1. Le crédit et l’assurance sont des biens au service de la collectivité (ou biens publics si l’on préfère) dont la gestion peut être déléguée, mais pas abandonnée, à des institutions financières privées. Si une telle délégation est consentie, il faut en contrôler étroitement les conditions d’exercice afin d’éviter une confiscation de ces biens à quelques intérêts privés et ne jamais laisser les délégataires atteindre une taille telle qu’ils puissent exercer le chantage du « too big to fail ». 2. Un système économique dans lequel il y a socialisation des pertes et privatisation des gains n’est pas acceptable.3. Il est irresponsable et de placer notre confiance dans la capacité de prétendus professionnels ou experts qui ont failli gravement, soit par malhonnêteté soit par incompétence, soit par un mélange des deux. Au contraire, il convient de les remplacer très vite par des gens intelligents et ayant les mains propres.4. Il faut prendre garde aux méthodes de rémunération des dirigeants des institutions financières privées auxquelles a été déléguée la gestion du crédit et de l’assurance : les techniques d’intéressement aux résultats et d’attribution d’actions se sont révélées des pousse-au-crime dont les résultats ont été catastrophiques 5. Si les bulles boursières (comme en 2000) s’avèrent assez vite résorbables et de conséquences maîtrisables, les bulles de dettes sont délétères. Elles peuvent paralyser durablement les économies dans lesquelles elles éclatent (comme le montre l’exemple du Japon, qui a connu un cycle déflationniste de dix ans) et causer des dégâts économiques et sociaux d’une ampleur et d’une gravité sans commune mesure.6. Les produits dérivés complexes doivent être interdits parce que très peu sont ceux qui les comprennent et encore moins nombreux sont ceux qui sont suffisamment compétents pour les maîtriser. Les citoyens doivent être protégés d’eux-mêmes, des banquiers qui leur vendent des produits spéculatifs, et des autorités de régulations crédules qui prêtent l’oreille aux théoriciens de la finance.7. La confiance se mérite et ne se présume pas, tout particulièrement dans l’industrie financière et dans les instances en charge de la régulation, du contrôle, de la labellisation et de la certification de cette industrie.8. La crise de la dette n’est pas un problème conjoncturel, mais structurel. Son règlement passe par une phase de désintoxication conduite sans complaisance et avec détermination. Les bilans doivent être nettoyés de tous leurs actifs toxiques pour que la confiance se rétablisse et que le marché du crédit fonctionne à nouveau normalement au service de l’économie réelle.9. La vie économique doit être « définanciarisée ». Les marchés financiers ne sont qu’un moyen au service de l’économie (et ne doivent être considérés que comme tels) et ils sont trop facteurs d’incertitude pour ne pas protéger particuliers et entreprises de leurs mouvements.10. Il faut définitivement renoncer aux expédients et à la facilité en s’attaquant sérieusement à l’excès d’endettement qui a provoqué la crise financière, en définissant, pour l’avenir, les moyens de maîtriser l’évolution future de la dette et en ne tablant plus sur un gonflement spéculatif des actifs pour se donner l’illusion d’une croissance indéfinie. Au fond, pour parler simplement et directement, devenir raisonnable et honnête.
Billet de blog 21 avril 2009
Les dix enseignements de Nassim Nicholas Taleb, l'auteur du Cygne Noir, sur la crise financière
1. Le crédit et l’assurance sont des biens au service de la collectivité (ou biens publics si l’on préfère) dont la gestion peut être déléguée, mais pas abandonnée, à des institutions financières privées. Si une telle délégation est consentie, il faut en contrôler étroitement les conditions d’exercice afin d’éviter une confiscation de ces biens à quelques intérêts privés et ne jamais laisser les délégataires atteindre une taille telle qu’ils puissent exercer le chantage du « too big to fail ».
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