Une chorale de collégiens reprenant "Rendez-nous la lumière" de Dominique A, une délégation de lycéens rendant explicites, en ouverture de manifestation contre la réforme des retraites, les violences policières subies à leur encontre, une publicité "Europe 1" montrant les flammes monstrueuses des méga-incendies en Australie devant lesquelles se découpe une ombre de Kangourou en panique avec le slogan "Ecoutez le monde changer" (ils n'ont vraiment honte de rien), la mémoire d'une colline verdoyante disparue/aplatie au profit de franchises de la distribution, une montée des eaux inéluctable visible sur toutes les vidéos de la dernière tempête, des violences policières outrageuses mais de plus en plus banales, des travailleurs individualistes, esseulés et fiers de l'être, des pauvres bafoués par un Gouvernement qui crie "solidarité" à qui arrive encore à l'écouter, des responsables politiques capables des pires sophismes éhontés pour dire l'inverse de ce qu'ils font, mon neveu qui vient d'avoir 18 ans et sa sœur 15, des quantités d'enfants heureux d'être là dans l'ignorance de l'enfance mais pour lesquels je vois un avenir constitué des miettes de leurs grands parents et des cendres du capitalisme à outrance... J'ai terriblement honte, je me sens impuissant et j'ai froid. Je ne sais pas où me réchauffer. Je ne sais même pas si un telle chaleur existe encore. Mais que n'ai-je pas assez fait ? Comment aurais-je pu mieux faire, alors que le système se défend contre ces initiatives avec une énergie au centuple et que je ne trouve que trop peu d'alliés et/ou que l'énergie me manque ?
Il est toujours possible de se vautrer dans son revenu moyen d'activité par tête, de picoler jusqu'à la lie pour, le lendemain, avoir oublié la veille, de faire des gamins comme si nous étions juste programmés pour et parce que cela forcera notre attention sur le foyer plus que sur le Monde, de croire en Dieu car plus rien n'est rationnel ici bas, de se débrouiller pour toujours être celui qui surnage en prenant appui sur les têtes des autres, de faire semblant que rien de tout cela ne se produit dans nos rues, nos campagnes, nos océans, nos "frontières"... Oui il est toujours possible de faire ça.
Eh bien pour moi c'est trop dur. Penser aux êtres vivants, et en particulier les plus jeunes, les plus fragiles et les plus humains, dont la mort est programmée non plus par une nature équilibrée, mais déprogrammée par une nature déséquilibrée de l'intérieur, dont la violence est déjà la pierre angulaire... je n'arrive pas à l'accepter, mais je n'arrive pas non plus à faire mieux, à contribuer à une transformation désirable de la nature. J'ai honte de nous, de n'avoir pu faire que ça.
La seule chose qui me reste, et qui me tient encore, c'est de rendre hommage à ce noble cri venu de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes :
"Nous ne défendons pas la nature. Nous sommes la nature qui se défend."

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