TRIBUNE PLANETE EOLIENNE – 2 avril 2012
Comment fabriquer 500 chômeurs de plus par jour en 5 ans[1] ?
Il y a tout d’abord, comme le dit fort justement l’ancien patron de Saint-Gobain, Jean-Louis Beffa[2], une non-politique industrielle qui, sans être typique de ce quinquennat, poursuit son saccage (chômage, sous investissement chronique dans la recherche et dans l’éducation, aversion maladive des banques à l’innovation, morgue vis-à-vis des PME et prédation des grands groupes, absence incroyable de compréhension du monde moderne par nos élites, etc.). Nous y reviendrons sur l’exemple de l’industrie de l’énergie.
Il y a aussi un florilège de volontés partisanes, celles-ci propres au quinquennat qui ont favorisé la rente plutôt que le risque, le démantèlement de la « chose publique »[3] plutôt que la création de valeur ajoutée nationale : loi TEPA, amphigouri du Grenelle de l’environnement, réforme « à la hussarde » des retraites, réforme « comptable » des universités, de la formation professionnelle, des hôpitaux publiques ou de la Justice, recentralisation (réforme de la taxe professionnelle, réforme des conseillers territoriaux, RGPP, etc.).
Il y a enfin, évidemment « la crise » qui, d’une simple innovation financière de maraud pour booster l’immobilier américain, a mis au grand jour (sic) le fonctionnement cupide et moutonnier de la planète financière et la soumission, toujours patente, des Etats à leurs diktats de notations.
Ceci dit, prenons le thème de l’énergie pour commenter quelques instantanés :
- L’Allemagne a créé 75 emplois/jour les 5 dernières années dans le secteur des énergies renouvelables (éolien, solaire, biomasse…). Cela représente grosso modo 10-20 PME qui décollent par jour. Oui, par jour !
- La France a de son côté, décidé de détruire, 40 emplois/jour les 5 dernières années dans ce même secteur, soit 5-10 PME/jour ! Le secteur éolien n’embauche presque plus[4] et le solaire photovoltaïque a été laminé en 2011.
Force est de constater que le solde dans cette seule industrie (soit d’une certaine façon, la perte de compétitivité de la France vis-à-vis de l’Allemagne), est d’environ 120 emplois/jour, soit 45.000 emplois/an, soit encore un quart (!) de la perte d’emploi par jour sur 5 années.
Certes, les équations économiques dans un environnement mondialisé ne sont pas aussi triviales. Mais cette petite démonstration indique que nous aurions pu contrer avec vigueur l’hécatombe si la France ne s’enferrait pas dans une politique de l’autruche quant à l’énergie nucléaire.
Assénons quelques vérités incontestées aujourd’hui :
- Le nucléaire va coûter de plus en cher[5] ;
- Les énergies renouvelables coûtent aujourd’hui à l’investissement, moins cher que le nucléaire (4€/W pour l’EPR contre environ 1,5 €/W pour l’éolien ou le solaire PV).
- La France est riche de son territoire où les ressources d’origines renouvelables sont parmi les plus importantes d’Europe.
Le blocage psychogène des élites sur le nucléaire conduit de fait, à restreindre le développement d’un des secteurs industriels les plus prometteurs du XXIème siècle. C’est une des raisons de la « prouesse » sur l’emploi de l’actuelle politique du pays.
Cependant, inutile de jeter l’anathème sur le quinquennat seulement : qui propose quoi aujourd’hui ?
A suivre.
[1] Challenge, 26/03/2012 ; Marianne, 27/3/2012, etc.
[2] “La France doit choisir”, édition du Seuil, janvier 2012.
[3] En latin, la « res publicae ».
[4] 1200 mégawatts installés en 2010 et 875 en 2010 (-27% !)… Il en faudrait 1500 pour tenir les engagements européens !
[5] Rapport de la Cour des Comptes du 31 janvier 2012 + surcoûts des chantiers EPR + surcroit de sécurité imposé par Fukushima + sous-estimation des coûts de démantèlement + flou du coût de la gestion des déchets à long terme, etc.