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Billet de blog 10 mai 2020

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HOMMAGE A SAINT-JEAN ALONZO

HOMMAGE A SAINT-JEAN ALONZO HEROS MARIE-GALANTAIS

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Hommage à Alonzo

Du Sinaï̈ de ma douleur
De mille et un pas Inlassablement
J'arpente la voûte céleste

Soucieux des incertitudes maléfiques

Qui planent sur mon île
Et cette colère
Me fait tressaillir le cuir chevelu

Comme un mauvais présage qui s’annonce

Moi

Alonzo
Fils rebelle
Du pays des alizés chantonnants

Couleur vesou à l’odeur miel
Le pays des Cent Moulins récalcitrants

Et des Mille
Mares endormies
En l’espoir-miroir
D'un réveil des consciences abouliques

Voilà que de mes paupières

Coulent les larmes du sang vert de la honte

Jadis Peuple fier
Au regard franc
Jamais l’histoire ne cria victoire

Face aux braves du Temple

Car nos colonnes furent réelles

De Roussel à Saint-Louis

De Saint-Louis à Caye-Plate

De Caye-Plate à Piton
De Piton à Capesterre
Et
De Capesterre à Grand-Bourg

Des ouragans

Des séismes

Des épidémies

Des guerres

Et quoi encore...

Cette vie ne peut triompher
De la sueur amère de ton histoire

De ta volonté
Fille aimée pour ton discernement légendaire

Tu es Pays
Pays bien qu’étant île
Tu es peuple
Peuple bien qu’étant colonisé

Pays debout
À la sève rare

Prophétique et prédestinée

Vaille que vaille
À exister ...
Par de-là̀
La dérive tragique du Temps

Et l’ingratitude nauséabonde

Des âmes surannées

Les Murat ne sont plus

Mais tu es là

Ce château témoigne leur perte

Mais tu es là

Progéniture pourrie
À jamais dessous terre

Aucune n’oserait ici-bas revenir

Humer le nectar de ton oxygène

Acide et rancunier

Des incendies du diable

Naîtront des Églises

Des balais-coupés

Naîtront des Chapelles

Ensemble faisons le pèlerinage

De l’impossible et de l’inimaginable

Nos genoux alors s’useront jusqu’au sang

Mais jamais vous n’aurez l’âme
Ni de ma terre
Ni de mon être

Cette terre qui
De mes yeux vus
A vu accoucher genoux à terre

Cuisses ouvertes
La femme matricielle
De toutes nos espérances exorcisées

Enlève donc tes mains de cet arbre

Mon Éden aux fruits d’or

Ôte-toi de son ombrage rafraîchi

Et annonciateur

Le Fromager a parlé de mille pétales

Étalés au sol en écrit psalmique

Comme un linceul prémonitoire

Et
Le suaire en sueur

Témoignera au-delà des âges

Encore et encore
L’appel christique de la survie

De notre âme

À pas de course

Libère-moi de la puanteur laissée

Sur le chemin de la mémoire

Ne serait-il pas déjà temps

Que l’homme soit Homme

Que le soleil redevienne enfin un frère

Et que la lune
Se réaffirme définitivement une fille aînée

Les astres chuchoteront
Le temps de demain
Les infinis

S’amenuiseront face à notre acuité déifiée

Et
Le malfini majestueux redira le temps

Dans les draps bleutés du firmament

Oui grand temps

Que tout ce monde d’en-haut

Vienne suave
Et docile à nos pieds indomptables

D’en bas
Pour la signature céleste
De l'apaisement terrestre

Ô fierté
Ô résistance face à l’abject
Ô fraternité suprême retrouvée

Dans l’universalité
Des cœurs rêvés

Fossoyeurs de vous-mêmes

Fils indignes de la damnation

Oui vous
Je vous adresse alors ma prière ultime

Prière aux éclats de verre
Aux projectiles cloutés
Aux cris révoltés
Prière du verbe incarné
En flèches de Massaï

Moi

L’Atlantide dés-engloutie

Moi
L’Afrique du Baobab victorieux

Moi

L’Africain expatrié

Moi berceau du Monde

Mais fier

Nonobstant l’amnésie volontaire

Du Monde crépusculaire

Bateau ivre à la quille rompue

Sisyphe à l’allure pitoyable

Apollon hideux de pustules abominables

Diogène à la lanterne cassée

Qu’as-tu fait

Pour apaiser mes soifs

Qu’as-tu fait
Pour les sacrifiés de Pirogue

Qu’as-tu fait
Du punch vengeur de la Mare

De tous les couronnements

De Pirogue

Un lumignon enfin pour mon âme

Moi

Alonzo

Moi fils assassiné

Dans le tumulte de l’histoire...

Des histoires hideuses


RIEN !

Strictement rien !

Je suis éploré
J’ai honte d’être moi

Et d’être toi

Verrai-je enfin mes frères redevenir

Les chandeliers d’or de ce monde obscurci

Car il était une fois

Une île

Un peuple

Pour une grande destinée

Pour un autre Homme

Pour un nouvel Humanisme

Où est donc passé ton rêve d’antan

Or le cauchemar guette

Qu’en est-il
De la liturgie magique du léwoz

Or la surdité t’envahit

Je n’entends pas Je n’entends plus

La quête lancinante du ka rebelle

Je n’entends pas Je n’entends plus

Le son-glaçon de ton piano indocile

Ton jazz a perdu

L’exhortation de l’Afrique

Sur la cime ténébreuse

De tes incertitudes maléfiques

Et matérialistes ...

Qui es-tu

Quoi es-tu

Combien es-tu

Où es-tu

Dans la somnolence morbide

Des peuples sans rivages

Pas à pas sur le sable Sans visages

Tu vagabonderas
Zombies de midi

Condamnés à errer

Derrière toutes les églises du monde

Pourtant
Jamais Terre ne fut

Plus bénite que mienne

Qui est tienne

Jamais Eau ne fut plus fraîche

Que la Mare-d’Aimer

Le fils aîné dans le malheur

A expié tous les châtiments

Et

Le monde le sait
Pour avoir creusé à même les ongles

La route du bonheur des demains

Allez
Et dites-leur

De vous payer ce qu’ils vous doivent

Ce qu’ils « nous » doivent

Oui

La dette au père est la rançon du fils

Mais pour ce faire...
La réconciliation de vous-mêmes s’impose

Redevenir un Peuple

Dans et pour une même Histoire

Dans et pour un même aujourd’hui

Dans et pour un même avenir

Alors pas un brin de terre sur cette sphère

N’évitera
Le goût amer de mon sang de blues
Et
Enfin mon flair
Sera la sueur acide de mon salaire

Nous étions cent

Nous étions mille

Nous étions dix mille

Un million même

Mais
Nous étions « Un »

De la souffrance tu saisiras l’Unité

L’Unicité de nos cœurs
Pas un grain de sable
Pas une poussière
De ce globe qui ne craindra

Dorénavant ta rude et acerbe colère...

C’est alors que l’île prit la parole :

— Vous êtes venus
Fils du blâme et
De l’indigne sacrifice
Usant des plus chers à mon ventre

Ma postérité révulsée de vomissures

Aux yeux des plus convaincus

Des plus de moi-même

Vous régentez dès lors un corps

Lentement assassiné
Qui pourtant

Sachez-le
Ne fait que dormir !

Dormir
De l’absence de ceux qu’il aime

DORMIR

Oui moi
Île de Marie-Galante

Moi Marie-Galante

Femme rebelle

Femme debout

Femme fiel

Femme mamelle

Femme Touloulou

Femme Folle-Anse

Femme Caye-Plate

Moi Marie-Galante

Femme Piton

Femme Moringlane

Femme Buckingham

Femme Djèl-Gwan-Gouf

Femme Pirogue

Femme Déruisseau

Femme Twou-a-Dyab

Je suis Marie-Galante
Et
Vous êtes debout au banc des accusés

Je vous accuse en effet

Race de vipères

D’avoir volontairement

Orchestré mon néant

Moi Marie-Galante

Je vous accuse
Au tribunal de la postérité

D’avoir enfanté le vide

Moi Marie-Galante

Je vous accuse
La paume des mains collées au Baobab

D’avoir distillé la répulsion

Moi Marie-Galante

Je vous accuse
Les yeux rivés au Ciel

D’avoir insufflé la division

Moi Marie-Galante

Je vous accuse
Avec le peuple de Lumière

D’avoir instillé le déshonneur

Il trône dès lors
Dans Grand-Bourg
Une sale et putride
Odeur de cadavre en décomposition avancée
Et
Voilà que les cimetières

Recrachent déjà les ossements des indignés

Et
Les sorciers de tous bords

N’hésitent plus
À profaner le repos de nos morts

N’hésitant même pas à voler Les os de mon corps

Mais je dis malheur

Malheur

Malheur à tous ces vampires
Des temps modernes

Agonisants inconscients aux yeux ouverts

Le monde sait à peine qui ils sont Mais eux
Ils savent miroir assombri

Leur âme en putréfaction

Malheur à eux
Et
À leur sang
Jusqu’à la septième génération

Les quatre-chemins hurlent

Assoiffés de l’urine fétide des vieilles

Pissant debout
Bouche ouverte
Jambes écartées

Retenant sous leurs rotoplots
Les haillons de la pestilence et du paradoxe

Je suis le Pays
Le Pays de Marie-Galante

Oui je suis Marie-Galante

Les tympans du monde gronderont

Sous le magma de mon Nom

La Gracieuse avez-vous dit Méprise !

Je suis
Je suis unique au Monde
Nul lieu ne jouit de l’égal de ma candeur

De ma sensualité
Et

De mon acuité à commander demain

Mais ma grâce n’est point faiblesse

Je suis avant-goût de toutes les terres promises

Le fils que j’attends
Fera de moi une source de paix

D’amour

De résurrection

De fierté
Et de fraternité

Je suis le dernier étang du monde

Où l’homme étanchera sa soif

Je suis le dernier des arbres

Après la nouvelle apocalypse

Et
Quand le monde

Définitivement aura raison perdue

Je serai encore par mes fils retrouvés

Le dernier rempart d’une civilisation

Où
L’homme cultivera Toujours et à jamais

L’espérance d’être
Un jour à l’égal de la sagesse des dieux

Oui

Moi

Marie-Galante

Des Ave Maria

Et des Pater Noster

Femme rebelle

Femme debout

Femme fiel

Femme mamelle

Femme Touloulou

Femme Folle-Anse

Femme Caye-Plate

Moi Marie-Galante

Femme Piton

Femme Moringlane

Femme Buckingham

Femme Djèl-Gwan-Gouf

Femme Pirogue

Femme Déruisseau

Femme Twou-a-Dyab

L’île de Marie-Galante

Une île Monde

À dire mon Nom

Les légions succombent

Et
Toutes les mystiques

Deviennent alors

Une eau claire et suave

Je vous affirme
Au banc de la nation céleste

Avec la pertinence du Sachem

Vous crachant au visage

Qu’il viendra un jour

Le temps inévitable

De toutes les réparations ici-bas !

Voyez-vous L’Histoire certes oublie

Elle a toujours été
Une vieille femme récalcitrante

Aux oreilles rétrécies
Et à la mémoire trouée

Mais les cicatrices du Monde

Finissent toujours
Par révéler enfin
La profondeur ésotérique
Et la provenance de leurs blessures

Gare à toi alors
Le jour où je viendrai

Te réclamer les comptes

De ton abomination !

SORTIR DU MACADAM

Bernard Leclaire

ED IDEM ISBN : 978-2-36430-008-8

Marie-Galante

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