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Billet de blog 10 février 2016

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C’est la pauvreté qu’il faut combattre, pas les pauvres

La lutte contre la pauvreté est la grande cause de ma génération, puisque les jeunes sont la catégorie la plus pauvre de la population. C’est une question centrale dont aucun mirage identitaire ou aucune division de la société et des plus précaires ne pourra faire oublier l’importance.

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La droite semble obsédée, de façon récurrente, par les personnes pauvres qu’elle entend rendre coupables de leur situation et qu’elle s’acharne à stigmatiser. Chômeurs, bénéficiaires de minimas sociaux, allocataires de la prime de rentrée scolaire… ce sont autant de personnes que de nombreux responsables politiques de droite - et parfois malheureusement aussi de gauche - se plaisent à pointer du doigt, pour mettre en concurrence les misères et détourner l’attention de leur impuissance à réduire les inégalités et à combattre les injustices.

Le dernier exemple en date est celui de la proposition du Conseil départemental (LR) du Haut-Rhin qui veut conditionner le versement du RSA à sept heures par semaine de « bénévolat », c’est à dire de travail non rémunéré. On croyait l’esclavage aboli, voilà que la droite s’en inspire en voulant contraindre les allocataires du RSA à un travail forcé.

Quelle conception triste de l’engagement. Le bénévolat repose sur une adhésion librement consentie, et non sur la contrainte.

Il ne s’agit pas seulement d’un coup d’éclat médiatique effectué sur le compte des plus plus pauvres. Cette mesure est techniquement bancale et surtout illégale. De plus, elle induirait une inégalité territoriale entre les allocataires du RSA dans ce département et les autres. C’est la loi qui fixe les conditions d’éligibilité au RSA.

Le choix fait par la droite dans le Haut-Rhin s’inscrit dans une vision de la société où chacun est jugé selon sa productivité, qui est la condition de son revenu. Ainsi, ce n’est plus sur la base de la situation de l’individu, de son existence et de son besoin de vivre dignement qu’on l’aide, mais selon ce qu’il produit. Cela revient à accepter l’idée que l’on puisse mourir de faim, ou dormir dans la rue, si l’on ne produit pas.

Cette mesure a sans-doute peu de chances de voir le jour, mais il n’en demeure pas moins qu’elle constitue une nouvelle déclaration politique dans la bataille idéologique que la droite livre depuis des années contre notre modèle social. N’y répondre que sur le terrain du droit serait insuffisant. C’est un débat d’abord politique, qui touche aux fondements de notre pacte social et de notre volonté de réduire les inégalités.

Cette mesure, loin d’être anecdotique, est un nouvel épisode dans la série de la culpabilisation des personnes les plus pauvres. Leur raisonnement est simpliste: puisque la société octroie une allocation, il faut se mettre au service de la société pour la mériter, et se sentir redevable d’une mesure  qui est pourtant un acte de justice sociale. A la peine économique et sociale qu’est la pauvreté, on ajoute une peine culturelle, une mise au ban de la société, un statut particulier dans la communauté.

C’est méconnaître les principes fondateurs et essentiels de notre système de protection sociale et de solidarité nationale. Une allocation n’est pas un salaire, c’est une aide, pour vivre, et même souvent pour survivre ; c’est l’expression non pas d’une charité, mais d’une solidarité. La solidarité est une transcription réelle de la devise républicaine « liberté, égalité, fraternité ». Elle est un instrument de l’égalité, qui est une condition de la liberté. Elle contribue à une société fraternelle, parce qu’elle inclut l’ensemble des siens.

Rappelons que les allocataires du RSA sont déjà soumis à des obligations de recherche d’emploi, et de démarches pour une meilleure insertion sociale ou professionnelle. Ils signent un « contrat d’insertion » avec le Conseil départemental qui peut prévoir également un certain nombre d’obligations. En cas de non-respect du contrat, le versement du RSA peut être suspendu. Les dérives, qui existent toujours et existeront toujours dans tous les systèmes, sont inévitables, mais elles sont déjà bien encadrées. Plutôt que de traquer les allocataires du RSA, il serait plus utile de donner les moyens d’un accompagnement social supplémentaire et plus personnalisé.

Dénoncer le prétendu « assistanat », c’est vouloir exclure ceux qui bénéficient des solidarités, c’est rejeter les plus pauvres, qui auraient une dette envers la société. Or, toute notre tradition philosophique et républicaine nous commande de considérer que c’est la société qui est responsable de ses enfants, qui leur doit protection et permet leur émancipation.

Il est curieux d’entendre la droite dénoncer l’assistanat, elle qui a consacré le dernier quinquennat à faire des cadeaux fiscaux aux riches et à fait financer les dettes de sa campagne présidentielle par des dons, entraînant des déductions fiscales, c’est à dire en faisant payer le contribuable. Il est sans doute plus simple de s’en prendre à la fraude sociale marginale, et bien souvent commise par des femmes et des hommes qui tentent de gagner quelques dizaines d’euros pour survivre, que de s’attaquer au mastodonte de la fraude fiscale qui lui est de loin supérieure et plus scandaleuse.

La réalité des inégalités reste alarmante, c’est à cela qu’il faut d’abord s’attaquer, pour susciter l’engagement, pour redonner confiance et créer la cohésion sociale et l’inclusion.

Les minimas sociaux sont un instrument au service de cette ambition de l’égalité, qui doit être notre obsession. Avec les Jeunes Socialistes, nous souhaitons que cumulés, ils ne soient jamais inférieurs au seuil de pauvreté. Le premier devoir de la République doit être d’assurer et de garantir la dignité des individus.

Plus nous automatiserons le versement des minimas sociaux, plus nous lutterons contre le taux de non-recours, qui laisse, faute de connaissance de leurs droits, des centaines milliers de personnes dans une précarité à laquelle elles pourraient - un peu - échapper. Le problème ce n’est pas que certains perçoivent un peu trop, c’est que beaucoup d'autres ne perçoivent pas assez.

La lutte contre la pauvreté est la grande cause de ma génération, puisque les jeunes sont la catégorie la plus pauvre de la population. C’est une question centrale dont aucun mirage identitaire ou aucune division de la société et des plus précaires ne pourra faire oublier l’importance.

Le Gouvernement a agi sur ce sujet avec la garantie jeunes, la généralisation du tiers payant et la prime d’activité qui est une mesure de justice sociale, de pouvoir d’achat et qui permet l’entrée de milliers de jeunes dans le droit commun. Ce sont déjà 225 000 jeunes qui ont reçu cette allocation. Nous militons aujourd’hui pour l’extension du RSA-socle et de la CMU-c aux jeunes de moins de 25 ans.

Ma génération ne demande pas l’aumône, mais les moyens de conquérir son autonomie, voilà pourquoi nous croyons, par exemple, qu’une allocation d’autonomie universelle et  individualisée est nécessaire. Nous pouvons financer ces progrès, en nous attaquant enfin à la rente et à l’héritage qui entretiennent la reproduction sociale. Trop souvent, les destins des individus sont tracés dès la naissance. Refuser cela, c’est s’attaquer aux inégalités à la racine et tout au long de la vie.

Tous ces combats font partie de l’identité de la gauche. N’ayons pas peur d’assumer un discours différent de celui qui stigmatise les pauvres. L’égalité et la justice doivent être constamment notre boussole pour agir. 

On ne combat pas les chômeurs, mais le chômage. On ne combat pas les pauvres, mais la pauvreté. 

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