bettina.zourli (avatar)

bettina.zourli

Autrice, féministe

Abonné·e de Mediapart

11 Billets

0 Édition

Billet de blog 30 octobre 2023

bettina.zourli (avatar)

bettina.zourli

Autrice, féministe

Abonné·e de Mediapart

L'IVG n'est toujours pas un acquis en France

Alors qu'Emmanuel Macron réitérait, le 29 octobre, son projet de loi en faveur de la constitutionnalisation de l'IVG, projet déjà évoqué le 8 mars 2023, où en sont les droits reproductifs en France ?

bettina.zourli (avatar)

bettina.zourli

Autrice, féministe

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Si l'on ne peut que se réjouir d'une future constitutionnalisation de l'IVG en France, nous mettant à l'abri des retournements rapides et insoupçonnés de situation comme l'annulation du décret Roe V. Wade aux Etats-Unis, n'oublions pas que la France ne garantit toujours pas l'accès libre à l'avortement pour tous·tes. Où en est l'accès à l'avortement libre sur le territoire ? 

Le problème des déserts médicaux

Un désert médical, c'est une zone géographique où l'accès à un médecin se fait difficile, voire impossible. En France, on considère que 9 à 12 % de la population est concernée par ce fléau, soit entre 6 et 8 millions de personnes. Parmi les départements les plus impactés, on compte la Seine-Saint-Denis et la Seine-et-Marne : au total, selon Capital, seuls 20 % des Françaises et Français ont un accès optimal aux soins. On pourrait croire que le problème touche les zones rurales en particulier, il n'y a rien de moins vrai : en Ile-de-France, le délai d'attente moyen pour une IVG est de neuf jours alors que la Haute Autorité de Santé en préconise cinq maximum. 

Si le nombre d'avortements pratiqués chaque année est stable (il oscille, depuis 2000, entre 200 000 et 230 000 par an), les centres d'IVG le sont moins : l'association Lilavie estime que 130 centres ont fermé sur les quinze dernières années.

Un acte encore peu valorisé

S'il n'est jamais question de banaliser l'avortement - même si l'on rappelle que 95 % des personnes y ayant recours ne regrettent pas -, force est de constater que le secteur de la santé ne fait rien pour garantir que l'acte soit réalisé. En effet, il s'agit d'un acte médical encore stigmatisé : dans la profession, l’IVG n’est pas un acte "noble", explique la gynécologue Danielle Gaudry chez Elle, ajoutant : "L’autre marque de cette mise à l’écart est géographique : dans certains hôpitaux, les services d’IVG sont relégués au bout d’un couloir, à l’abri des regards. Objectif affiché : éviter que les femmes qui avortent ne croisent des femmes enceintes. Mais, symboliquement, cet isolement permet aussi de cacher « ces avortements que l’on ne saurait voir »."

Il serait rémunéré à peine 200 euros, là où une fausse couche l'est à hauteur de 700 euros.

Un regain conservateur

En réalité, en dehors des hôpitaux publics, peu de médecins pratiquent des IVG. Deux chercheuses ont analysé que « Rapporté au nombre de praticiens installés en cabinet, cela représente 2,9 % des généralistes et gynécologues et 3,5 % des sages-femmes » qui pratiquent des IVG dans leur cabinet. 

Si cela peut être lié à la pauvre rémunération évoquée plus haut, les centaines de récits effarants de patientes nous permet de comprendre que de nombreux médecins sont simplement contre la procédure. Le Planning familial a lancé à l'été 2023 une grande enquête sur le sujet, et recueilli de nombreux témoignages. Des femmes évoquent, en France, l'obligation d'écouter le cœur du fœtus avant d'avorter. Certaines attestent d'un processus anormalement long, notamment dans le cadre d'une IVG médicamenteuse. La procédure nécessite la prise d'un seul rendez-vous, elles sont plusieurs à avoir du en prendre trois, car des bâtons dans les roues étaient mises pour leur laisser accéder à la procédure. 

La vivacité des groupes anti-droits des femmes en France, à l'instar de l'action de masse qui avait été menée par le collectif Les Survivants sur les vélos en libre-service à Paris doit nous rappeler que tout le monde n'est pas favorable à ce que les femmes décident pour elles-mêmes. 

Les discours racistes, notamment proposant la stérilisation volontaire à Mayotte en avril 2023 doit aussi nous rappeler que le droit de disposer de son corps, de procréer ou non est à géométrie variable et qu'il n'est, à l'heure actuelle, toujours pas un acquis réel en France. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.