Un matin, Mimi Groseille, 13 ans, un amour de p'tit bout, déboule en poussant son vélo.
- tu me répares ma chaîne
Ces vélos modernes, il faut se méfier, les outils ne sont pas toujours adaptés. Bon, ça se fait. Boulot ordinaire de grand-père.
- tu m'accompagnes, je voudrais trouver une petite robe.
- Mimi, pourquoi tu ne demandes pas à tes copines.
- ça va pas ! je n'veux pas me retrouver en tasspé, avec décolleté sur le string !
- ... (ne rien répondre, c'est le mieux... faire le type qui essuie ses tâches de cambouis sur les doigts)
- c'est ton avis que je veux. Je vois comment tu lookes tes copines. T'as l'oeil.
C'est comme si un cerfeuil sauvage demandait des conseils à un vieux saule.
- Si tu y tiens. (En vérité, l'idée de passer une matinée en sa compagnie m'enchante. C'est comme vivre dans une chanson de Brassens)
Nous voilà au magazin. Elle embarque deux, trois cochonneries. Je fouille dans les cintres, je lui trouve une de ses petites robes en matière de T-shirt, rayée marinière rouge, à peine moulante, un peu raz de la touffe, mais charmante. Je lui passe par dessus le rideau, sous l'oeil un peu inquiet des vendeuses. je m'éloigne vers d'autres rayons.
Petit brouhaha autour du miroir.
- Attendez, balance-t-elle à travers le magazin, il faut que je demande à mon mari. Chéri, qu'est-ce que t'en penses ? envoie-t-elle les bras écartés, en tournant sur elle-même.
Masque brusquement imperturbable des vendeuses, dont l'effarement est tangible comme du gaz moutarde.
- On dirait que tu es née avec.
- On la prend !
Et pendant que je sors mes 20 balles, elle s'accroche à mon bras, avec la tête sur l'épaule, comme une véritable petite épouse modèle.
Dans la rue, on rigole comme des gosses:
- Tu vas me faire passer pour un vieux saligaud !
- Tu parles, pas une n'a marché. Elles voulaient seulement voir comment tu allais réagir.
Quelques pas plus tard, elle gambade devant moi, à reculons.
- Tu me trouves vraiment belle ?
- Allez, dégage.
(à suivre)