« Un jour n'est pas dissemblable de l'autre ; on voit toujours la même chose, on souffre toujours de la même façon. Ici le temps est comme une mer sans rivages, sans soleil, sans lune, sans étoiles, immense et un. »
Luigi Settembrini, Ricordanze della mia vita, 1879.
Lorsque je lis des phrases comme celles-ci – et elles sont nombreuses –, relatant l'expérience de la détention, temps étiré, vide de sens, je me rapproche des raisons de mon engagement. Elles peuvent dater d'hier, d'il y a cinquante ou deux cents ans, l'effet est le même. Une partie tient à ce que l'on inflige comme étant une peine « juste », au nom de la société, quand tout en indique une vacuité vertigineuse dans le meilleur des cas, ou pire, une suite de souffrances corporelles et mentales, derniers avatars d'une vengeance qui ne dit pas (plus) son nom.
Il faut avoir un goût certain pour l'aberration pour s'intéresser à l'univers carcéral. Il faut avoir de la méfiance vis-à-vis de ce que produisent les institutions, volontairement ou non. Il faut avoir le souci de l'humain dans toute sa complexité, ses paradoxes, ses méfaits et ses potentialités.
Lorsque certains êtres humains sont maintenus à l'isolement, sans contact avec l'extérieur, que produisons-nous en tant que société ? Quand on retire un Homme de son espèce, de son appartenance, de vraies questions de société et d'humanité se posent : des questions philosophiques sur notre gestion, en tant qu'espèce, de l'illégalité, de la norme.
Puis, si l'on regarde hors de notre champ de vision européano-centré, là...tout explose. Qu'est-ce qui explique que nous gérons de manière si différentes les délits et les crimes ? Que si l'enfermement reste une réponse globalement constante, ses modalités, elles, varient énormément ? Or, cette diversité reste méconnue : les informations sont disséminées, l'accès impossible, restreint, la qualité et la fiabilité des informations corrompue ou tronquée.
« J'ai dit à voix haute le premier mot qui m'est venu à l'esprit. J'étais seul, et ainsi j'ai réussi à contrôler mon émotion. Ça a aussi servi de répétition générale, je voulais être sûr que si je rencontrais quelqu'un j'arriverais à parler. »
Nicola Valentino, Réclusion à perpétuité, 2012.
Quand nous privons un Homme de la parole pour le sanctionner ici ; quand certains sont à la tête d'une micro-société mafieuse et gèrent leur propre prison là ; quand d'autres, enfin, doivent attendre debout leur tour avant de s'allonger quelques minutes tant les cellules sont surpeuplées, Prison Insider est une fêlure de plus dans les murs des prisons. Pour faire entrer un regard extérieur, une amorce d'indignation, pour que non, nous ne puissions nous satisfaire de sanctions d'un autre âge.
Nous respirons le même air, et Prison Insider nous le rappelle.