Le 5 septembre la soirée Thema d'ARTE a diffusé les 3 séquences d'un long documentaire titré " Djihad sur l'Europe ", réalisé par Hugo Micheron, un collègue historien de Gilles Kepel, et Magali Serre. La narration repose sur moult sources documentaires, notamment des vidéos extraites des propagandes islamistes, probablement aussi des services de renseignement, des "actualités", et des entretiens significatifs avec des journalistes spécialisés (BBC), plusieurs anciens agents de services secrets (CIA...), et plus inédit avec plusieurs anciens jihadistes repentis et réfléchis. Alerté par le commentaire du Monde qui disait que ça commençait avec l'invasion de l'Afghanistan (à Noël 1979), j'ai suivi tout ce long documentaire et j'en ai transcrit ensuite soigneusement les premières minutes.
https://www.arte.tv/fr/videos/101351-001-A/djihad-sur-l-europe-1-3/
EXTRAITS TRANSCRITS du début
1’45’’ En ce mois de novembre 1989… nul ne se soucie du phénomène jihadiste, le mot n’existe pas encore dans les dictionnaires. 1’58’’ Les regards sont tournés vers Berlin et ce mur de la honte que des hommes et des femmes abattent à coups de masse et de cris de liberté
2’25’’ Kurt Barling ancien journaliste BBC « ... là j’ai réalisé que la chute du Mur était rendue possible par le retrait des troupes soviétiques… et bien sûr il y avait aussi l’Afghanistan au même moment donc en 1989 tout ne tournait pas seulement autour de l’Europe » 2’46’’ Dans les mois précédents les troupes soviétiques se sont retirées d’Afghanistan, précipitant dans leur déroute la fin de la guerre froide 2’54’’ Devant cette armée défaites les régimes occidentaux rêvent de la victoire de leur modèle démocratique. Ils ne voient pas l’autre partie du scénario. 3’10’’ Le mouvement jihadiste est né dans les interstices de ce conflit afghan son histoire a débuté 10 ans avant
3’20’’ En 1979 les troupes soviétiques entrent à Kaboul, la capitale de l’Afghanistan. Les Russes veulent imposer un régime communiste. 3’37’’ Face à eux la résistance afghane s’organise.3’42’’ De simples paysans, jeunes étudiants ou anciens militaires prennent les armes.
3’50’’ A l’étranger, les faits de guerre de ces moudjahiddin mal équipés face à une des armées les plus puissantes au monde, résonne. 4’00’’ Ils sont des milliers dans les pays arabes à vouloir rejoindre le front afghan. 4’ 06’’ Un homme va participer à leur mobilisation et jouer un rôle central dans l’émergence du mouvement jihadiste.
4’17’’ Abdallah Azzam, un Jordanien d’origine palestinienne 4’25’’ Ce docteur en droit coranique est très proche des Frères Musulmans, un vaste mouvement politique islamiste très influent dans le monde arabe. Son charisme et ses prêches violents contre Israël et l’Occident l’ont contraint à l’exil.
RIEN SUR L’ENVOI CONCERTE ENTRE US (CIA) ET SERVICES-SEOUDIENS POUR ENVOYER DES COMBATTANTS ET DES ARMES EN AFGHANISTAN DES L’ETE 1979, AVANT L'ENTREE DES TROUPES SOVIETIQUES A NOEL 1979, ACTION SUBVERSIVE ALORS SECRETE, POURTANT RECONNUE IL Y A BIEN LONGTEMPS PAR ZBIGNIEW BRZEZINSKI DANS UN ENTRETIEN FAMEUX ET DANS UN LIVRE SUR LE GRAND JEU.
(sur Abdallah Azzam) 5’11’’ « ses écrits et ses conférences ont clairement établi qu’il était du devoir de tout musulman de prende part au Jihad, c’est à dire à la guerre contre les armées étrangères qui envahissaient les terres d’Islam. 5’26’’ Bien sûr en haut de cette liste il plaçait Israël et les Palestiniens »
8’33’’A milieu des années 1980, le président américain Ronald Reagan arment les Moudjahiddin afghans au nom de la lutte contre le communisme. Ils ne s’inquiètent donc pas de ces militants islamistes radicaux venus les soutenir. 8’52’’ Abdallah Azzam voyage donc tous les ans aux Etats-Unis, il y circule librement et prêche le jihad, comme danscette mosquée de Brooklyn
10’03’’ Bruce Riedel CIA-Agent dossier « Afghanistan » (1977-1991)« des Musulmans venant aux Etats-Unis pour collecter de l’argent pour des causes, ça n’intéressait pas le FBI. Ils levaient des fonds pour une guerre que nous financions déjà Si d’autres voulaient payer, tant mieux, c’était autant d’économiser pour les contribuables américains. »
Comme toujours on veut occulter les analyses géopolitiques précises de certaines personnalités de ces mouvements de résistances si diverses, et aussi si souvent manipulées. Là je ne peux que reproduire ce que j'ai déjà cité des propos publiés et traduits de l'un d'eux (celui tué puis jeté d'un hélicoptère dans l'Océan en 2011) , en vue de la Rencontre Internationale d’Alger, 26-27 janvier 2002 « La contribution de la société civile à la lutte contre le terrorisme… » et propos que j'ai repris et complétés dans mon livre publié au jour du crime d'agression contre l'Iraq, le 20 mars 2003. Jacques CHIRAC parla aussi de deux poids et deux mesures, lors de son discours du 16 janvier 1991 à l'Assemblée Nationale.
« Nous sommes contre le système qui fait des autres nations des esclaves des Etats-Unis, ou qui les force à hypothéquer leur liberté économique et politique »[1] . « (l’Amérique) occupe cette région (du Golfe) et détient le pétrole » ( sept. 98, ib. p.124). « Nous croyons que les Etats-Unis sont directement responsables des morts en Palestine, au Liban et en Iraq ».[2]
L’influence excessive des média est reconnue, « tenant le peuple occupé avec des problèmes mineurs » (été 96, ib. p.212). « Le monde d’aujourd’hui est celui de l’opinion publique, et le sort des nations est déterminé à travers sa pression » (ib.p.88). « L’Amérique s’est accaparé les médias et elle s’est rendue maîtresse d’un énorme pouvoir d’information au moyen duquel elle pratique deux poids deux mesures selon ce qui l’arrange. » (sept. 98, ib. p.106). « Le monde est devenu un petit village » (nov. 96, ib. p.138). Les accusations de collaboration avec les Américains sont fermement rejetées. Il est fait distinction entre convergence temporaire d’intérêts (à partir de 1980, en Afghanistan) et collusion organisée. (sept.98, ib. p.124).
L’opposition est ciblée sur un système, non pas contre toute une civilisation : « Il y a beaucoup de gens innocents et de bon cœur en Occident » ; « Les gens bien et civilisés on les trouve partout » (ibidem 7/11/01, p. 96-7). « Nous faisons néanmoins une différence entre les gouvernements occidentaux et les peuples occidentaux. »[3]. Mais les discussions sur la question de la responsabilité des citoyens et des élus dans un système démocratique « où ils paient des impôts à leur gouvernement » ne sont pas éludées.[4]
Les références à l’iniquité du système actuel des Nations Unies sont fréquentes et précises : « qui accepterait que quand on porte plainte devant ce tribunal, si nous sommes accusés, alors le châtiment est appliqué dans toute sa rigueur, sous couvert fallacieux de la légalité internationale ; et si nous sommes les victimes, l’Amérique utilise alors son droit de veto contre nous. » (sept. 98, ib.p.103). « Aujourd’hui les Etats-Unis ont établi une double norme, désignant comme terroriste quiconque s’élève contre leur injustice » (CNN, mars 97, ib. p.172).
Le but géopolitique est affirmé sans cesse depuis plusieurs années : « le retrait de toutes les troupes (américaines et marginalement européennes) de la région (de la péninsule arabe) … et l’arrêt de tout soutien matériel aux juifs en Palestine »[5] , « que notre terre soit libérée des Américains »[6], « mettre fin à leur main mise sur nous » ... « lutter contre ces occupants… et les châtier avec les mêmes méthodes qu’ils utilisent contre nous » (sept.98, ib. p.108-9). « Ce pays (l’Arabie) tenu par un régime oppressif, corrompu et tyrannique que (l’Amérique) soutient et qu’elle contrôle. » (ABC 26 mai.98, ib. p.150). « Rassembler toutes leurs forces dans la lutte contre les Américains et les Sionistes » (ABC 26 mai 98, p.152), « inévitablement déplacer le combat sur le sol américain » (ABC… p. 163). « Les Etats-Unis vont amener (les proches de leurs victimes en Iraq, en Palestine et au Liban) à transférer la bataille à l’intérieur des Etats-Unis » (CNN, mars 97, ib. p. 175). Face à cela, la nécessité de moyens organisés et adaptés est assumée : « Al Qa’ïda a dans ses rangs des jeunes gens modernes, compétents, qui connaissent…bien les failles du système financier occidental… » (Ummat, 28/9/01 ib. p.89).
[1] entretien avec le journal pakistanais UMMAT publié le 21/09/01, ib.p.87.
[2] entretien avec Peter Arnett, CNN en mars 97, ib. p.167.
[3] entretien ABC du 26 mai 98, ib. p.154.
[4] entretien du 7 novembre 01 avec Hamid Mir, ibidem p.95, et aussi sept.98, ib.p.106.
[5] entretien avec le quotidien Al Quds Al-Arabi, nov. 96, ib. p. 137.
[6] entretien pour Al-Jazeera, sept. 98, ibidem, p.100.