Hors possession physique (i.e. la pierre et l’or), il existe quatre grandes classes d’actifs. Les bourses, les marchés du crédit c’est à dire les marchés monétaires et les obligations, les matières premières, et enfin, jouissant d’un statut particulier, celui de la garantie de l’Etat, les bons du Trésor.
1°/ Qu’est-ce qu’une fortune ? Un droit de tirage de revenus futurs - c’est à dire de monnaie, prémisse du droit d’appropriation sur les biens et services - exercé sur une branche de l’activité économique et matérialisé par une inscription contractuelle, une créance.
Quelle est sa valeur ? Celle de la richesse que les hommes produiront demain. En ce sens, ce droit est aussi un pari - une estimation - du niveau d’activité futur.
Le processus de liquidation des créances sur le futur - qui se sont accumulées au delà de toute vraisemblance ces dernières années, au détriment de l’économie réelle, celle qui devrait permettre à chacun de faire profiter la société de ses talents et d’en tirer des revenus décents - entraîne les entreprises dans sa chute.
2°/ Les détenteurs de ce papier sont en train de provoquer la ruine de pans entiers du corps social - et la leur- en tentant de se dégager. Ils le savent, mais ne peuvent échapper au processus qui s’est enclenché. En tentant à tout prix de protéger ce qu’ils pourront sauver de cette destruction massive, ils l’amplifient.
3°/ Que reste-t-il quand tout est perdu ? Quelle est la dernière bouée de sauvetage où se raccrocher ? L’Etat. C’est l’une des rares institution qui jouisse encore d’un peu de confiance, que l’on sait pérenne contre vents et marées, et dont la signature a quelques chances d’être honorée.
Cette fuite du risque que représente un futur compomis se traduit donc par des achats massifs de bons du Trésor, provoquant une baisse de leur rendement - l’inverse de leur prix - qui laissent les professionnels sans voix.
4°/ Cette fuite vers la sécurité, augmentant le prix des bons et diminuant à rien leur rendement, est l’indice d’une capitulation sans précédent.
Plus aucune classe d’actif n’est jugée fiable. Ce sentiment, dont on comprend le fondement, est terriblement dangereux. Car c’est une prédiction auto-réalisatrice. En privilégiant la sécurité de l’Etat, cette fuite des capitaux étrangle les entreprises - contraintes d’offrir des rendements proche de l’usure pour parvenir à lever des fonds - et risque de déclencher une hécatombe comme nous n’en avons jamais connue.
Nous l’avons écrit plusieurs fois. La monnaie sous ses différentes formes - qu’elle soit stock (créance) ou flux (liquide) - est une fonction essentielle à la vie en société.
A ce titre elle est un bien commun.
Les apprentis sorciers qui se sont saisis sans partage du pouvoir économique après la défaite des idées Keynésiennes, en parvenant à persuader les politiques et nombre d’élites que l’action publique - c’est à dire la collectivité démocratiquement représentée - n’avait plus son mot à dire, ont privatisé au profit de quelques uns cette fonction et son usage.
5°/ La prééminence absolue qu’a pris le capital sur le travail dans la période récente a supprimé tous les gardes-fous, toutes les limites réciproques que la vie en société impose à l’action de ses membres par la confrontation d’intérêts divergents.
Sans concurrent, sans opposant, le capital mondialisé, libéré de toute contrainte, a produit les conditions de sa ruine.
Tenter d’accumuler des fortunes au prix de l’appauvrissement des sociétés en exigeant un rendement toujours croissant, en trahissant le pacte social par la création de valeur au prix de la destruction du travail, est une folie.
Il ne peut exister de prospérité que si elle est partagée. Le chantage au rendement, au moins disant, est l’inverse de ce pourquoi il se donne, c’est à dire une efficacité accrue, lorsqu’il a pour effet une perte de substance, une pression perpétuelle à la baisse sur les revenus, c’est à dire in fine sur l’activité.
Maintenant que vacille ce château de cartes, ce sont les sociétés dans leur ensemble qui vont subir les conséquences dramatiques d’un effondrement qui semble plus difficile à éviter chaque jour qui passe.