Benoit PRADERIE

Abonné·e de Mediapart

37 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 octobre 2013

Benoit PRADERIE

Abonné·e de Mediapart

Conférence environnementale & énergies renouvelables : « il faut mettre d’urgence un frein à l’immobilisme ».

Benoit PRADERIE

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

D’après l’immense majorité des media, la conférence environnementale qui vient de s’achever est un succès. Il est vrai qu’en caricaturant, fixer des objectifs à 2030, 2050[1] est… louable. Quelques voix se sont pourtant élevées pour dire le contraire, dont celle de l’artisan du Grenelle de l’environnement, Jean-Louis Borloo. Pour lui, les énergies renouvelables (ENR) sont les grandes perdantes. Il a incontestablement raison[2].

Tout avait pourtant commencé par une annonce fracassante. Les ENR sont « primordiales » et « devront représenter plus du quart de notre consommation d’électricité en 2020 » selon François Hollande. Extraordinaire ! Prodigieux ! Deux points de mieux que le précédent objectif de 23%[3]. Cet espoir fut douché dès le lendemain par le Premier ministre. Les filières ENR devront en effet attendre fin 2014 que la loi sur la transition énergétique soit bouclée (elle avait été promise pour l’été 2013). Quand on est une PME, confrontée à ce que l’on sait[4], on a le choix entre stupeur, indignation ou résignation. Que les filières ENR aient perdu près de 30.000 emplois depuis deux ans n’est donc PAS une urgence. C’est pourtant l’exact contraire qui était affirmé il y a un an[5].

Il serait vain de rappeler le nombre d’alertes que les PME du secteur ont publiquement lancé au gouvernement depuis le 6 mai 2012, sottement confiantes que tout allait changer. L’exécutif s’est hélas borné à faire un « copier-coller » de la politique menée sous Sarkozy, dans l’indifférence assourdissante des Verts. Les plans de licenciements et les faillites se sont donc succédés, dans une filière industrielle d’avenir, alors que l’on assenait que l’emploi était la « priorité des priorités ».

« Les marchés mondiaux n’attendent malheureusement pas la France » et « un plan de relance doit être lancé sans attendre la loi sur la transition énergétique » affirmait avec une inhabituelle force, le Syndicat des Energies Renouvelables quatre jours avant la conférence. Chou blanc.

Soumises à une des réglementations les plus lourdes d’Europe (« choc de simplification » ?), contraintes par des procédures aberrantes (cf. appels d’offres anti-PME), calomniées tout azimut pour des tares imaginaires (cherté, non crédibles, aléatoires, etc.), étouffées par des objectifs mesquins (dix fois supérieurs outre-Rhin) qui ne permettent pas d’investir dans la durée, les énergies renouvelables s’avèrent néanmoins selon l’exécutif, « primordiales ». Vraiment ?

Ici on allège la réglementation pour faciliter de nouvelles porcheries de 2000 truies[6] et là, on ergote sur l’efficacité d’un mécanisme tarifaire de soutien aux ENR qui a fait ses preuves dans le monde entier[7]. Ici on compatie avec le « cri de désespoir » (snif) des grands électriciens européens quant au risque que font peser les ENR sur la compétitivité de l’industrie[8] et là, on restera sourd aux milliers d’emplois détruits dans les énergies décentralisées. Bref, que les générations futures se débrouillent.

Nous avons affaire à une funeste politique d’affichage et d’intermittences, servile à d’autres intérêts que celui de la transition énergétique. La Conférence mondiale sur le climat que la France organisera en 2015 est décidemment mal partie et Nicolas Hulot a raison d’être « très inquiet »[9].

« Que tout le temps qui passe, ne se rattrape guère / Que tout le temps perdu, ne se rattrape plus »[10].


[1] Par exemple « Diminuer de moitié notre consommation d’énergie » ; discours introductif de François Hollande

[2] Même si ses propos fleurent bon l’opportunisme politique…

[3] Cf. Plan Climat Européen, 2008

[4] Moins 73% pour le solaire photovoltaïque, moins 26% pour l’éolien depuis la fin 2012 !

[5] Discours de la première conférence environnementale, septembre 2012.

[6] Cf. Ministère de l’Agriculture, 15 avril 2013

[7] Comme le souligne un récent rapport de l’agence de l’environnement de l’ONU (PNUE, 2012)

[8] Gérard Mestralet, pdg de GDF-Suez, Le Monde du 11 sept. 2013

[9] France Inter, 28 septembre

[10] Barbara, « Dis quand reviendras-tu ? », 1964 !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.