Plaidoyer Pour un Pacte national de non agressivité.
Notre tissu social se déchire de plus en plus sous l'effet de multiples tensions, internes et externes, mises en exergue au quotidien par une utilisation dévoyée des réseaux sociaux et relayées par des médias toujours plus avides d'événements, entretenant ainsi un climat de haine et de peur.
Les responsables politiques sont complètement dépassés et, á l'image de ce qui vient de se passer en Corse, la guerre civile est à notre porte.
La surenchère dans l'invective et l'agressivité dans les paroles et les actes sont devenues la règle. Plus personne ne s'écoute, alors que chacun y va de sa déclaration et de son accusation à l'égard de l'autre, cet "autre soi-même" qui devient l'ennemi intérieur qu'il faut combattre, voire éliminer.
Oui, nous sommes en état d'urgence, mais où se situe réellement l'urgence?
Et bien, puisque tout doit désormais passer par un Pacte: Pacte pour l'emploi, Pacte pour la croissance, Pacte pour la justice, Pacte pour la réussite éducative, Pacte pour ceci, Pacte pour cela....le temps n'est-il pas venu d'instaurer un Pacte national de non agressivité?
Un Pacte de plus me direz-vous. Oui, mais un Pacte fondamental sur lequel viendront s'ancrer tous les autres Pactes.
Ce Pacte serait applicable à tous les acteurs qui se proclament publiquement responsables, qu'ils soient politiques, journalistes ou acteurs de la vie civile.
Ainsi, chaque acteur réellement soucieux de sauver notre République en danger, s'engagerait publiquement en sa qualité de personne, d'individu, à ne jamais utiliser ni l'invective, ni la violence verbale, ni la petite phrase qui tue, ni d'une manière générale l'agressivité dans ses déclarations, mais á argumenter sereinement et sincèrement pour défendre son point de vue.
Le débat et la confrontation des idées, pleinement assumés, ne devraient dès lors plus déborder systématiquement sur le terrain de l'affrontement stérile et mortifère, sauf á disqualifier publiquement ceux et celles qui s'y risqueraient, ou qui refuseraient ouvertement d'adhérer à un tel Pacte citoyen.
On objectera sans doute qu'il s'agit là d'une utopie, seulement possible dans un monde de bisounours.
Mais le respect de l'autre, y compris de son adversaire, non systématiquement transformé en un ennemi à éliminer, voilà pourtant le seul chemin possible pour éviter la guerre civile.
Et ce serait assurément un bon moyen pour changer la partie gangrenée de notre classe politique, certains acteurs - ils se reconnaîtront - étant déjà manifestement "hors jeu".
La violence des mots conduit toujours à la violence physique.
Or, la République est à la foi un symbole et plus qu'un symbole qui, selon l'étymologie de ce mot, veut dire "mettre ensemble", "joindre", "rassembler".
Dès lors, les responsables politiques qui affichent les valeurs républicaines devraient toujours s'interdire tout comportement de "chef de bande" et les responsables des médias devraient s'interdire de "valoriser" l'invective et la violence, en évitant d'en rajouter et même en la dénonçant.
Il est trop facile de reporter la responsabilité sur "la société moderne", sorte de monstre incontrôlable, en oubliant que cette société est constituée par chacun de nous et que ses représentants et ses commentateurs les plus en vue ont l'impérieux devoir d'en dénoncer les dérives et non de se complaire dans un sinistre voyeurisme.
La société sera ce que chacun de ses membres en fera, à commencer par ses représentants les plus influents.
Il y a urgence. À bon entendeur salut.