travers cette problématique essentielle.