Les années soixante, sous les gouvernements du travailliste Harold Wilson, seront une période de rémission. La richesse continue d’être redistribuée (voir la « super taxe » à 90% qui inspira à George Harrison sa petite chanson poujadiste “ Taxman ”), même si l’écart entre les riches reste important (sans commune mesure avec ce qu’il est devenu aujourd’hui. En 1960, le monde ouvrier reçoit la moitié du revenu national. Le mouvement syndical est fort (jusqu’à 13 millions de syndiqués) et écouté. Le pouvoir politique contrôle le pouvoir économique par le biais des nationalisations. Les deux grands partis sont dans le consensus : les travaillistes, qui respectent la “ City ”, ne nationalisent pas les banques ; les conservateurs ne touchent pas à l’État-Providence. La croissance économique du monde occidental favorise ce consensus. Et puis, malgré la décolonisation, les profits que rapporte l’ancien Empire sont toujours substantiels. Mais, vers 1970, l’Europe et les États-Unis cessent d’être les seuls en pointe dans l’industrie et la technique. Les travaillistes modérés (Wilson, James Callaghan) perçoivent le danger et veulent rendre les entreprises plus compétitives en allégeant les cotisations sociales pour abaisser les coûts de production. Mais le revirement vient trop tard. La classe ouvrière est désorientée. Les problèmes n’ont pas été expliqués. Un autre discours, celui de la droite du parti conservateur menée par Margaret Thatcher, s’insinue progressivement comme une réponse globale aux difficultés.

Avant cela, d’autres politiques plus traditionnelles n’auront été que des expédients, des replâtrages. Planificateurs, les travaillistes auront fait preuve de volontarisme en considérant les intérêts économiques du pays dans son ensemble, en subventionnant, rationalisant, en augmentant les dépenses publiques au profit de la recherche, de l’enseignement, des communications (en 1970, la Grande-Bretagne avait dix ans d’avance sur la France en matière de réseau téléphonique). Mais cette politique coûtait trop cher pour un taux de croissance trop faible. Les citoyens durent accepter des impôts supplémentaires, ce qui entraîna des grèves, des demandes d’augmentation de salaires et de l’inflation (26% en 1975, 22% en 1979. Rappelons que pour Keynes l’inflation n’était pas un phénomène strictement monétaire et que la monnaie influait sur la production ou l’emploi). Dans ce domaine, les travaillistes tâtonnèrent. Pour Wilson, dévaluer permettait de s’attaquer aux «racines du mal » (il s’y opposera pendant deux ans, de manière un peu dogmatique, à la demande du Trésor et de la Banque d’Angleterre). La seule autre solution était d’emprunter massivement aux gouvernements étrangers qui, malheureusement, n’offraient que des prêts à court terme. Dévaluer permettait de rendre les produits britanniques plus compétitifs. Wilson voulait réduire la demande pour freiner l’inflation – ce qui induisait du chômage. Il désirait également mettre sur pied une stricte politique de revenus afin que les augmentations de salaire – entraînant celle des prix – ne soient plus simplement décidées par les employeurs et les employés.