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Billet de blog 16 décembre 2022

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Il n'y a pas de surpopulation, seulement des surconsommateurs

Depuis que le cap des 8 milliards d'humains et humaines a été franchi en novembre 2022, la question de la surpopulation semble envahir l'espace public. Sommes-nous réellement trop nombreux·ses ?

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La réponse simplifiée est non. Ou en tout cas, pas vraiment. 

Oui, les rapports du GIEC sont sans équivoque désormais : l'être humain est bien la cause principale du réchauffement climatique. Ce dérèglement accentue les inégalités entre les humains, précarise notre environnement et donc fragilise notre équilibre sur Terre. Pour pallier ce problème, on serait tenté de croire que réduire la population mondiale est une solution efficace. Or, il n'en n'est rien. 

Certes, penser au fait que nous sommes désormais 8 milliards d'individus sur Terre semble vertigineux, et quand on regarde les courbes démographiques, on peut facilement prendre peur, on pourrait penser que nous allons bientôt manquer de place. 

Est-ce qu'on manque vraiment de place ?

Pourtant, la population mondiale tend à se stabiliser. L'ONU estime qu'elle devrait stagner à environ 10 ou 11 milliards d'habitants vers 2100, et que de nombreux pays occidentaux vont voir leur population baisser. 

Beaucoup de personnes prennent peur quant à l'espace disponible sur la Terre pour accueillir des milliards de personnes en plus, mais le problème n'est pas à se poser sous cet angle. Evidemment, si le modèle vers lequel le monde entier est censé désirer tendre est un modèle capitaliste, productiviste et basé sur l'hyperconsommation persiste, il risque d'y avoir un problème de place et de rendement.

Toutefois, comme l'explique Emmanuel Pont dans son ouvrage Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète (Payot, 2022), si demain, l'humanité entière devient végétarienne, nous pourrions libérer 75% des terres agricoles occupées par l'être humain pour se nourrir. L'élevage de boeuf est notamment responsable de 41% de la déforestation mondiale

Le danger de parler de « bombe démographique »

Paul Erlich publiait en 1968 La bombe P, un ouvrage catastrophiste dévoilant le fantasme d'une surpopulation dévorante menant l'être humain à sa perte. Les politiques de régulation de la population ne datent pas d'hier, elles ont toutefois été souvent violentes et totalitaires. On se souviendra de la politique de l'enfant unique en Chine, mais aussi des stérilisations et avortements forcés pratiqués par les médecins français dans les territoires ultra-marins (voir Le ventre des femmes de Françoise Vergès), mais aussi par les Etasuniens à Porto Rico, etc ... 

Ces politiques de régulation de la population sont ainsi souvent teintées de racisme, en plus d'un classisme et sexisme certains. 

De plus, plusieurs études prospectives ont montré que réduire la population n'aurait qu'un impact mineur à court terme du moins sur le dérèglement climatique : en 2017, le Think tank The shift Project en 2017 analyse les actions diverses pour réduire l'empreinte carbone de l'Europe. Si l'Europe entière adoptait la politique de l'enfant unique, l'empreinte carbone du continent ne baisserait que de -7%. En comparaison, nous baisserions notre empreinte de respectivement 18 et 13% en fermant les centrales à charbon et en rénovant les logements anciens.

Clairement, faire moins d'enfants n'est pas une priorité pour le climat, d'autres solutions plus faciles et raisonnables à mettre en place existent. 

La surpopulation n'existe pas

Ainsi, il apparaît que les politiques de contrôle démographiques ne sont pas souhaitables : elles ont servi et serviront toujours à un projet politique spécifique, qui donnera lieu à de l'eugénisme, du racisme, et du classisme, puisque qu'elles seront mises en place par des gouvernements racistes, classistes. De plus, la réduction démographique n'est finalement pas si significative que cela, on l'a vu, à l'échelle mondiale. Parler de surpopulation occulte le réel problème : le mode de vie occidental qui achète trop de vêtements, prend trop l'avion, consomme trop d'énergie, trop d'eau, trop d'électronique, pille les sols ici et ailleurs, etc ... 

Évoquer la surpopulation comme un problème urgent, c'est voir le problème du point de vue d'un occidental qui ne veut pas modifier son mode de vie ou simplement voir et admettre que c'est lui qui est l'élément clé du problème écologique. En effet, il n'y a en réalité pas de surpopulation, mais seulement des surconsommateurs. 

Le constat est là ; maintenant, qu'en fait-on ? Selon l'enquête Fractures Françaises de septembre 2021, 82% des Français·e·s pensent que le gouvernement doit prendre des mesures drastiques quitte à modifier profondément leur mode de vie. Toutefois, quand on propose des mesures concrètes, la même étude montre que seulement 31% sont prêt·e·s à consommer moins de viande et 21% à préférer le train à l'avion pour les longues distances. Si nous sommes encore frileux et frileuses en Europe à entamer une transition vers la déconsommation massive, il est certain qu'il s'agit là d'un enjeu majeur pour réduire notre empreinte carbone, bien plus que le fait d'arrêter de procréer.

« Le nombre d'humains est beaucoup moins important que la manière dont ces derniers vivent et s'organisent » écrit Emmanuel Pont en guise de conclusion de son essai cité plus haut. 

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