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Billet de blog 30 août 2013

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Le Thatchérisme: une réponse au déclin du Royaume-Uni? (3)

Au début du XXe siècle, deux choix d’importance ont contribué à accélérer le déclin du pays : le libre-échangisme à tout crin et la décision de lutter contre l’Allemagne et non de freiner l’influence étasunienne. La guerre de 1914-1918 ne fut pas un coup de folie mais résulta d’actes prémédités, raisonnés.

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Au début du XXe siècle, deux choix d’importance ont contribué à accélérer le déclin du pays : le libre-échangisme à tout crin et la décision de lutter contre l’Allemagne et non de freiner l’influence étasunienne. La guerre de 1914-1918 ne fut pas un coup de folie mais résulta d’actes prémédités, raisonnés. Il fallait, pour la Grande-Bretagne, garder ses colonies et demeurer la première puissance maritime au monde. Or l’Allemagne disposait de la plus forte puissance économique d’Europe. Ce ne fut point – pour la première fois – une guerre de conquête que ces pays allaient se livrer mais une lutte de prépondérance. En recherchant une victoire totale sur l’Allemagne et non un compromis, le Royaume-Uni (comme la France) visaient à préserver le libéralisme économique au niveau planétaire. Mais, indirectement, le pays acceptait d’être le second des États-Unis. Cette acceptation coïncidera entre les deux guerres – et pour un temps – avec l’abandon de l’idée de suprématie de la livre sterling comme monnaie de référence, le véritable pilier de l’étalon-or. Cela changeait beaucoup de choses. En effet, en 1914, la Grande-Bretagne était le premier investisseur au monde et contrôlait environ 4 milliards de livres de placement, représentant environ 40% de tous les investissements internationaux. Mais les dépenses relatives au conflit ont été inouïes : en quatre ans, le pays a dépensé 20 ans de budget, un cinquième des dépenses des pays belligérants, les recettes d’impôts n’ayant jamais atteint la moitié des dépenses.

Après la Première Guerre mondiale, deux stratégies économiques contradictoires s’offrent à la Grande-Bretagne : continuer à commercer préférentiellement avec ses colonies on bien tenir son rang en tant que bastion financier du monde capitaliste, la “ City ” étant encore pour un temps la première place bancaire mondiale. Le pays a choisi de s’ouvrir à l’extérieur. Il vend son savoir-faire bancaire, des assurances, de la logistique et elle laisse entrer des produits agricoles bon marché. Les capitalistes investissent massivement à l’étranger. Dès 1914, les Britanniques ont exporté 4 milliards de livres hors des frontières et ce pécule rapporte 200 millions par an. Dans le même temps, les investissements à l’étranger allemands, français et italiens ne sont que 5 milliards de livres.

La Seconde Guerre mondiale va sonner le glas des espérances britanniques en tant que grande puissance. Le pays aura d’autant plus de mal à se relever de cette terrible épreuve que, dans un premier temps, les États-Unis ne voudront pas l’aider. Les Étasuniens voulaient affaiblir à la fois la Grande-Bretagne des réformes socialisantes du gouvernement travailliste et le pays qui était, pour quelque temps encore, la première puissance coloniale mondiale. C’est pourquoi ils mettront un terme brutal en 1945 au prêt-bail décidé en 1941 (31 milliards de dollars), celui dont Churchill avait dit qu’il était « la loi la moins sordide de toute l’histoire ». Les États-Unis vont proposer des aides plus conventionnelles. L’aide gratuite se transforme en prêt sans intérêt. Le prêt sans intérêt en prêt tout court. Un prêt de 3 758 millions de dollars qui urgeait car l’hiver 1946-47 est terrible. La mer gèle à Margate. Il fait -20° pendant un mois, la production industrielle baisse de 10%, on s’éclaire à la bougie au Parlement, 100 000 soldats britanniques, polonais, ainsi que des prisonniers de guerre allemands, dégagent chaque jour la neige sur les voies ferrées (on verra jusqu’à deux mètres de neige dans la région de Durham). Des icebergs voguent au large du Norfolk. Big Ben est genée. Un tiers du cheptel est décimé. Les céréales d’hiver sont perdues. En février 1947, deux millions de travailleurs sont provisoirement sans emploi.

Le printemps qui suivit fut le plus pluvieux depuis trois siècles. Des digues cédèrent dans l’Est, la Tamise déborde à Londres. Or, à ce moment précis, le gouvernement dépensait 15% du PIB pour la Défense nationale, pour le service national de santé et pour la reconstruction. La livre vacilla et céda le pas au dollar. Le gouvernement passa outre aux accords de Bretton Woods et dévalua brutalement la livre par rapport à la devise étasunienne, de 4$ à 2,80$. Un événement considérable qui reflétait le déclin du pays, la fin de sa qualité de superpuissance.

(à suivre)

http://bernard-gensane.over-blog.com

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